Mon divorce amical

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Bonjour,

Le choix du mot divorce pour ce défi m'a rappelé un divorce personnel. Il était d'ordre amical, s'est passé il y a plusieurs années et me laisse un goût amer en bouche. Je veux m'en débarrasser.

 Au collège j'étais solitaire. Je préférais rester chez moi, terminer mes devoirs en regardant la télé et point. J'étais contraint de sociabiliser, parce que dans la classe c'était l'anti course au harcèlement. Sébastien, petit et potelé, alors que j'étais long et mince essuyait plus d'insulte par le groupe du Fondelaclasse. Il y a un équilibre naturel au collège ; qui n'est pas moqué se moque. C'est dommage qu'on nous ait pas appris les règles de ce théorème-ci. Il est proportionnel. Je le rabaissais presque jamais. Très peu, vraiment je le rabaissais peu, mais je le rabaissais. Je ne faisais que défendre ma place d'avant dernier. Et donc vraiment le jour où il est arrivé avec des collants sous son pantalon, comme une fille, c'était l'occasion rêvée. On était dans les vestiaires de sport. On y reste peu de temps, on enfile un pantalon et on sort. Il retire le sien, je scrute, remarque, hésite et le pointe du doigt en chantant à tue tête que c'est une pédale. (Je précise que j'ai compris, et que je ne ferais plus jamais ça aujourd'hui, vraiment.) J'étais tranquille pour longtemps après ça. Je suis vite sorti des vestiaires, mais lui et d'autres garçons ont pris du temps à sortir ce jour là.
 Tous les midis, je rentrais chez moi, je regardais la télé en mangeant et puis, je retournais à l'école. On avait à peine une heure pour manger alors, je devais aller vite. Mais, je devais pas passer ma journée dans la même atmosphère, au moins. Et puis, le self, je connais peu cet endroit, mais c'était un demi sous sol. J'aurais pas pu manger là-bas et parler à des gens en même temps. Parce que, c'était un terreau à communication. Je le reconnais. Quelle jungle pour qui y fait ses premiers pas. Et quel El Dorado pour le chasseur à l'œil aiguisé. Arles, c'était un chasseur. Le genre de gecko à laisser vivre une larve pour avoir le bonheur de manger une mouche. Et c'est fou ce qu'il s'en tapait des mouches. Les mouches c'est des filles, là. Lui, il était pas moqué. Pour vous dire, en sortie, il mangeait avec ceux du Fondelaclasse. Et à moi, Il m'a dit : "Vas-y, viens ! " Mais je pouvais pas le rejoindre. Déjà, parce que je détestais ces connards. Mais aussi parce que j'avais un peu d'honneur. Je préfèrerais toujours passer du bon temps dans le groupe des nuls que du mauvais dans un autre. Je suis comme ça. Et je mangeais même avec Sébastien en sortie !
 Je me souviens plus de comment j'avais rencontré Arles. Je sais que des années avant, il avait fait un cours d'essai dans mon club d'escrime. Mais c'était pas vraiment là qu'on a appris à se connaitre. On n'était pas du même monde. Lui, il pouvait parler et être à l'aise avec n'importe qui ; la cour c'était une mer ou il nageait d'ilot en ilot, moi, je me dépatouillais d'un marécage. On était complémentaire, sa mère voulait qu'il soit intelligent comme moi, ma mère espérait que je discute autant que lui. Une fois à une dictée il avait eu moins trente quatre et j'avais eu quatorze. Sa passion c'était de me faire des clés de bras et des coups aux abdos pour m'endurcir et que je lui résiste. Comme faisait un de ses amis plus grand sur lui. J'aimais pas et faisais mine.
 On avait le même humour potache. J'ai jamais autant fait de blague de fesses que durant ces années collège. On était amis avec deux filles, et à chaque fois elles grimaçaient et critiquaient nos blagues. Mais on était toujours ensemble. Je préférais la première, mais c'est la seconde qui m'aimait bien. Je le savais. Alors que la première avait tout, la voix grave, l'humour taquin, le visage de marbre mais les yeux doux. Parfois, seulement tous les deux on échangeait longtemps, et quand son amie rappliquait c'était pas mal non plus.
 Je me souviens qu'il y avait eu une galère et qu'elles étaient sorties pendant la pause midi. On marchait vers chez moi, puis je devais tourner et la première me demande si l'autre peut manger chez moi. Oublie de clés oblige, elle avait pas d'autre endroit. J'étais pas très enjoué à l'idée qu'elle vienne chez moi. J'étais pris de cours, je voulais être tranquille comme d'habitude surtout. Et je me méfiais d'une messe basse pour s'incruster et brandir ce moment en trophée, pour prouver à tout le monde que je lui appartenais. J'ai dit non. Je suis pas un sauveur, si elle a oublié ses clés c'est pas ma faute. J'aurais aussi refusé si elles m'avaient demandé de venir toutes les deux. Je voulais pas être dérangé le midi, c'est tout.
 La seule personne qui venait chez moi et chez qui j'allais c'était Arles. Les autres, je les voyais à l'école. Il avait un ordinateur capable de faire tourner les derniers jeux vidéo. Souvent, je le regardais jouer. On essayait d'arnaquer le système parfois, on se partageait les touches du clavier, on essayait de bouger comme un seul homme. C'est drôle mais pas pratique. On passait des après midi comme ça. Le goûter c'était un bon moment. Je respirais autrement que chez moi, je parlais autrement aux adultes, plus décontracté. J'y ai des beaux souvenirs, de tournage pour le fun, de premières soirées, cuites, relations sexuelles. Là bas, j'ai plus vécu que chez moi.
 Un jour, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai appelé la première fille. Je prends toujours du temps pour composer un numéro, j'ai pas envie de parler à une personne que je ne connaitrais pas. Ce coup-ci ç'a duré vingt minutes. Les touches semblaient de marbre, et j'ai revérifié le numéro comme si j'avais qu'un essai pour le composer. J'ai du passer l'appel avec le fixe de la maison, parce que j'avais plus de crédit. Etonnés de s'avoir au bout du fil, on bafouille, on rigole, parfois on glousse. Mais je suis focalisé sur une seule chose, l'inviter chez moi. Dans ce genre de situation ou je veux exprimer une pensée, je l'exprime. Ça m'arrive de tourner en rond sur la même idée, je déteste ça. Elle ne sera liée, dans ma tête, à rien de négatif. Je l'invite, elle accepte.
 J'ai peu de souvenir de ce moment. Une image en tête. C'était en hiver et chez moi il fait froid, tellement qu'on a du acheter un radiateur portable pour chauffer le salon. On l'avait mis devant le canapé, le plus proche possible. On était affalés dessus. On appuyait nos pieds sur le radiateur, on les frottait pour se réchauffer encore plus. Sa tête sur mon épaule. Puis elle est repartie. Il aurait fallu être aveugle pour pas réaliser ce que ça voulait dire.
 Mais ç'a rien donné. L'année s'est finie, sans histoire de cœur. Sans rien de plus qu'une année quelconque. Après ça, on a juste changé de classe. Puis de collège. Toute mes relations on lentement glissé vers l'indifférence. La dernière à tenir c'était mon amitié avec Arles. On se voyait de temps en temps avec des amis à lui, mais on avait changé. Je les appréciais pas vraiment. Une fois, j'ai remarqué qu'il m'appelait pendant le confinement. J'ai pas eu envie de répondre.
 Un peu avant qu'on rompe l'amitié, Arles m'avait dit qu'il sortait avec la première fille. Qu'il était désolé, que ça avait du me faire du mal. J'avais rien remarqué. Pourtant, j'avais quelques signes sous les yeux. Quand on rentrait, tous les quatre. Ils partaient toujours dans la même direction, à deux. Mais j'ai aucun souvenir qu'il me parle d'elle, ou de leur relation, autre qu'amicale. Tout ça j'y repense rarement. Je me souviens peu de ce qui m'arrive. Je me suis surpris à autant écrire. Au moins c'est sorti.

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