Exode

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Nous sommes en mars 2022. La guerre a éclaté dans mon pays. J’ai vingt ans et mes rêves sont derrière moi. J’ai dit adieu à mon père, à mon frère et à mon amoureux. Maman m’accompagne. Elle ne cesse de pleurer depuis notre départ. On a rassemblé quelques affaires puis nous sommes montées dans ce bus, destination inconnue. Où sont les rires et les sourires ? Il y a quelques jours, mon rapport à l’actualité se résumait à jeter un œil à la météo pour définir mes tenues du lendemain. Aujourd’hui, chaque information qui remonte jusqu’à moi m’est précieuse. On guette chaque nouvelle et on craint chaque défaite. J’ai froid. J’ai peur. Constamment. Je n’avance que par la force des choses. Mon regard est éteint et je ne comprends pas. On était bien. Par la fenêtre du car, je vois mon pays et je suffoque. Chaque ville, village, arbre, j’aimerais les emporter avec moi. Est-ce la dernière fois que je les vois ? Et pourquoi ? Toujours ce pourquoi ! Je hais ceux qui nous attaquent parce qu’ils sont tangibles. J’ai vu des soldats s’avancer sur nous. J’ai vu le sang, j’ai entendu les explosions. J’ai craint pour ma vie. Je crains pour celle des gens que j’aime. Pourquoi ça n’en finit pas ? Mon âme crie justice et puis je le vois. Au bord de la route, il y a ce cadavre d’une jeune femme, fauchée dans la fleur de l’âge. Après l’épouvante, il y a le soulagement de ne pas être à sa place. Il vaut mieux que ce soit elle plutôt que moi. Il vaut mieux que ce soit eux plutôt que nous. Alors, je comprends. Il y a l’instinct de survie, petite étincelle qui balaie le “nous” pour porter le “je”. Et pourtant ! Elle, moi, finalement notre rôle est le même, nous ne sommes que des petites dans le monde des grands. La petite souffre, la petite gémit, la petite tire sur une autre petite, la petite pleure et parfois se meurt, qu'importe sa nationalité. Le grand, lui, est à l’abri. Il signe des papiers, change la vie des petites et grandit encore. Il faut des milliers de petits pour secouer un peu le grand, mais un seul grand suffit pour changer l’histoire.

Oui, un seul grand suffit… et je l’attends.

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