Exode 20  – Les tables de la Loi (1ère version)

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Dans ce chapitre, Dieu transmets une série de commandements à Moïse qui est en haut du mont Sinaï. Aaron, quant à lui, ne semble plus présent, bien qu’il était appelé à suivre son frère sur la montagne, à la fin du chapitre précédent. Les règles édictées par l’Éternel, qui sont connues sous l’appellation des « Tables de la Loi », du « Décalogue », ou bien encore des « Dix commandements », sont à la base de « l’alliance » que Dieu contracte avec le peuple d’Israël. Il s’agit ici, d’une première version, car ces règles seront reprises sous une forme légèrement différente dans le Deutéronome (cinquième et dernier Livre du Pentateuque). Bien que le terme de « décalogue » ne souffre pas d’ambiguïté, aussi étrange que cela puisse paraître, le discours divin qui est énoncé d’un seul tenant, n’est pourtant pas si aisé à décomposer en dix unités légales bien distinctes. Il faut aussi garder à l’esprit qu’il n’y a pas de gradation rattachée aux différents commandements. Les transgressions de l’un ou l’autre peuvent donc être considérées comme équivalentes. Toutefois, ces Lois diffèrent de celles des Hommes, car elles ne disposent pas de textes associés pour leur mise en œuvre et aucune sanction n’y est rattachée.

D’abord, Dieu tient à décliner son identité, avant de transmettre ses lois à Moïse ; « Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude. » Pour certains, cette phrase d’introduction est considérée elle-même comme le premier des commandements. Pour d’autres, elle est associée au verset suivant ; « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face. »

Dans l’absolu, ici il faut comprendre que Dieu est éternel, qu’Il est l’unique représentant de son espèce et que Lui seul doit faire l’objet d’un culte. La première des deux seules assertions communes aux différentes branches de l’Islam, reprend d’ailleurs cette même idée ; « il n'y a de dieu qu’Allah » (l’autre assertion étant « Mahomet est son prophète »).

Le deuxième commandement poursuit sur l’idée d’unicité ; « Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. / Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point; car moi, l'Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, / et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements. »

Le Tout-Puissant est seul, Il refuse donc les cultes à d’autres divinités, considérées inexistantes. Nous pouvons d’ailleurs élargir la notion de culte à d’autres formats que la simple croyance en des êtres supérieurs. Des objets d’adorations plus terrestres peuvent être inclus, tels que l’argent, le pouvoir, ou soi-même, entre autres exemples. Pour faciliter l’interdit qu’Il vient d’énoncer, Dieu refuse les représentations des éléments de la création (sous quelques formes que ce soit). Certaines œuvres abstraites peuvent probablement être tolérées, mais d’une manière générale, Dieu proscrit les arts plastiques.

Nous ne l’avions pas exprimé sous ces termes, mais l’Éternel l’affirme Lui-même, Dieu est jaloux. En complément, nous apprenons que pour punir ou récompenser les sentiments que les Hommes lui portent, Dieu tient les enfants pour tributaires des comportements des parents.

La plupart du temps, ce deuxième commandement est souvent résumé par une phrase pudique telle que « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi » ou « Il ne faut adorer que Dieu », voire « Tu aimeras Dieu par-dessus tout ». À la lecture du texte original, il est flagrant que ces versions sont tout de même à la fois lacunaires et édulcorées.

Le troisième commandement de Dieu est toujours relatif à sa relation aux Hommes ; « Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain; car l'Éternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain. »

Ici, la consigne est plutôt claire. Il est interdit de jurer (en utilisant le nom de Dieu), de blasphémer, de parler ou agir en son nom sans y être spécifiquement invité. Une autre version propose un texte plus orienté ; «Tu n’invoqueras pas le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque son nom pour le mal. » Au regard du nombre d’expressions excessivement courantes qui constituent une violation de cette loi, il ne s’agit probablement pas du commandement auquel nous attachons le plus d’importance (mais c’est une erreur). Également, nous pouvons nous interroger sur le caractère répréhensible que pourrait avoir, (aux yeux de Dieu) tout travail sur des textes sacrés.

Le quatrième commandement est un peu à part dans cette liste. Les trois premiers concernent la relation entre Dieu et les Hommes et la série suivante (du cinquième au dixième) se rapporte aux Hommes entre eux. Celui-ci en lien direct avec la phase de création initiale ; « Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. / Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. / Mais le septième jour est le jour du repos de l'Éternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. / Car en six jours l'Éternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi l'Éternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié. »

Nous retiendrons que si le septième jour est consacré au repos, cela concerne chacun, y compris les serviteurs et les animaux. Autrement dit, le monde doit cesser de fonctionner et tant pis pour les activités qui ne peuvent être interrompues sans dommages (dans les domaines des soins ou de la sécurité par exemple…). Si nous comprenons que le travail est interdit, il n’est pourtant pas explicitement précisé quelles sortes d’activités sont autorisées. Peut-on faire du sport, lire un livre (ou en écrire un si ce n’est pas rémunéré), quels types de loisirs sont permis ou encouragés ? Finalement, tandis que cette loi parait relativement simple, elle laisse une place importante à l’interprétation de chacun, au risque de déplaire à Dieu. Il ne semble toutefois pas nécessaire de passer ce jour à prier ou remercier Dieu, car le texte original ne contient pas cet aspect. Cependant, cette obligation viendra ultérieurement dans les dogmes religieux et c’est pourquoi ce commandement est souvent considéré comme traitant de la relation entre Dieu et les Hommes.

Le cinquième commandement peut être considéré en lien avec la raison de la présence de l’Homme sur terre, (c’est-à-dire, se multiplier, remplir et assujettir la planète) car il concerne l’importance de la cellule familiale aux yeux de Dieu ; « Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Éternel, ton Dieu, te donne. »

Pour une fois, l’homme et la femme, dans leur rôle de père et mère, sont considérés à égalité. L’enfant, et ce quel que soit son sexe, doit les honorer. Il est frappant, que ce commandement soit le plus souvent présenté tronqué de sa seconde partie. Il s’agit du seul commandement qui comprend un objectif à son observance. L’expression « dans le pays que […] ton Dieu, te donne » ne semble pas évoquer un hypothétique paradis, accessible post-mortem, car cette notion est encore balbutiante. Il s’agit donc bien de prolonger la vie terrestre. Autrement dit, il faut s’occuper de ses parents, les honorer, si l’on veut voir se réaliser la promesse d’une vie longue pour soi-même. L’inverse n’est pas clairement annoncé, mais semble indispensable à la cohérence globale de cette Loi : celui qui meurt jeune n’a probablement pas correctement honoré ses parents.

Le sixième commandement est ainsi énoncé ; « Tu ne tueras point. » Il est indéniable que cette loi apparait être un préalable favorable à une vie calme et prospère en collectivité. Deux remarques cependant. La première est évidente, le contexte d’acceptation de cette Loi n’est pas exprimé. Or, depuis le début de l’œuvre biblique, ni Dieu ni certains de ses « champions » ne s’y conforment. Entre autres, Abraham a mené un conflit armé (Genèse 14 et 15 - Abram est vainqueur de rois ennemis), les fils d’Israël ont exterminé les habitants de Sichem (Genèse 34 à 36 – La vengeance des fils de Jacob) et Moïse a tué à mains nues un égyptien (Exode – 1 et 2). Cette Loi est édictée sans conditions, tandis que l’histoire biblique (même après sa promulgation) est émaillée de ses transgressions soutenues par Dieu. La deuxième objection consiste à souligner qu’au-delà du contexte, il n’est pas précisé si cet interdit concerne uniquement les humains. Bien entendu, au regard des textes, le sens obvie de la formulation ne prête pas à confusion. Cependant, d’aucuns pourraient y voir associée une perception favorable à l’animalisme, sans qu’il soit aisé de s’y opposer.

Le septième commandement dit ; « Tu ne commettras point d'adultère. » Dans la même optique que les deux Lois précédentes et les suivantes, Dieu favorise la vie sociale et met en évidence l’importance de l’intégrité de la cellule matrimoniale. Nous pouvons préciser qu’un adultère est fatalement associé à une attitude de méfiance quant à la légitimité d’une descendance et que Dieu (comme les Hommes) est particulièrement attaché aux questions de filiations.

Le huitième commandement est tout à fait clair ; « Tu ne déroberas point. » Il n’y a à nouveau pas de contexte pour limiter ou conditionner cette règle. Que le voleur soit un nécessiteux ou un délinquant en col blanc, Dieu n’opère pas de distinction. Néanmoins, puisqu’il n’y a pas non plus de sanctions définies, toutes les options restent ouvertes.

Le neuvième commandement poursuit l’édiction des règles de vie en société, en indiquant ; « Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain. » Certaines versions ajoutent la notion plus large de l’interdiction du mensonge, d’une manière générale, en ajoutant une phrase du type « Tu ne mentiras pas ». Les concepts de franchise, d’honnêteté, de justice et de vérité sont donc plébiscités par cette règle.

Le dixième commandement revêt un aspect un peu particulier, car à priori, il peut sembler redondant, par rapport aux précédents, car le vol et l’adultère sont notamment déjà proscrits ; « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. » L’intérêt principal de ce commandement est qu’il s’agit ici d’intentions, tandis que les Lois précédentes concernaient des actions. Ces dix règles étant présentées d’égale importance, Dieu met sur le même plan l’idée d’un acte répréhensible et sa réalisation. Par ce commandement, il apparait clairement que le cœur (ou le cerveau) de l’homme n’est pas un sanctuaire inaccessible au jugement de Dieu et qu’il est possible de pécher uniquement par la pensée. Il n’est malheureusement pas indiqué si l’inverse est également recevable et si envisager une bonne action équivaut, aux yeux de l’Éternel, à la mettre en œuvre.

La fin de ce vingtième chapitre ne concerne plus directement ce qu’il est convenu de rassembler sous le terme de décalogue. Une litanie d’autres règles suivront dans les prochains chapitres et dans celui-ci, l’Éternel énonce encore quatre règles, cette fois associée à son culte ;

« Vous ne ferez point des dieux d'argent et des dieux d'or, pour me les associer; vous ne vous en ferez point. » Dieu insiste sur son caractère unique et n’apprécierait pas d’être associé à une autre divinité.

« Tu m'élèveras un autel de terre, sur lequel tu offriras tes holocaustes et tes sacrifices d'actions de grâces, tes brebis et tes bœufs. Partout où je rappellerai mon nom, je viendrai à toi, et je te bénirai. » Pour rencontrer ses fidèles, Dieu préfère un autel de terre et le commandement « tu ne tueras point » ne concerne définitivement pas les animaux.

« Si tu m'élèves un autel de pierre, tu ne le bâtiras point en pierres taillées; car en passant ton ciseau sur la pierre, tu la profanerais. » Il est d’accord quand même pour des autels en pierre, mais uniquement en amas de pierres brutes.

« Tu ne monteras point à mon autel par des degrés, afin que ta nudité ne soit pas découverte. » Cette ultime règle du chapitre, nous indique que lorsque l’on porte une toge, il peut-être impudique de monter des escaliers.

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