En dépit de l’aspect un peu confus de l’explication des évènements à la fin du dix-neuvième chapitre, Moïse est au sommet du mont Sinaï (en principe accompagné de son frère Aaron) et vient d’entendre les Lois de l’Éternel durant quatre chapitres. Cette nouvelle partie débute également avec une narration un peu maladroite qui met à mal la compréhension chronologique de l’action et débute par la phrase suivante ; « Dieu dit à Moïse: Monte vers l'Éternel, toi et Aaron, Nadab et Abihu, et soixante-dix des anciens d'Israël, et vous vous prosternerez de loin. / Moïse s'approchera seul de l'Éternel; les autres ne s'approcheront pas, et le peuple ne montera point avec lui. » Cette scène d’introduction est scindée en deux, puisqu’elle est entrecoupée par un passage où Moïse est redescendu de la montagne et présente les lois au peuple. L’appel de Dieu du sommet du mont Sinaï à Moïse, (qui est en bas) sera renouvelé quelques lignes plus loin.

Le texte se poursuit donc ; « Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles de l'Éternel et toutes les lois. Le peuple entier répondit d'une même voix: Nous ferons tout ce que l'Éternel a dit.» Après ces quelques phrases préliminaires, la situation est finalement éclaircie. Moïse est redescendu du mont Sinaï et dispose à présent des enseignements de Dieu qu’il couche par écrit. Le livre de l’alliance rédigé, plutôt que de s’accorder un repos mérité, Moïse bâtit un autel et dresse douze pierres (une pour chaque tribu d’Israël). Il organise quelques festivités à la gloire de l’Éternel (holocaustes, immolations de taureaux…) et entreprend de lire les lois divines au peuple hébreu. Pour conclure la cérémonie, Moïse répand le sang des animaux sacrifiés sur le peuple et dit ; « Voici le sang de l'alliance que l'Éternel a faite avec vous selon toutes ces paroles. »

Au verset suivant, nous reprenons donc l’action initiale de ce chapitre et « Moïse monta avec Aaron, Nadab et Abihu, et soixante-dix anciens d'Israël. » Nadab et Abihu étant deux des fils d’Aaron (de facto les neveux de Moïse), nous constatons que Dieu continue de privilégier les liens du sang à la valeur intrinsèque des individus. Ensembles, les soixante-quatorze personnages, qualifiés d’«élite des enfants d’Israël », voient l’Éternel et partagent un repas. Bien qu’il ne soit pas précisé si Dieu prend part activement à ce pique-nique, les convives mangent en sa présence et nous offre une description de leur vision ; « Ils virent le Dieu d'Israël; sous ses pieds, c'était comme un ouvrage de saphir transparent, comme le ciel lui-même dans sa pureté. »

Dans l’ensemble des textes précédents, nous avons déjà eu l’occasion de lire des formulations qui attribuaient à Dieu le fait d’avoir des mains (au moins une). Bien entendu, lorsque Dieu étend « sa main », pour frapper ou protéger, il peut ne s’agir que d’une écriture allégorique qui ne nécessite évidemment pas qu’Il ait réellement des mains. Ici, le contexte est différent. Il s’agit d’une description morphologique qui n’a pas franchement de dimension symbolique. Une lumière, une flamme, un halo, une nuée ou autre phénomène pourrait surplomber un sol pavé de saphir. Non, bien qu’on ne sache pas précisément combien de pieds sont visibles, ici il s’agit bien de pieds. Combiné au fait que Dieu a créé l’Homme à son image, nous pouvons affirmer que, comme vous et moi (et à défaut de certitudes sur d’autres attributs corporels), Dieu a des pieds.

À l’issue du repas, l’Éternel appelle une nouvelle fois Moïse (seul) en haut de la montagne pour lui remettre les lois, qu’Il aura gravé sur des tables de pierre (Moïse vient pourtant de les retranscrire de son côté). Moïse quitte ses compagnons pour répondre à l’appel divin. Il confie à Aaron et Hur la charge de régler les situations conflictuelles qui ne manqueront pas de survenir au sein du peuple d’Israël durant son absence. Celle-ci durera quarante jours (et quarante nuits comme cela pouvait être prévisible).

Selon le texte, Moïse attend six jours, seul sur la montagne, sans que l’Éternel ne se manifeste à lui. Ce n’est donc que le septième que Dieu l’appelle enfin et lui délivre de nouvelles consignes. Celles-ci sont totalement différentes de ce que nous avons pu voir jusqu’à présent. Les six chapitres suivants contiennent des indications sur ce que Dieu souhaite comme organisation autour de son culte. Ces chapitres sont particulièrement rébarbatifs à lire, car les objets, habits ou finitions sont détaillés précisément (matière utilisée, couleur, dimension, disposition…).

Le discours divin débute ainsi ; « Parle aux enfants d'Israël. Qu'ils m'apportent une offrande; vous la recevrez pour moi de tout homme qui la fera de bon cœur. / Voici ce que vous recevrez d'eux en offrande: de l'or, de l'argent et de l'airain; / des étoffes teintes en bleu, en pourpre, en cramoisi, du fin lin et du poil de chèvre; / des peaux de béliers teintes en rouge et des peaux de dauphins; du bois d'acacia; / de l'huile pour le chandelier, des aromates pour l'huile d'onction et pour le parfum odoriférant; / des pierres d'onyx et d'autres pierres pour la garniture de l'éphod et du pectoral. »

Autrement dit, Dieu demande à Moïse (qu’Il vouvoie pour l’occasion) d’être le réceptionnaire des « dons » du peuple d’Israël à son intention. Par contre, l’Éternel ne souhaite pas récupérer tout et n’importe quoi. Il ne s’agit ici que de matières précieuses. Nous pouvons donc comprendre que Dieu aime le faste et les richesses.

Lorsque les matériaux de construction seront récupérés auprès de la population, Moïse devra faire ériger selon des mesures précises, un sanctuaire à Dieu pour qu’Il puisse vivre « au milieu des siens ». Dans l’ordre, l’Éternel décrit donc « le tabernacle et tous ses ustensiles ». Le terme tabernacle, sert à désigner la tente qui accueillera notamment l’arche, (qui abritera les tables de la loi) et qui servira de lieu de culte mobile durant le long trajet des hébreux.

D’abord Dieu décrit l’arche elle-même. Elle sera réalisée d’une structure en acacia recouverte d’une épaisse couche d’or pur. Elle devra disposer d’anneaux sur les côtés, (en or naturellement) afin d’être déplacés à l’aide de barres de bois (recouverts d’une bonne épaisseur d’or pur). L’arche sera surmontée d’un propitiatoire (le couvercle) sur lequel seront placés deux chérubins en or massif et « artistement travaillés ». L’Éternel décrit ensuite une table, (et toute la vaisselle associée ; plats, coupes, calices et tasses) qui servira à recevoir les offrandes alimentaires. Nous pouvons donc envisager que s’il y a un service de table de plusieurs pièces, c’est qu’à priori les dons alimentaires seront davantage consommés par les « prêtres » (ou sacrificateurs) que par Dieu Lui-même. Vient ensuite une longue description des chandeliers. Ce passage est plutôt alambiqué, car d’abord, Dieu évoque que « Six branches sortiront de ses côtés, trois branches du chandelier de l'un des côtés, et trois branches du chandelier de l'autre côté. » Ce qui nous donne donc en principe, un chandelier à six branches puisqu’il n’est pas évoqué de branche centrale. Ce nombre est repris plus bas, puisque Dieu décrit le détail des ornements des « six branches sortant du chandelier. » Mais l’Éternel, décrit finalement ces chandeliers comme un ensemble de « sept lampes » et c’est bien ce type de modèle qui est devenu un symbole du judaïsme. En définitive, les indications de Dieu, (pourtant nombreuses) sont si peu claires qu’Il indique à Moïse ; « Regarde, et fais d'après le modèle qui t'est montré sur la montagne. »

S’ensuit la description du tabernacle qui s’étire sur un chapitre complet. Sans rentrer dans le détail, nous noterons pour l’anecdote que la couverture de la tente sera réalisée avec un ensemble de deux types de couvertures ; « une couverture de peaux de béliers teintes en rouge, et une couverture de peaux de dauphins par-dessus. » Puisque les hébreux sont désormais dans une région reculée dans les terres, il faut donc comprendre que Dieu s’est déjà assuré qu’ils ont quitté l’Égypte avec quelques réserves de peaux de dauphins (à moins qu’ils n’en aient collecté quelques-unes sur des dauphins échoués lors de l’ouverture de la mer Rouge).

Le chapitre suivant est consacré à la description de l’autel (en acacia recouvert d’airain), puis du parvis du tabernacle. Pour nous donner une idée plus précise des dimensions de l’ensemble, nous pouvons préciser que « La longueur du parvis sera de cent coudées, sa largeur de cinquante de chaque côté, et sa hauteur de cinq coudées ». Une coudée correspondant à l’avant-bras, sa dimension est d’environ cinquante centimètres.

Outre les descriptions de l’ensemble, ce vingt-septième chapitre indique que Dieu désigne Aaron et ses fils comme les responsables de la préparation des lampes qui devront brûler « du soir au matin en présence de l'Éternel. » Le chapitre suivant confirme ces responsabilités, puisque l’Éternel demande ; « Fais approcher de toi Aaron, ton frère, et ses fils, et prends-les parmi les enfants d'Israël pour les consacrer à mon service dans le sacerdoce: Aaron et les fils d'Aaron, Nadab, Abihu, Éléazar et Ithamar. » Nous savons donc à présent, qu’il appartient désormais aux membres de la tribu de Lévi d’organiser le culte et qu’ils pourront partager entre eux les dons des fidèles (si Dieu ne mange pas tout).

Puisque les tâches qui incombent aux membres de la famille de Moïse sont manifestement difficiles à assumer, Dieu souhaite leur offrir une légère compensation. Le vingt-huitième chapitre est entièrement consacré à la description précise des vêtements sacerdotaux dont devront être vêtus Aaron et ses fils pour exercer leur service auprès de Dieu. Globalement, sur une tunique à base de lin fin, ils devront porter des anneaux d’or, un pectoral orné de pierres précieuses, une tiare ornée, un éphod (avec de l’or) et des chainettes d’or pur (ils auront également l’obligation de porter un caleçon en lin)... Ce n’est qu’habillés de la sorte et équipés d’une clochette, (en or naturellement) que les ministres du culte pourront assurer leur service sans mourir. La charge d’Aaron se transmettra pour l’éternité à ses descendants.

Le chapitre suivant expose en détail la manière dont les serviteurs du culte nouvellement désignés doivent être « sanctifiés ». L’ensemble du rituel devra suivre une procédure précise composée d’égorgement de taureaux (mais aussi de béliers), de découpages de carcasses, d’holocaustes et de badigeonnage de sang (sur les lobes des oreilles et le gros orteil du pied droit). Il faudra également, (c’est une obligation) qu’une fois ces rituels effectués, Aaron et ses fils mangent une partie des animaux sacrifiés (tant qu’à faire, la poitrine et les épaules de la bête). À l’issue de cette sanctification qui durera sept jours, il faudra quotidiennement offrir à Dieu (en les brûlant) deux agneaux âgés d’un an.

Vient ensuite un chapitre qui est d’abord consacré à la confection des parfums qui créeront l’ambiance olfactive du tabernacle. La recette indiquée par Dieu ne doit être réalisée qu’à cet usage et Aaron (ou l’un de ses fils) devra faire brûler les parfums « entre les deux soirs, lorsqu'il arrangera les lampes. C'est ainsi que l'on brûlera à perpétuité du parfum devant l'Éternel parmi vos descendants.»

Dans la seconde partie de ce chapitre, Dieu indique que « Tout homme compris dans le dénombrement, depuis l'âge de vingt ans et au-dessus, paiera le don prélevé pour l'Éternel. » Il s’agit donc d’une redevance qui doit être payé aux serviteurs de Dieu. La somme sera identique pour tous, quelle que soit sa richesse. Le tarif est fixé à un demi-sicle par personne. Il n’est pas précisé si cette somme doit être payée régulièrement ou s’il s’agit d’un tarif ponctuel. L’Éternel indique simplement ; « Lorsque tu compteras les enfants d'Israël pour en faire le dénombrement, chacun d'eux paiera à l'Éternel le rachat de sa personne, afin qu'ils ne soient frappés d'aucune plaie lors de ce dénombrement. » De ce fait, rien n’empêche Moïse ou son frère d’organiser un « dénombrement » de population, dès qu’ils souhaitent remplir les caisses du temple.

Enfin dans un dernier chapitre, Dieu enjoint Moïse à solliciter tous les hébreux doués de leurs mains, afin qu’ils confectionnent l’ensemble des vêtements ou installations demandées. Ces ouvriers devront naturellement travailler six jours et se reposer le septième pour observer le sabbat. Toutefois, aucune sorte de paiement n’est mentionnée pour leurs travaux. À la fin de cette longue entrevue, Moïse peut quitter le mont Sinaï et retourner vers son peuple, chargé des « deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu. » En raison de la portée symbolique de cette partie de l’anatomie, en dépit de cette formulation, nous ne pouvons déduire avec certitude que Dieu à des doigts (bien qu’on puisse en avoir tout de même l’intuition).

Sur ce long passage, Dieu formule des demandes aussi précises que variées. Nous pouvons évidemment souligner que Dieu aime le feu et le sang. Mis à part cet aspect, il n’y a pas spécialement d’autres enseignements à retenir à son propos que ceux mis en évidence ci-dessus. D’un point de vue plus humain, il est toutefois notable que les descendants de la tribu de Lévi vont tirer profit de cette nouvelle organisation. En effet, si Dieu désigne les Lévites comme ses « prêtres », il leur offre parallèlement, un grand ascendant sur les autres membres du peuple hébreu. Ils bénéficieront d’un emploi stable dans un environnement agréable et seront vêtus de riches atours. Ils pourront bénéficier directement des deniers du culte et des divers dons, (en nature ou en joyaux) effectués régulièrement par leurs compatriotes. Ainsi, en organisant son culte et en désignant des serviteurs, Dieu installe une nouvelle élite sociale au sein de son peuple, pour le guider spirituellement.