2.
D’un geste lent, je me débarrasse de mon manteau. Je le fais tomber au sol en te regardant. Ce bandeau t’empêche d’accéder à cette information. Pourtant le son étouffé, presque imperceptible, de sa chute sur la moquette s’impose à toi, te fait trembler : tu te demandes ce que c’est. A peine un frôlement. Je laisse le temps au silence de s’installer, mesure mes pas, les distille au compte-goutte. La chambre n’est pas si grande. Où suis-je ?
Quand j’ouvre ma mallette d’un coup, tu sursautes : tu sais que je vais commencer mais tu ne sais pas où je suis dans la pièce. Penses-tu que je vais me déshabiller ? Je ne sais pas encore si toi, tu vaux le coup que je sois nu. Cela se mérite. Tu comprends ? Je ne suis pas un mec facile. Contrairement à toi : tu suis n’importe qui à la recherche d’un fantasme étrange, d’une nouvelle expérience. Je le sais. Je sais tout de toi. Ton IP, ton adresse, ton numéro de carte bancaire. Toi, que connais-tu de moi ? Tu ne sais même pas mon prénom !
Mais j’avance vers toi, me pose à tes côtés : tu sens mes fesses incurver le matelas, le bruit moelleux de cette rencontre. Tu te demandes sans doute si je suis encore habillé ; je ne porte rien au dessus de mon pantalon : j’étais torse nu sous mon manteau. Je n’aime pas qu’on devine, qu’on me devine. J’aime la surprise, ménager mes effets. C’est moi, le divinateur. D’ailleurs, je lis en toi : ton corps veut, ton esprit s’inquiète. C’est cela même qui donne au fantasme tout son sel. Cette ambivalence empêche l’être humain d’être la pute de tous ses vices. Mais peut-on remettre à un anonyme les clés de sa fonction d’arrêt ? Pauvre mec ! Tu ne le sais pas encore mais tu m’appartiens ! Ton sort repose désormais entre mes mains.
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