Artaglias avait séjourné à "l'étrangleur",  l'auberge du port, pendant quatre jours le temps de trouver un équipage. Il attendait un dénommé Keldon, quelqu'un qu'il avait vu dans le berceau à son dernier passage à Ortenmare, il y une vingtaine d'années. Ce jeune homme avait la réputation d'être un très bon marin pour son âge. Artaglias l'attendait assis sur une chaise en bois irrégulière et bancale dans un coin de la pièce, camouflé par la pénombre et la fumée ambiante qui trônaient dans la salle. Un jeune serveur s'approcha, tenant dans ses mains les deux pintes qu'il avait commandé. Il vint jusqu'à sa table, posa les bières et s'assit en face de lui. 

"- Bonsoir Artaglias, j'ai peiné à trouver l'auberge. Cette pinte en guise d'excuse. 

- Nous allons donc devoir en boire deux autres. Vous voyant en retard, j'avais pris les devants.

- N'ayez craintes, nous les boirons quand viendra leur tour. Ajouta le jeune homme tandis qu'ils enfournaient leurs pintes. Ils trinquèrent et Keldon reprit. 

- Mon grand père vous décrit parfaitement, trait pour trait. Je n'ai eu aucun mal à vous reconnaître.  

- Mon cher Keldon, tu n'était pas l'homme que tu es devenu lorsque je t'ai vu pour la première. Je suis si heureux que tu te porte si bien. Quel âge as-tu maintenant ?

- Je viens d'avoir dix-neuf ans. Et vous Artaglias ? Il n'est de question qui valent plus d'or que celle-ci à Ortenmare. Je ne cesse d'entendre parler de vous depuis petit. 

- Si je te dis que je ne le sais pas moi-même, enfin plus. Il faudrait que je me replonge dans certains de mes vieux journaux tant ma mémoire est poussiéreuse. Contente-toi de te dire que j'ai connu ton grand père dans le berceau tout comme toi et que je n'étais déjà plus tout jeune à l'époque.. 

Keldon plissait des yeux pour forcer son imagination à voir Artaglias plus jeune. Aucun résultat ne vint. "Il est probablement né comme cela... vieux" se dit-il lorsqu'il cessa sa tentative. 

- Keldon, je dois te demander ce que tu as vu a Ortenmare ces derniers temps, ces dernières années. Chuchota Artaglias.

- Pas de rencontre anormal de mémoire, il passa la main dans ses longs cheveux bruns. Si ! Il y a bien quelque chose. Des hommes armés de plus en plus se massent dans les hauts de la ville. Ils semblent ne pas craindre nos propres gardes. Des centaines de mercenaires formant une sorte de milice clandestine.

- Il s'agit sans aucun doute de sbires du Tirant. Il a eu vent de ma venu. Il me craint. Il craint ma longévité et les souvenirs qu'elle m'a laissé. Que font-ils ces mercenaires ? Décrit moi leurs faits et gestes. 

- Je pensait qu'il cherchait un objet, un trésor de pirate. Mais il n'y plus de doute : ils te cherchent. 

- Alors c'est ça. Soit, je disparaîtrai sans un bruit cette nuit. dit Artaglias.

- Déjà ? Et où irez vous ? Et d'ailleurs, quel est le motif de votre venu a Ortenmare ? 

- Cela t’intéresse-t-il ?

- Absolument !

- Alors il te faudra pour cela rayer la négation de ton vocabulaire pour la prochaine réponse. 

- Laquelle ? Vous n'avez d'ailleurs pas poser de question. Vous êtes bien mystérieux.

- Voulez-vous prendre place à bord du Helonmare ?

- Vous suivre ? Ou dormirais-je dans les prochains mois ? On dit que vous ne cesser de voyager, que vous dormez à la belle étoile et chassez des petits animaux pour les manger au bord d'un feu. 

- Tant que nous serons en mer, tu dormira dans la cabine de commandement, j'ai vu en toi l'étoffe d'un capitaine de vaisseau. 

- Alors c'est oui ! dit-il emplit d'émotion. Je ne sais que dire. Comment vous remercier ?

- Cesse donc de me tutoyer, voilà comment me remercier Capitaine Keldon Arliath. Réunis vêtements, vivres et le plus d'or que tu pourra. Prévois des provisions pour les deux prochains mois. Je vais trouver les derniers membres d'équipage. Dans deux heures aux quais des Lames, suit la ruelle où habite Felgor, au bout, Helonmare.