Genèse 21 - La naissance d'Isaac / Abraham chasse Agar et Ismaël
« L'Éternel se souvint de ce qu'il avait dit à Sara, et l'Éternel accomplit pour Sara ce qu'il avait promis. Sara devint enceinte, et elle enfanta un fils à Abraham dans sa vieillesse, au temps fixé dont Dieu lui avait parlé ».
Ainsi naquit Isaac, deuxième fils d’Abraham, mais premier-né du couple formé avec Sara. Le début de la phrase est certainement une figure de style, parce que dans le cas contraire, Dieu donnerait l’impression de se rappeler, un peu par hasard, qu’il avait promis un truc…
Lorsqu’Isaac est âgé de huit jours Abraham le fait circoncire, se conformant ainsi aux recommandations de l’Éternel sur l’ablation des prépuces.
L’enfant poursuit sa croissance et le jour où il est sevré de l’allaitement, la famille organise un festin. Au cours de la réception, Ismaël qui a environ quatorze ans, rit et Sara le voit. Cela ne devrait pas poser de problème car le texte ne précise pas ce qui l’a fait rire. Mais Sara, qui a quatre-vingt-dix ans, avait justement peur que l’on se moque d’elle en raison de son trop grand âge pour être mère. Au beau milieu de la fête, Sara s’énerve tout rouge et exige qu’Abraham bannisse Agar et son fils de leur foyer (super ambiance à cette soirée).
Paranoïa, trop pleins d’hormones, jalousie… ? Rien de tout cela selon le texte. Sara argumente qu’elle veut surtout éviter qu’Ismaël et Isaac aient à partager l’héritage de leur père. De ce qu’elle en dit, Sara souhaite protéger son fils (permettez-moi de ne pas être très convaincu). Ce qui est sûr, c’est que quelle que soit sa motivation, Sara poursuit sur sa lancée en s’acharnant sur sa malheureuse esclave et son gamin de quatorze ans, qui en tant que fils de son mari est donc également son neveu à elle.
Abraham n’a pas très envie de faire ce plaisir à sa femme. Il ne veut pas bannir son fils ainé, car il s’y est attaché. Mais Dieu intervient et lui demande d’accéder à la demande de Sara, car c’est d’Isaac que naitra sa postérité. Abraham accepte finalement et envoie Agar et Ismaël, se perdre dans le désert. Il prend tout de même soin de leur donner du pain et une outre d’eau.
Clairement, ces provisions sont insuffisantes, pour que la mère et l’enfant survivent dans le désert et bientôt, ils se retrouvent en mauvaise posture. Dieu intervient. Il rassure Agar, explique qu’il va donner une grande nation à Ismaël. Puis, il « ouvre les yeux » d’Agar, afin qu’elle voit un puits d’eau et puisse être sauvée ainsi que son fils. La mère et l’enfant survivent. Ils s’installent dans le désert. Ismaël grandit, devient tireur d’arc et se marie à une égyptienne choisie par sa mère.
Au cours de cette anecdote, l’attitude d’Abraham est encore une fois peu reluisante. C’est un subtil mélange de lâcheté, d’indifférence et de cruauté.
Lâcheté d’abord, car Abraham est infoutu de s’opposer au bannissement d’Agar et Ismaël. Il ne fait face ni à Dieu, qui n’ordonne rien mais se contente de demander, ni à sa femme qui exige un acte autant injuste qu’inutile. En effet, Ismaël bien que premier-né, n’est jamais qu’un bâtard, puisqu’Abraham est marié à Sara.
Indifférence ensuite, car si Abraham n’est pas trop partant pour bannir Ismaël, en sous-entendu, on comprend qu’en ce qui concerne Agar… ça le gène moins, voire pas du tout.
Cruauté enfin, car sans indice sur la possibilité que Dieu puisse finalement sauver Agar et Ismaël, au moment où il les chasse vers le désert, Abraham les condamne clairement à mourir. De plus, je ne connais pas bien l’environnement autour de chez Abraham, mais faut-il forcément passer par un désert pour sortir de chez lui ? N’y a-t-il pas d’autres directions plus accueillantes ? L’autre question est de savoir pour quelles raisons, leur donne-t-il si peu de provisions ? Souhaite-t-il uniquement qu’Agar et Ismaël puissent survivre suffisamment pour ne pas mourir trop près de chez lui ?
Dieu quant à lui, souffle le chaud et le froid. Plutôt que de prendre soin d’Agar et de son fils (ou même d’avoir permis à Agar de fuir lorsqu’elle était enceinte), Il demande à Abraham d’exaucer la volonté de Sara sur l’argument que c’est d’Isaac que sortira la postérité d’Abraham. Puis Il attend qu'Agar et Ismaël soient en train de se dessécher pour intervenir. Et là, dans son infinie bonté, Dieu les sauve et annonce qu’Il fera d’Ismaël « une grande nation ».
Pour ce qui est d’Agar, la malheureuse semble réunir plusieurs attributs bonus, pour bénéficier d’une existence laborieuse. En effet, (grâce à Dieu) elle est à la fois femme, esclave et égyptienne. Obligée par Sara à avoir des relations intimes avec Abraham, elle est ensuite maltraitée et humiliée, pour enfin être chassée sans ménagement quatorze ans plus tard. On pourrait craindre qu’Ismaël ne soit pas beaucoup mieux loti que sa mère, mais finalement il ne s’en sortira pas si mal. Il poursuivra sa vie à tirer des flèches et à faire des enfants dans le désert. Il fondera ainsi la lignée des Ismaélites.
Doit-on en comprendre qu’Ismaël n’est pas utile du point de vue de la descendance future et qu’on peut le chasser sans vergogne ? En fait, bien qu’Ismaël poursuive la lignée d’Abraham, il s’avère que c’est avec celle issue d’Isaac que Dieu va poursuivre son alliance. Cette claire distinction que l’Éternel fait entre les deux lignées d’Abraham nous confirme deux assertions formulées précédemment ; pour Dieu, les Hommes ne naissent pas égaux en droits et les Hommes ne sont pas tous des enfants de Dieu.
Enfin, par cette distinction entre lignées, nous apprenons que Dieu est universel, mais Il n’est pas pour tous.
Le chapitre se clôture sur une anecdote sans lien avec ce qui précède et qui relate une dispute entre Abraham et Abimélec, à propos d’une sombre histoire de puits (qui l’a creusé, qui l’a payé…). Ils finissent par se rabibocher et faire une alliance. Dieu n’est plus évoqué que par les protagonistes. Ce sera de plus en plus souvent le cas par la suite.
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