78 – MAGALI NOËL : Fais Moi Mal Johnny

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Je viens de prendre conscience que, si j’ai l’image, j’ai aussi le son et les odeurs, et chose qui ne s’était jamais produite, je me calme de ma panique d’être attachée. Je sais que je ne peux rien faire d’autre qu’attendre. Si Edmond Dantes, dans le « Comte de Monte Cristo » démonte et remonte jour après jour le bateau dont il était capitaine pour ne pas devenir fou, je me dis qu’il me faut aussi trouver quelque chose afin de ne pas sombrer.

*

C’est à ce moment-là sans crier gare, que je commence à développer les images de ce qui s’est déroulé dans le passage, tout en y associant les sons. Je vois le pantin que j’ai été, je remonte la séance photos, puis vidéo, les instructions, les dizaines de personnes qui viennen en moi alors que je souris et remercie. Dans mon corps immobile je ressens la douleur de la gifle, le goût des innombrables giclées de sperme sur ma langue, tout comme celui des crachats.

Ma vision est de nouveau trouble, mais les images sont de la meilleure résolution dans ma tête, les sensations exacerbées, le son de la meilleure fidélité. J’entends clairement les centaines de « sale pute blanche » et autres obscénités prononcées. Je me vois, la langue sortie, prête à lécher un étron, que j’aurais dégusté avec plaisir si on me l’avait demandé. Comment ne pas comprendre que je suis sous l’emprise de drogues, lesquelles aucune idée, mais j’en suis le cobaye désigné.

Je voudrais vomir mais je ne peux pas, je voudrais ne jamais être venue, sauf que je comprends avoir été piégée, que je m’y suis précipitée, tête baissée. Qu’il a fallu seulement quelques gorgées d’une bouteille d’eau, en apparence inoffensive, pour que le dispositif se referme et m’engloutisse. Je ne peux que constater la déchéance dans laquelle j’ai été, souriante, amenée. Je semble tellement heureuse, si volontaire et avide qu’il est quasi impossible de dire que je ne suis pas consentante, ni que je suis sous une emprise quelconque.

Si je me sens trahie, je sais pourtant que je ne peux m’en prendre qu’à moi-même, plus encore lorsque je matérialise que les boîtiers disposés par Henry sont en fait des caméras. J’apprendrais par la suite que cette session a été diffusée en live, que c’était un direct, que tout ce que j’ai fait, ce qu’on m’a fait, ce qui s’est déroulé, a été regardé par des milliers de spectateurs au regards avides.

En moins de vingt-quatre heures, je suis devenue un jouet testant la posologie de créations humaines destinées à l’asservissement. Je sais aussi maintenant où je me trouve, dans un « glory-hole », un lieu où après avoir payé un seul droit d’entrée, ces messieurs glissent leurs bites dans des trous pour se faire sucer, ou dans les chattes et les culs mis à disposition. La fille à laquelle appartient ce qui est utilisé, n’est matérialisée que par une photo, celle qu’Henry tenait dans sa main quand il est allé me lier les chevilles.

*

Depuis combien de temps me suis-je absentée de la réalité quand je vois à nouveau le même visage graisseux de cette femme venue plus tôt, je n’en ai aucune idée, mais certainement un bon moment. En effet, inspectant à nouveau mes yeux, elle dit : « ah, ça y est, tu es revenue, ça doit être un sacré bordel dans ta tête », ce qui l’a fait beaucoup rire, et d’ajouter : « on est loin d’en avoir fini avec toi, avant de te laisser partir. »

Je ne savais pas, à ce moment, c’est qu’il pouvait y avoir un autre sens à ce mot, partir…

Par petite lampée, cette femme, nommée Nell, comme l’interpelle Henry, recommence à m’abreuver avec la bouteille d’eau. C’est ainsi que, petit à petit, malgré des protestations inaudibles, ma conscience retourne dans les limbes, pour y rester cloîtrée des jours durant.

La boisson fait son effet, mais je suis toujours incapable de bouger. Il est allé me détacher, puis ensuite de m’avoir retirée du trou, elle enduit mes orifices d’une pommade, certainement cicatrisante et apaisante, comme j’en utilise régulièrement. Lorsqu’il revient, elle lui dit : « heureusement qu’elle s’est largement lubrifiée et que je l’ai imposé pour elle, elle devrait être fonctionnelle d’ici une journée. Ça permettra aussi que ça se referme, afin que ce soit plus agréable pour ses utilisateurs, que ce ne soit pas distendu. Regarde, je peux mettre un doigt dans son cul sans toucher les bords. »

C’est une poupée de chair enroulée dans un drap qu’emporte Henry dans ses bras. Il me pose sur la banquette arrière de sa voiture, il fait jour à l’extérieur, beau et plutôt chaud. Mon corps commence à répondre à nouveau, Henry vient de me poser sur mon lit. Il sort deux gélules de sa poche, l’une est un somnifère qui contrecarre l’effet anti-fatigue du breuvage dont le principe est contenu dans la second, elle aussi à libération prolongée, afin que je reste sous emprise, mais que je dorme.

Ces médicaments qui me sont administrés sont le fruit de laboratoires parallèles qui ont récupéré les « ratés » des grosses entreprises pharmaceutiques. Certains chercheurs ou employés peu scrupuleux vendent ces découvertes à prix d’or, sans autre considération quant à l’utilisation qui pourrait en être faite. Ce sont des chimistes qui vont ensuite prendre le relais afin d’en tirer la quintessence pour de nouvelles drogues genre extasie.

Je suis piégée, impuissante face à ceux qui façonne ma vie à ma place, la souille et la détruise.

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