Exode - Synthèse
Avec le Livre de la Genèse, celui de l’Exode regroupe probablement les épisodes les plus célèbres de la Bible hébraïque. La plupart des passages de ces textes sacrés ont inspirés une grande diversité d’œuvres d’art et fournissent des références importantes à notre imaginaire collectif.
Le Livre de l’Exode, marque les débuts du peuple d’Israël en tant que tel. Nous avons vu qu’avant la période d’esclavage en Égypte, les élus de Dieu ne sont encore que les membres d’une lignée généalogique issue d’Abraham. L’isolement au pays de Gosen et les quatre siècles que dure cette période forge le destin des tribus d’Israël. Les évènements relatés dans ce Livre laissent une place prépondérante et centrale à Moïse, qui à défaut d’être un patriarche dont descendent les Hébreux, est considéré comme le prophète et le guide du peuple. Ainsi l’Exode présente l’histoire fondatrice des Hébreux tout en établissant la relation particulière de Dieu avec son peuple élu, par l’intermédiaire de Moïse. À ce titre, comme nous l’avons détaillé, apparaissent les lois et organisations sociales qui marquent cette nouvelle étape. Dieu donne ainsi davantage de consistance à sa doctrine et formalise enfin ses attentes. Par ses lois, qui étaient jusque-là absentes, IL définit les notions de ce qu’IL souhaite et de ce qu’IL réprouve pour son peuple. Nous avons pu observer qu’à l’image du Livre de la Genèse, les lois de Dieu sont relativement à distinguer des valeurs morales qui caractériseront ultérieurement l’Humanisme. Si certaines lois posent des bases indispensables à une vie sereine en société (respect des ainés, répression du meurtre, du vol, du mensonge…), des organisations sociales qui sont aujourd’hui considérées comme injustes perdurent (domination de l’homme sur la femme, esclavagisme, validation des crimes d’honneur, transmission des fautes des parents sur les enfants par exemple). Ce n’est pas un problème en soi, mais plus simplement le constat qu’à ce stade, nous sommes encore assez loin d’une volonté divine qui tendrait à la formule « aimez-vous les uns les autres ». Pour finir sur ce registre, il faut également remarquer que du point de vue des qualités humaines, les personnages emblématiques de ce Livre, à savoir Moïse et Aaron dans une moindre mesure, ne sont à nouveau pas particulièrement exemplaires. Moïse n’est pas spécialement héroïque et se contente surtout d’obéir à Dieu sans disposer de qualités intrinsèques ou être animé d’un idéal de justice. Aaron quant à lui, est essentiellement un suiveur et ne dispose pas réellement de personnalité propre qui soit décrite. Tout au plus, nous pouvons observer qu’il est facilement influençable et qu’il a tendance à céder à la pression populaire. Son rôle qui pouvait jusqu’à présent apparaitre un peu redondant par rapport à celui de Moïse, s’en distingue dorénavant. L’illustration des errements d’Aaron, permet de mettre en valeur par contraste, la fidélité sans faille de son frère à Dieu.
Parallèlement à la constitution du peuple Hébreu, les récits de l’Exode initient également la mise en œuvre de l’alliance préalable qui a été passée par Dieu avec Abraham, Isaac, puis Jacob et ses fils. Comme convenu, l’Éternel a multiplié leur descendance légitime et va désormais s’employer à mettre à leur disposition la terre qui leur a été promise. Dieu l’annonce Lui-même, cette deuxième partie de son opération se passera dans le sang et la violence. Par les épreuves qu’ils subissent régulièrement, les Hébreux ne doivent d’ailleurs pas s’attendre à ce que Dieu fasse tout.
Enfin, pour faire un rapide point sur les éléments relevés à l’issue de la Genèse et qui participent à la constitution d’un dogme religieux, je préciserai qu’il n’y a toujours pas ici de demande de croyance, mais essentiellement de respect et d’observance des lois. Surtout, il s’agit désormais pour les Hébreux de maintenir leur confiance en la capacité de Dieu à assumer ses engagements et à les protéger. Sans faillir, ils doivent se fier à Dieu et l’honorer. En fait, le peuple élu, plutôt que de croire en l’existence de l’Éternel, (qui est ici une évidence pour tous) doit surtout Le reconnaitre comme son dieu exclusif. Il faut aussi préciser que les promesses et les actions de Dieu ne concernent toujours que l’existence terrestre. Ainsi, le développement d’une promesse d’une vie post-mortem, d’une persistance de l’esprit sous quelque forme que ce soit et donc la notion de salut, n’a toujours pas fait son apparition.
Enfin, la question de l’unicité de Dieu reste en suspens. Plusieurs passages du Livre de l’Exode (ainsi que de la Genèse) laissent à comprendre que l’Éternel est en concurrence avec d’autres divinités. La lecture des textes sacrés donne le sentiment d’assister à une forme de compétition entre différents dieux pour différents peuples. Entendons-nous bien, la compétition entre différents dieux est réelle et ne peut être débattue. Ce qui peut l’être, est de savoir si les autres divinités sont de vrais ou de faux dieux (de simples croyances illégitimes). Mais cet aspect d’unicité incertaine, interroge aussi la notion d’omnipotence présumée, en laissant comprendre que les pouvoirs de l’Éternel sont limités. En effet, quels besoins pour un dieu unique et omnipotent de guerroyer physiquement contre des peuples incroyants ? Dieu pourrait simplement s’imposer à leur raison ou les exterminer. IL aurait bien sûr aussi pu, ne simplement pas les avoir laissés devenir mécréants. Car finalement, la simple existence de peuples qui lui sont infidèles, ou auprès desquels IL ne parvient pas à s’imposer, pose de sérieux problèmes. Cela laisse comprendre que l’Éternel n’a pas pu empêcher le développement de faux cultes ou a laissé certains peuples développer des croyances mensongères pour les punir ultérieurement.
Au total, en n’opérant pas de distinction entre vrais et faux cultes dans plusieurs passages du Livre, l’Éternel se place Lui-même dans la situation d’un dieu existant parmi d’autres. Pire encore, on pourrait aussi comprendre que les auteurs relèguent sciemment l’Éternel dans la catégorie des dieux créés par les humains pour satisfaire leurs aspirations métaphysiques et qu’IL n’a pas d’autre intérêt que d’être le vecteur identitaire et cultuel d’un peuple parmi d’autres. Ainsi, le texte donne l’impression d’avoir initialement été rédigé sans volonté d’universalité, pour fonder et structurer un culte qui prend place dans un contexte polythéiste reconnu. Puis dans un second temps, d’avoir ensuite été adapté dans le cadre d’un monothéisme revendiqué. Si l’on admet que ces textes définissent la relation particulière que le dieu unique des Hébreux entretient avec son peuple, il devient cohérent que l’Éternel fasse preuve de jalousie lorsque ses ouailles risquent d’être tentées par d’autres dieux (d’autres peuples). Sur ce point, Dieu gagnerait sans doute en clarté s’IL ne rentrait pas en compétition avec d’autres divinités, se contentait d’affirmer son unicité et de faire la démonstration de sa toute-puissance.
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