Ce matin au réveil j’avais un message de Michel et plusieurs appels manqués de la veille. Dans son sms, il me dit que de nouveaux vols ont été mis en ligne, mais il est toujours sur liste d’attente et son nom n’est pas remonté depuis ces derniers jours. Il en a ras le bol et décide de se rendre en agence. Il va se faire envoyer bouler, c'est sûr. J’essaie de le rappeler et il ne répond pas. Il doit être en train de dormir, il est encore tôt, je réessayerai plus tard.

Pendant mon petit-déjeuner, c’est au tour de ma mère de m'appeler. Elle m’explique que mon père s’est coupé le doigt avec un couteau à pain et qu’ils ont dû aller aux urgences. Quel parfait endroit pour choper le covid pour ces deux retraités ! Elle finit par me dire que les mesures sanitaires à l'hôpital sont très strictes et qu’ils n’ont pas une seule fois été en contact avec un potentiel malade. J’espère qu’elle ne dit pas ça pour me rassurer.

Elle ajoute qu’elle a croisé leur voisine du bout de la rue, qui bosse comme infirmière urgentiste avec une de mes amies d’enfance. Cette amie a été testée positive au virus deux jours avant. Même si elle ne présente aucun signe pouvant aggraver son cas, je suis tout de même inquiète. Toute cette pandémie me semble si lointaine depuis là où je suis que j’ai du mal à me rendre compte de la réalité et de l’ampleur de la crise. J’ai déroulé un peu Facebook, Instagram et je crois que je n’aurais pas dû. Entre fake news, potentiel traitement tout de même controversé et des pétages de plombs un peu partout, internet se transforme en source d’angoisse.

Je ne suis pas au top ce matin, alors j'ai fait le nourrissage assez rapidement. D’habitude, je prends mon temps. Les animaux qui veulent m’approcher, je les laisse faire, je papote avec eux et j’aime observer mes pensionnaires manger, en restant accroupis à côté d’un arbre pour qu’ils me voient le moins possible. Ce matin, j’ai balancé la sauce aux différents points et je suis directement rentrée. Je n’ai même pas donné sa cacahuète matinale à Chiku. Il va m’en vouloir, je le sais. À midi, ni Friends ni Kaamelott ni The Big Bang Theory ne parviennent à m’extirper un sourire.

Je coupe tout et je m’enferme dans ma clinique pour y faire un inventaire. Je l’ai déjà fait le mois dernier et, même si je n’ai pas utilisé grand-chose, recompter va m’occuper un peu l’esprit.

Après avoir tout ranger et fait un brin de ménage dans la clinique, je décide de faire ma ronde de sécu dans la réserve. Rien à signaler pour nos pensionnaires. Je parviens même à retirer les points de Madame sans l’anesthésier. Je dois être tellement absente qu’elle ne sent même pas ma présence.

En retournant à ma cabane, je me lance dans le jardinage. Si je commence à faire une pause, je vais m’écrouler et me réveiller dans trois jours seulement. Ça commence à devenir dur, je tire sur la corde depuis quelques jours. Tant sur le plan physique que sur le plan moral.

Jardiner va m’occuper, même si je ne suis pas trop fan. Je dois refaire une beauté aux plantations et potager des proprios, ils me l’ont demandé. Bon je n’ai pas vraiment la main verte donc je ne sais pas si mon travail sera bénéfique pour eux, mais… on verra bien.

En fin d’après-midi, Michel m’appelle (enfin il donne signe de vie !) pour me dire que le livreur est encore à la porte. Forcément, je me mets à râler et lui ça le fait rire, ce qui m’énerve encore plus. Non seulement j’ai chaud à force de tailler les plants de tomates en plein cagnard, mais en plus de ça, je me souviens avoir donné mon numéro au livreur ! Pourquoi a-t-il encore appelé Michel ? Je vais me le faire, ce con.

Remontée comme un coucou et prête à engueuler du local, je fonce à l’entrée. Mes ardeurs se calment immédiatement lorsque je constate que le livreur, c’est en fait Michel.