La Poisse (One-shot)
Quand un type normal se retrouve confronté à une situation bien trop belle pour être vraie il y a trois cas de figures possibles :
- Le gars en question est con comme une pioche sans manche et plonge dans les ennuis les yeux fermés.
- Le gars a trois neurones qui arrivent à fonctionner ensemble, remarque qu’il y a un problème et opère une retraite plus ou moins prudente et ordonnée.
- Le gars comprend qu’il y a un problème mais, pour une raison x ou y, s’en contrefout comme de sa première tartine beurrée et décide de profiter de sa « chance ».
Pour votre information moi, je suis plutôt dans la troisième catégorie, tout du moins quand je suis à peu près dans mon état normal, c’est-à-dire passablement déprimé et légèrement alcoolisé.
Je sais : c’est vraiment pitoyable que les mots « déprimé » et « alcoolisé » soient utilisés pour décrire l’état normal de quelqu’un mais c’est comme ça. Quand je déprime je bois, et je déprime assez facilement. Surtout quand il est question de filles.
Je suis un tendre, pour une fille normalement constituée il est enfantin d’attraper mon cœur et de le presser jusqu’à ce que du jus en sorte. J’ai une belle gueule et quand je suis en forme, une allure de séducteur plutôt réussie, pour attirer une nana jusqu’à moi je me démerde plutôt bien, mais si je commence à m’attacher… Alors là elle peut vraiment s’amuser.
Donc, j’étais dans un bar à déprimer d’être à nouveau célibataire lorsqu’un… J’ai envie de dire « troupeau » mais quand j’y pense c’est assez désobligeant, du coup je vais plutôt opter pour « groupe ». Par contre un groupe de taille conséquente.
Donc, j’étais dans un bar à déprimer d’être à nouveau célibataire lorsqu’un groupe de taille conséquente de filles est entré. Et quand je dis « filles », je veux dire par là « bombes ». Sérieusement, il y avait bien une dizaine de canons de toutes catégories : blondes, brunes, rousses, blanches, asiats, maghrébine, noires, caucasiennes, latinos… Je peux vous dire que des mâchoires se sont décrochées dans la salle : le bar était pas dans la catégorie « hyper branché » : on y allait plus pour être tranquille que pour lever des minettes. Et là tous les minables dans mon genre voyaient arriver un cortège d’avions de chasse dans leur forteresse de solitude.
L’ambiance a bien changé, tous les solitaires de ce trou se sont mis à se battre pour pouvoir offrir des verres à ces bombes, c’est à peine si les serveurs avaient le temps de profiter du spectacle. Le patron allait avoir un boost de son chiffre d’affaire avec ce soir-là.
De mon côté j’étais resté dans mon coin, célibataire depuis la matinée j’étais pas déjà d’humeur à repartir en chasse. Et j’ai pas eu besoin : après moins de vingt minutes à juste laisser traîner mon regard un peu partout, il y a deux de ces beautés qui sont venues à moi, avec courbes, déhanchés et regards captivants et conversations franchement superflues.
C’est là où je raccroche avec mon propos initial : deux bombes atomiques qui accrochent un mec seul avec sa bouteille dans un bar minable à onze heure du soir, il n’y a rien qui vous dérange ?
J’avais commencé à avoir des doutes dès que j’ai vu la troupe arriver, mais là c’était obligé : il y avait une arnaque !
Mais bon ça je m’en fous. J’étais pas d’humeur à repartir en chasse mais je vais pas balancer du gibier qui tombe presque plumé dans ma besace. Ah oui, parce que je l’avais pas dit mais en plus, elles portaient pas des combinaisons de skis, bien au contraire. Et les problèmes que j’imaginais déjà dans ma tête, je les ai rapidement remisés dans un coin. Mon crédo de vie c’était « Profite et Assume » et c’est ce que j’avais prévu de faire cette nuit-là.
Il y avait d’abord une rousse aux yeux verts - assez rare ça - qui s’appelait Maria, avec un sourire charmeur et un rire qui transpirait l’innocence. Son amie c’était Celia une petite brune avec un regard noir pénétrant et du feu dans les veines quand elle danse en se trémoussant plus que ce que la décence ne l’autorise. Les deux en même temps c’était un festival !
À un moment les deux se sont presque battues pour me rouler un patin, au final elles l’ont fait l’une après l’autre, trois fois chacune. Perso je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir les mains particulièrement baladeuses, et j’ai vraiment aimé. Leurs peaux douces et chaudes, leurs corps fermes… Garder un esprit clair dans une telle situation c’est plus une challenge c’est le treizième des travaux d’Hercule.
Il va sans dire que lorsqu’elles ont proposé qu’on s’en aille, elles n’ont pas eu à se justifier pour que j’accepte : on était dehors en une seconde. Elles m’ont ramené jusqu’à leur hôtel en me tirant par le col et la ceinture et quand Maria a pété un de ses talons je l’ai prise dans mes bras et portée en mode princesse sur le reste du trajet. Elle a passé ses bras autour de mon cou et a rigolé comme une petite fille avant de m’embrasser. Deux minutes plus tard Celia insistait pour égaliser les scores.
Quand on est arrivé sur place, ben c’était un gros morceau le building : cinq étoiles et sûrement parce que c’est le maximum possible. Le réceptionniste n’a même pas cligné des yeux quand il m’a vu foncer vers l’ascenseur avec mes deux mannequins - oui parce que toute la troupe qui avait envahi le bar c’était des mannequins professionnelles. Dès que les portes se sont refermées et que j’ai reposé Maria on a commencé à s’embrasser, plus sérieusement que dans le bar : ça devenait chaud là. Les mains qui cherchent, les bouches qui trouvent et les souffles qui accélèrent. Honnêtement si on était montés ne serait que deux étages plus haut on ne serait sans doute pas sortis de l’ascenseur.
Le fait est qu’on en est sortis et qu’on s’est dirigés comme on le pouvait jusqu’à leur suite - une simple chambre ça aurait été moins impressionnant j’imagine. La déco était excessive par contre, mais j’y ai pas vraiment prêté attention sur le coup, j’avais d’autres choses qui méritaient bien plus mon attention. Trois à vrai dire : Maria, Celia et l’incroyable combo qu’elles formaient. Et croyez-moi, c’est un trio qui mérite bien plus d’attention que ce que je ne suis capable de déployer. Pourtant même avec quelques whisky dans le sang je sais être attentif. D’ailleurs en général je suis moins attentif sobre que bourré.
Je ne vais pas trop entrer dans les détails concernant ce qui s’est passé dans cette suite, que ce soit sur le lit, le sol, la table et un peu partout ailleurs. Si je me lance je ne m’arrêterai pas et en plus on va dire que je me vante.
Donc, ça a duré un certain temps et bordel ! C’était bon, fatiguant, très fatiguant, mais bon ! On peut dire que j’ai bien profité.
Ensuite, conformément à mon « crédo » j’ai dû assumer. Cette seconde partie a été au même niveau que la première mais dans la direction opposée.
C’est un peu comme si vous veniez de vous gaver de toute la bouffe que vous adorez et qu’ensuite on vous montrait une boite vide de laxatif hyper puissants. C’est pas comme si ça gâchait le plaisir que vous avez eu pendant l’acte en lui-même mais ça vous laisse quand même deviner que la suite ne va pas être drôle.
Dans ce cas précis mon pot de laxatif ça a été de me réveiller lié au plumard sur lequel on avait conclu notre longue séance de gymnastique. J’étais à poil, étendu sur les draps avec des cordelettes aux poignets et aux chevilles.
Si on avait sollicité mon opinion j’aurais pu trouver ce genre d’activités stimulant, mais pris par surprise comme ça… C’était juste la confirmation de ce que m’avait soufflé mon instinct.
Les deux canons avec qui je m’étais copieusement envoyé en l’air étaient à quelques mètres du lit en train de se chuchoter je ne sais quoi à l’oreille. Leurs regards n’étaient plus du tout les mêmes, fini la malice là c’était beaucoup plus rude, malfaisant même. Elle souriaient toujours mais de la même façon qu’un tigre sourirait à un lapin bloqué dans un coin.
Je me suis retenu de parler, dans cette situation je n’aurais eu droit qu’à des moqueries et les explications viennent toujours à ceux qui ont la patience de les attendre. Et en l’occurrence j’ai juste eu à attendre qu’elles arrêtent leur messe basse et se mettent vraiment à me regarder. Il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer leurs crocs.
Aussi surprenant que ça puisse paraître j’avais été alpagué par une paire de vampires qui, semble-t-il, appréciaient conclure leurs soirées de débauche par une petite perfusion artisanale.
Je dois bien admettre que depuis mon tabouret de bar j’avais envisagé pas mal d’arnaques et de pièges potentiels, celle-là n’en faisait pas partie. Déjà que j’avais du mal à croire aux horoscopes, alors ça.
Quand Maria est monté sur le lit en frottant son corps contre le mien, j’ai pas pu m’empêcher d’avoir envie d’un round supplémentaire, ce qu’elle a d’ailleurs noté avec un nouveau sourire. Néanmoins, ce n’est pas ça qui l’a retenue d’approcher un peu trop sa bouche de mon cou.
- On est obligés d’en arriver là Maria ? On pourrait pas juste continuer sans changer de menu ?
- C’était très bon, mais maintenant c’est l’heure de notre petit dessert.
C’est pas comme si une demande polie fonctionnait souvent dans ce genre de situations. Être libéré aussi facilement m’aurait drôlement surpris.
Du coup j’ai arraché le morceau de lit qui retenait mon bras droit et j’ai collé mon poing dans la face d’ange de Maria. J’ai senti son visage craquer et elle a volé à travers la chambre pendant que je déliais mes trois autres membres. Celia a fait une drôle de tête et s’est jeté sur moi avec presque autant de férocité qu’une heure avant, mais ça m’excitait beaucoup moins.
Je me suis contenté d’un claquement de doigts : elle a commencé à brûler et en deux secondes c’était fini. Par contre j’ai pas regardé, ses - courts - cris étaient déjà à la limite du supportable, si en plus j’avais eu l’image… Quand Maria s’est remise du coup que je lui avais collé dans le nez c’était déjà trop tard pour elle : un autre claquement de doigts et c’était réglé.
J’ai récupéré mes fringues en vitesse et je me suis taillé en espérant ne pas croiser les collègues de mes « conquêtes » de la nuit, deux victimes c’était bien suffisant. Non, parce que d’accord c’étaient des vampires ayant prévu de me faire la peau, mais je venais quand même de détruire deux avions de chasses de classe internationale ! Et ça, ça fait mal au cœur.
D’abord ma copine qui veut me sacrifier sur l’autel de sa déité à la con et ensuite deux vampires qui me veulent comme casse-dalle. Je sais que je suis un démon mais ça devrait pas être permis d’avoir une guigne pareille avec les filles ! Quand j’entends tous ces rinces-comptoirs - qui ont dû se faire bouffer maintenant que j’y repense - se plaindre de leurs problèmes de cœur ça me fait doucement rigoler. Plus de trois siècles que je suis en vacances sur cette terre et je n’ai pas eu une seule histoire qui puisse paraître normale. Et moi, je ne peux même pas me plaindre à un barman faisant semblant de s’intéresser à mes problèmes !
Putain de vie de merde.
FIN
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