Chapitre 25, partie 2 :

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Will Marx :

L'heure qui s'écoule me semble interminable. Le besoin d'être avec Angelo fait battre mon cœur par saccades.

Je ne pourrai pas le rejoindre lors de la pause déjeuner, il ne le souhaite pas, mais le simple fait de l'apercevoir m'apaise. Ça me prouve qu'il va bien et quand il me sourit discrètement c'est comme atteindre l'extase.

Je ferme les yeux et laisse tomber ma tête contre la table. Mon front percute le bois mais je m'en moque. J'essaie de visualiser une fois de plus la scène qui m'a permis d'avoir espoir à nouveau. Mes doigts dans ses cheveux blonds, son corps pressé contre le mien, ses fesses sur mes genoux et par-dessus tout, chaque frisson de sa peau contre la mienne.

J'avais envie de lui. Sexuellement, je le désirais, et j'avoue que c'est étrange, cependant mon corps ne peut pas mentir. L'érection qui encombrait mon caleçon ne peut qu'être le reflet de ce qu'il me fait ressentir. En réalité ce n'est pas la première fois que cela se produit, mais ça devient de plus en plus fréquent et aisé d'en arriver jusque là. Un simple regard et il met le feu aux poudres bien ancrées dans le creux de mes reins.

La sonnerie me sort de mes pensées en un violent sursaut. Mes yeux se baissent sur mon entrejambe et je peux y repérer sans mal la proéminence qui déforme mon jogging.

Merde !

Je prends le temps de regrouper mes affaires. Lentement, je récupère livres et cahiers que je glisse dans mon sac pour faire disparaître ce désir bien trop présent et gênant. Le prof me zieute d'un mauvais œil, sûrement impatient de faire déguerpir tous ces cancres d'élèves. Je quitte la salle d'un pas traînant lorsque la voie est libre.

Faucon, faut qu'on parle ! s'exclame Pietro en bondissant devant moi.

Je sursaute et éclate de rire. Il m'a fait peur ce con.

— Pourquoi l'oie ? réponds-je d'une voix amusée.

— T'es un putain de rapace et moi un animal de basse-cour, il va vraiment falloir y remédier.

— C'est ce qu'on dit depuis dix ans, ricané-je.

— Exact, mais cette fois tâche de trouver quelque chose de plus viril. Ça ne me ressemble.

— Ouais, monsieur l'aigle royal. Que me veux-tu ?

— Ça, ça me plaît ! s'exclame-t-il en passant son bras derrière ma nuque pour me guider à sa suite. On fait la fête ce soir, tu viens !

— Pourquoi une fête en pleine semaine ?

— On a lapidé les Pitbulls hier soir ! Ça vaut bien une bonne cuite !

Je n'ai pas assisté au match, bien trop contrarié de ne pas pouvoir jouer, mais évidemment je suis fier de mon équipe et de leur victoire bien méritée. Les Pitbulls ont une sacrée défense.

— Je n'ai pas joué, je n'ai aucun mérite.

— On ne va pas fêter ça sans toi, capitaine, s'exclame-t-il en me tapant le torse. Tu viens et tu fermes ta grande bouche.

— C'est demandé si gentiment, ironisé-je. Comment puis-je refuser ?

— C'est exactement la question que je me pose. Vingt et une heures, chez moi.

— Ça roule, je dois amener quelque chose ?

— Rien, j'ai déjà tout prévu. Oh... en fait si !

— Quoi ? Arrête de te faire désirer, râlé-je en pénétrant dans la cafétéria.

— Ton pote DeNil !

Mes yeux s'arrondissent, il a braillé comme un abruti. Est-il sérieux ?

— Tu te fous de moi ? Jamais il n'acceptera.

— Essaie de le convaincre. J'aimerais bien comprendre pourquoi il t'obsède autant. Les filles ne seront même pas là, et seulement certains des gars viennent.

— Je te dis qu'il refusera. Il ne se mélange pas.

— C'est faux, il t'a laissé l'approcher ! Allez, on sera sage ! Je suis vraiment très curieux, tu me connais.

— Vous ne lui avez jamais adressé la parole, les gars trouveront étrange de le voir chez-toi et avec moi !

— Vos avez passé presque deux semaines ensemble au milieu d'arbres, après ça je ne vois pas ce qu'il y a de bizarre dans le fait que vous soyez devenus amis ! Essaie, mon pote. Ça ne te coûte rien, et s'il refuse et bien tant pis, mais au moins ce sera le moment idéal pour tenter de le connaitre et de chasser les préjugés des mecs.

Je bougonne des propos inintelligibles.

Je suis presque certain qu'il va me hurler dessus pour avoir ne serait-ce que penser à lui faire une telle proposition. L'idée me paraît à la fois absurde et intéressante. Cela me plairait qu'il m'accompagne, qu'il voit que mes amis ne sont pas tous aussi mauvais qu'il l'imagine. Il pourrait même s'entendre avec plusieurs d'entre eux, Pietro le premier. Ça me permettrait également de passer la soirée en sa compagnie. Certes, je devrais garder mes mains pour moi et mes lèvres loin des siennes, mais au moins il sera près de moi.

— Je vais voir ce que je peux faire, capitulé-je en m'installant à notre table.

Judas et Noah sont déjà là, en pleine discussion sur l'étalage des atouts de Kristie et Mélodie Spencer. Leur frère, Ryan, est dans l'équipe de hockey et je suis persuadé qu'il ne se gênerait pas pour écraser la tête de ces deux idiots en entendant leur façon de qualifier ses petites sœurs.

Je frissonne lorsqu'une main manucurée se pose sur mon épaule. Marianna se glisse sur mes genoux sans prendre la peine de tirer une chaise pour s'asseoir. Ses cheveux chatouillent mon visage et ses bras encerclent mon cou. J'ai envie de lui dire de reculer, c'est hallucinant ce que je peux être tendu quand elle me colle ainsi. Ce ne serait pas très poli de l'envoyer promener de la sorte alors que je n'ai pas encore trouvé le temps de lui dire que je souhaite mettre un terme à notre relation.

Comme fait exprès, c'est le regard de DeNil que j'intercepte lorsque je relève la tête. Il me fixe froidement et fusille Marianna des yeux. Ses pupilles ont pris tout l'espace dans ses yeux, cachant ainsi le brun de ses iris. Son corps est si crispé que je peux ressentir la douleur que cela doit lui infliger. J'aimerais le rejoindre et m'excuser de lui imposer une telle situation mais c'est impossible dans l'instant. Alors, en un regard j'essaie de lui faire comprendre que mon esprit est avec lui.

Il me toise, lève le menton en signe de désaccord et démuni je l'observe prendre place à une table non loin de la nôtre. Il me tourne le dos et une fois son plateau posé, il rabat la capuche de son sweat sur ses ondulations blondes dans lesquelles j'aimerais glisser mes doigts.

Le repas se déroule lentement, Marianna toujours sur mes genoux. J'écoute distraitement les conversations auxquelles je ne prends pas part, le regard rivé sur le dos d'Angelo.

— Alors, s'exclame Judas, tu as fait du bon travail avec notre Willy ?

Je relève la tête pour observer mon pote loucher sur celle qui m'enlace depuis ce qui me semble être une eternité. Elle fronce les sourcils, visiblement dans l'incompréhension.

— De quoi tu parles ? demande-t-elle en passant ses doigts le long de ma nuque.

— Il est si joyeux ! Tu dois sûrement lui avoir administré la pipe du siècle.

Je sens le petit corps de Marianna se tendre contre moi. Elle me jette un mauvais œil pour ensuite reporter son attention sur Bloom qui attend de connaître la raison de ma bonne humeur. Cela m'amuserait presque s'il avait vu juste, mais là, nous sommes loin du compte.

— Ça ne risque pas, râle-t-elle. Will ne m'a pas touché depuis des semaines.

Les regards se braquent sur moi et Noah ouvre grand la bouche comme si ce qu'elle venait de dire était une énormité. Judas fronce les sourcils, comprenant enfin qu'il s'était planté sur toute la ligne. J'intercepte également le regard de Pietro qui sourit sournoisement mais ce qui me bouleverse davantage, c'est le ricanement émis un peu plus loin.

Ce rire sarcastique, je ne le reconnais parfaitement pour l'avoir entendu pendant des jours. Nul ne peut comprendre ; personne autour de cette table ne semble l'avoir remarqué, ou peut-être qu'ils n'y prêtent tout simplement pas attention, mais moi oui.

D'où il se trouve, Angelo peut entendre la moindre parole prononcée entre mes amis et moi. Lorsque je lève la tête, je m'attends à avoir vue sur son dos, pourtant c'est son regard rieur qui me percute.

Il s'est déplacé. Son dos est désormais appuyé contre la table et une de ses jambes est pliée de façon à ce que sa cheville repose sur son genou. Cette posture décontractée lui va à merveille. Je suis ébloui par l'éclat victorieux qui réside dans ses yeux. Je le détaille sans même tenter de me cacher tandis qu'il me sourit. Un petit rictus fier retrousse le coin de ses lèvres. Aucun de mes amis ne semble se rendre compte que je contemple Angelo avec une telle intensité que je pourrais presque m'enflammer sur place, aucun, sauf peut-être Pietro.

J'admire les mèches blondes qui s'échappent de sa capuche avec l'envie furieuse de respirer l'odeur de son shampoing, puis mon regard descend vers sa bouche qui mâche lentement un morceau de pomme.

C'est incroyable l'effet qu'il a sur moi, presque insensé et j'en viens à me demander si tout cela est normal. J'ai arrêté d'écouter les commentaires portés sur ma vie sexuelle, celle de Marianna par la même occasion, bien trop concentré sur chaque trait parfait du visage pâle que j'ai face à moi.

Le pichet d'eau s'abat brusquement sur la table et me fait sortir de ma torpeur. Je quitte les yeux de DeNil pour retrouver ceux de Pietro qui me fixent avec insistance. Ses sourcils sont froncés et ses lèvres pincées. Je comprends immédiatement ce qu'il me hurle silencieusement. Je me suis égaré et c'était sa façon de me prévenir que je prenais des risques.

— T'es énervé ou quoi ? s'exclame Carter à l'intention de mon meilleur ami.

— Non, il m'a échappé des mains, ment-il en détournant son regard de moi.

Du coin de l'œil je distingue Angelo, vêtu de son sweat noir, se déplacer. J'ai un pincement au cœur. J'aimerais le suivre et rester près de lui, ne plus jamais devoir m'en éloigner, un peu comme quand nous étions perdus tous les deux. Dans notre bulle. Une sphère remplie de tension électrique, de colère, mais d'une dépendance qui m'a fait perdre les pédales.

Sans réfléchir je me relève en faisant basculer Marianna dans mon mouvement. Elle râle et pose ses fesses sur ma chaise désormais vide.

— Mais tu fais quoi ? se plaint-elle.

Je recule en prenant la même direction qu'Angelo.

— Bébé ?

— À plus, réponds-je en levant la main pour signe d'au revoir.

Je continue de tracer mon chemin, le sien.

Je n'en peux plus, c'est plus fort que moi. J'ai besoin de lui, maintenant ! Je dois faire descendre la tension, me revigorer en étant dans son espace, l'obligeant ainsi à prendre place dans le mien. J'accélère le pas, lui colle aux basques. Il doit probablement sentir ma présence puisqu'il ralentit, se tourne lentement vers moi et lorsqu'il me fait face, j'attrape son poignet. Sans ménagement je le tire avec moi dans les toilettes, cette pièce qui se trouve à ma droite. Il ne dit rien, se laisse docilement faire alors que je le plaque contre la porte et croise enfin son regard. Il grimace, ses traits tirés me font froncer les sourcils. Je remarque que mes doigts enserrent toujours son poignet et la réalité me rattrape.

— Tu l'as encore fait ! lui reproché-je brusquement en le relâchant comme si son contact m'avait brûlé.

— Ne va pas sur ce terrain, Will. Il est glissant, tu le sais.

Avec plus de douceur, je récupère son bras entre mes doigts tremblants. Je retiens mon souffle alors que je relève la manche de son pull pour découvrir l'affreux tableau qui hante mes nuits. Sa peau boursouflée, rougie, meurtrie, ces entailles qui semblent être là depuis quelques heures à peine, et puis toutes celles plus anciennes.

— Tu ne les laisses même pas guérir, soufflé-je complètement anéanti.

Il tente de récupérer l'usage de son membre mais je l'en empêche, exerçant une pression plus forte en évitant soigneusement les parties douloureuses. Dans un geste précautionneux, mes lèvres trouvent les plaies. Je les embrasse délicatement, priant pour faire disparaitre toute la souffrance qu'il peut ressentir. Il frissonne, se laisse aller contre la porte alors que le bout de ma langue lèche les meurtrissures.

— Will, murmure-t-il le souffle court. Arrête, s'il te plaît.

Submergé par un surplus de sentiments, la peine, la peur, l'envie irrésistible de le soigner, de l'aider, mon visage s'approche du sien. Je plaque ma bouche contre la sienne sans ménagement. Sa tête cogne contre le bois et instinctivement je passe ma main entre son crâne et la porte. Je m'acharne sur ses lèvres, tente de lui partager par ce baiser tout ce que j'aimerais avoir la force de lui dire.

Il soupire dans ma bouche et je me repais de chacune de ses réactions. Mon cœur bat vite et fort quand ma langue glisse contre la sienne en une brusque caresse. Ses doigts se referment douloureusement sur mes épaules, il s'accroche à moi comme pour ne pas tomber alors, je passe mon bras dans le bas de son dos pour plaquer son corps contre le mien. Ma jambe glisse entre les siennes, ma cuisse appuie contre son aine et j'avale le râle de plaisir qui s'échappe de sa gorge.

Sa bouche cherche la mienne, la mienne cherche la sienne et chacun de nos baisers me paraît encore plus délicieux et puissant que le précédant. Je ne saurais expliquer ce que je ressens dans ce genre de situations. Ca m'est tombé dessus, si vite et si fort. Je peine à gérer mes émotions. C'est délirant, presque déviant. J'ai besoin de lui.

— Will, geint-il en essayant de se défaire de mes baisers.

Je le laisse respirer, mais me prive encore d'oxygène parce qu'à l'instant où il s'éloigne, ma bouche remonte sur sa joue.

— On est... dans les chiottes du... lycée.

J'ignore sa remarque et continue d'effleurer sa peau. Je sais pertinemment où nous sommes et je m'en fiche complètement. Peu m'importe l'endroit en réalité, je me moque d'être dans des toilettes ou au milieu de nulle part entre les arbres, je veux juste pouvoir le toucher, l'embrasser encore et encore. Je regrette d'avoir mis des barrières dès le début, pour qu'ensuite ce soit lui qui les érige parce que j'aurais pu profiter de cette sensation de plénitude bien plus tôt si je ne m'étais pas retenu.

— C'est trop risqué, William, chuchote-t-il alors que je dépose un baiser sur sa pommette.

— Il n'y a que nous, ici.

— Pas à l'extérieur. Écoute tout ce remue-ménage dans les couloirs.

Je capitule quand il me repousse doucement en plaquant ses mains sur mon torse.

J'ai le souffle court et mon cœur palpite de manière erratique. Les joues d'Angelo sont teintées d'un joli rose et ses lèvres sont gonflées par l'assaut de mes baisers. Je le trouve atrocement beau avec cet air un peu farouche sur le visage.

Mon front se pose contre le sien, ses paupières sont closes et son souffle saccadé s'échoue sur ma peau.

— Tu fais quoi, ce soir ? m'enquiers-je en repensant à ma conversation avec Pietro.

— La même chose que tous les autres soirs.

— C'est à dire ?

— Le ménage, mes devoirs, et tout un tas de trucs chiants à mourir.

Je fronce les sourcils, ce plan ne me convient pas.

— Pietro a invité quelques joueurs chez lui pour la victoire contre les Pitbulls. Est-ce que... tu veux venir avec moi ?

— Même pas en rêve, s'exclame-t-il en me poussant pour que je m'éloigne.

Je m'appuie contre les lavabos, les mains sur la céramique et le fixe avec insistance.

— J'ai vraiment envie que tu viennes.

— Si tu veux que je passe mon temps à insulter mentalement, ou pas d'ailleurs, tes potes, alors oui en effet c'est parfait comme programme.

Je souris, amusé par sa remarque.

— Ils ne sont pas tous aussi nuls que tu le penses. Regarde, tu me détestais et finalement tu as changé d'avis.

— Parce que tu es moins con que ce que je pensais. Les autres ont des gueules qui ne me reviennent pas.

— Tu n'es pas dans l'obligation de faire ami-ami, c'est juste pour qu'on puisse passer la soirée ensemble.

— Je ne sais pas, Will, ce n'est pas pour moi ça. Et puis si c'est pour que je passe mon temps à regarder ta pouffe te grimper dessus, très peu pour moi.

Je délaisse les vasques et m'approche à nouveau de lui. Mes mains se ferment sur ses joues et je l'oblige à me regarder.

— Elle ne sera pas là, ni aucune autre fille. Il y aura quelques gars de l'équipe, c'est tout.

J'embrasse le bout de son nez, dans un élan de spontanéité. Il me sourit timidement puis passe ses bras dans mon dos.

— Viens, s'il te plaît. Je partirai avec toi si ça se passe mal ou que tu veux t'en aller. C'est une bonne manière d'essayer de casser tes aprioris. Je ne te demande pas de devenir grand copain avec eux, juste de sortir de ta zone de confort. Et qui sait, peut-être que tu seras agréablement surpris.

Il me contemple un moment, silencieusement. Je vois l'hésitation dans ses yeux, puis finalement ses épaules s'affaissent et ses mains passent sous mon blouson pour me plaquer davantage contre lui. Je le prends dans mes bras pour lui rendre son étreinte alors qu'il se hisse sur la pointe des pieds pour poser ses lèvres chaudes dans mon cou. Je l'entends inspirer, soupirer ensuite, puis il dépose un second baiser sur ma peau.

— Ok..., souffle-t-il. Je vais essayer, pour toi, mais ne me retiens surtout pas si je décide de quitter cet enfer.

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