Le bar du coin des temps de Spider Robinson

Callahan devait partir en vacances, cela faisait exactement 59 ans qu’il n’avait pas pris le moindre jour de congé. Or, le « Bar du coin des Temps » ne pouvait pas fermer. C’était le seul endroit de la galaxie dans lequel, une sorte de trêve perpétuelle perdurait. Le seul vrai havre de paix. De toute façon, après deux-trois verres du whisky de Callahan, il n’était plus possible de faire quoi que ce soit à part proférer des âneries, des bêtises et rire tout aussi bêtement. Le rire, il n’y a que ça de vrai pour maintenir la paix.

Il m’avait donc sollicité, moi, Fred Larsen, petit auteur avec une vague expérience de service, dans un festival en 1980, en plein air avec quasiment 48 heures passées sous acide. Ça, c’était de l’expérience.

J’avais bien essayé de lui expliquer que je n’y connaissais rien, à Callahan, mais peine perdue…

- J’y connais rien M’sieur Callahan !

- T’as déjà servi une bière ? Ou un whisky à deux-trois personnes dans ta vie ?

- Oui, bien sûr !

- Et ben là c’est pareil, sauf que des fois, ce ne sont pas des personnes, mais des choses… ou des trucs bizarres

- Des choses ou des trucs bizarres ?

- Oui, j’ai pas de meilleur mot pour décrire ça… Mais tu verras, ils ne sont pas méchants, Tout juste assoiffés, mais on est là pour faire marcher le commerce, non ?

- Certes

- Ben alors, tu les sers, tu encaisses et tout se passera bien ! T’en fais pas p’tit !

- Mais... et si ça se passe mal ?

- Pas de souci, il y a Zdrtqdzrtglouibpygrliuib qui restera à l’entrée. S’il entend crier, il viendra te donner un coup de … bref t’aider, quoi !

- Donc, s’il y a un souci, je crie ?

- Oui, c’est ça… Mais bon, pas trop fort parce que les Centauriens n’aiment pas les cris, ils pourraient s’énerver

- Alors, je crie, mais pas trop fort, du coup ?

- Voilà, tu vois quand tu veux, tu comprends vite p’tit gars ! Allez, je file, à dans trois jours !

- Trois jours ? Mais vous m’aviez dit juste une soirée….

- J’ai dit ça, moi ? Oups, j’ai menti alors… Allez, amuse toi bien et à dans trois jours.

Et voilà, comment je me suis retrouvé à servir dans ce bar improbable, durant finalement deux ans. Callahan avait juste oublié que le temps ne se déroulait pas partout de la même façon. Mais ça, c’est une autre histoire.