Clown macabre -
J'ai un gros nez rouge,
Deux traits sous les yeux...
Sur le glacis lunaire, une fente de sang
Hilare et implacable s'étend d'Est en Ouest.
Ce sillon, longue plaie ouverte sur ses dents,
Embrasse l'astre roux qu'il se plante d'un geste.
Au beau milieu de ce désert blanc d'agonie,
La rouge excroissance meurt en râle infini
Quand ses doigts la tenaillent, et pour armer son cri :
Deux peintures de guerre à ses yeux. Mais l'on rit.
Un chapeau qui bouge,
Un air malicieux...
Le masque d'amuseur bien cousu à sa face
Reçoit l'ombre dansante d'un chapeau qui tangue
Au rythme d'un pendu tirant sa noire langue
À l'univers, avant que le temps ne l'efface.
Bien couvert de ce casque au gris ressort grinçant,
Il parade entre nous. Sur son visage glisse
Une douce folie, de la nôtre complice,
Et comme nous, ses pieds chaussent du bien trop grand.
¤
Qu'il boive chaque jour du mépris sur sa route,
Que son monde s'écroule, que ses membres se voûtent,
Que ses yeux se remplissent ou ses poches se vident,
Que par le soin des Grands, les petits soient livides,
Si vient la solitude, et si l'amour le quitte,
Si chaque jour en son cœur la rancœur habite,
Qu'il porte ce costume qui ne doit vieillir :
Permission de souffrir ; obligation de rire.
Mais ce soir, le glacis ne tient plus, se fissure.
Pourtant face au public, le show poursuit son cours.
Il tournoie, il s'esclaffe, il saute, il joue ses tours,
Jusqu'à ce que surgisse la triste figure...
En habit rugissant, sa sirène à lui vient.
Celle-là qui broya sa vie entre ses mains.
L'écarlate nez hurle, l'âme va s'équarrir,
Les dents et l'arme mordent, dégustent. Plus de rire.
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