Genèse 4 - Caïn tue Abel
Dans ce chapitre tout s’enchaine rapidement. En quelques lignes ce sont six générations qui se succèdent. Sortis du jardin d’Éden, Adam et Ève consomment leur union et ont deux fils, Caïn et Abel. Il y a peu de choix disponibles sur le marché de l’emploi, aussi Caïn est agriculteur et Abel éleveur de brebis. Ils décident tous les deux de faire des offrandes à Dieu. Caïn offre des produits de la terre, Abel de la graisse de brebis. Dieu ne s’intéresse qu’au cadeau d’Abel, ne jetant pas un regard à l’offrande de son frère. Caïn est vexé et tue son frère. Dieu s’en rend compte, après coup. Il condamne Caïn à errer sur la terre et le chasse vers les terres de l’Est, au pays de Nod. Caïn a peur d’y être tué, alors Dieu lui appose une marque pour qu’il soit protégé. Si quelqu’un venait à le tuer, Caïn serait vengé sept fois. Caïn part, rencontre une femme, fait un enfant – un fils nommé Hénoch - et crée une ville, qu’il appelle aussi Hénoch. Ce fils a un fils (Irad), qui a un fils (Maviaël), qui a un fils (Mathusaël), qui a lui aussi un fils (Lamech) qui a deux femmes Ada et Sella. Lamech et Ada ont deux fils Jabel et Jubal. Avec Sella, Lamech a un fils Tubal-Caïn et une fille (Noéma). On voit que ça doit être un problème que le dernier membre de la lignée soit une fille, parce que du coup ça s’arrête net. De leur côté, Adam et Ève ont un troisième fils nommé Seth, qui a lui-même un fils, nommé Enos.
Franchement, le déroulé de l’histoire est aussi rapide que dense. L’action se déroule dans un lieu non défini, à priori à l’est du jardin d’Éden, puisqu’Adam et Ève en ont été chassés. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont plus de contacts avec Dieu. Caïn tue Abel, essentiellement par jalousie parce que Dieu l’a traité avec injustice. Comme pour l’affaire du fruit défendu, Dieu n’a rien vu venir. Lorsqu’Il s’en rend compte, Il punit le coupable. Mais si on s’attache au texte, voilà la punition édictée par Dieu, telle qu’on peut la comprendre : « Pour le meurtre gratuit de ton propre frère, que j’aimais bien parce qu’il m’offrait de la graisse de brebis, je te chasse d’un endroit qui ne présente aucun intérêt pour que tu ailles errer ailleurs. Comme tu as peur, tu bénéficieras d’une protection divine. Une fois là-bas, tu trouveras une femme, tu te marieras, et je n’interviendrai plus dans ta vie ! Voilà mon châtiment ! ». Dieu aurait pu souligner, qu’à priori dans le lieu où s’est produit le fratricide, il n’y a personne d’autre qu’Adam, Ève et Caïn. Sans cet exil punitif, Caïn n’aurait pas pu rencontrer de femme. Ceci sans compter qu’apparemment pour Dieu, condamner quelqu’un à errer, signifie qu’il peut fonder une ville, en plus d’une lignée longue et prospère. Certaines des indications vues dans les chapitres précédents se confirment : Dieu n’est pas omniscient, il est autoritaire, il ne maitrise toujours pas les bases de la psychologie humaine, il pratique une pédagogie punitive et ne se remet pas en cause. On peut y ajouter ce nouvel enseignement : Dieu a une conception déconcertante de la justice.
Autre fait étrange, il y a donc à l’Est un autre lieu, le pays de Nod, qui serait peuplé d’autres humains. Ils n’ont évidemment aucune filiation avec Adam et Ève qui n’ont eu dans ce chapitre que trois fils. Comme on ne peut cependant pas douter qu’ils fassent partie de la création divine, au même titre que tout le reste, cela signifie que Dieu ne nous dit pas tout. Avant le meurtre d’Abel et la punition de Caïn, Dieu avait-Il déjà l’intention d’unir des femmes du pays de Nod avec les fils d’Adam et Ève ? Pourquoi pas après tout. Quand tu démarres une population par un couple de géniteurs et qu’ils n’enfantent que des mâles, il faut bien trouver un plan B.
Enfin, un dernier point qui a son importance. Dans une religion, l’intérêt principal est la notion de salut de l'âme. C’est la promesse d’une vie meilleure après la mort en contrepartie d’efforts et de rites dans la vie d’avant la mort… Pour l’âme d’Abel, qui est tout de même mort assassiné juste après une belle offrande à Dieu, il n’est pas question de salut. Aucun mot, rien. Il est mort, son assassin ira se marier ailleurs et puis c’est tout.
Certains lecteurs pointilleux pourraient relever qu’il n’y avait pas besoin d’une vie après la mort tant qu’Adam et Ève étaient immortels dans le jardin d’Éden. Alors ok, je suis d’accord sur le principe. Mais j’aimerais préciser deux petites choses. D’abord, à partir du moment où la mort est devenue inéluctable, il importe de savoir ce qu’il advient du « souffle de vie » lorsque le corps physique s’éteint. Ensuite, les trois grandes religions monothéistes qui retiennent ce texte, décrivent unanimement une forme de vie après la mort. Je m’attendais donc à ce que ce soit décrit pour ce premier mort officiel de la création. Pour le moment, j’ai plutôt envie de dire que Dieu n’a pas grand-chose à offrir.
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