Encore un entretien de famille

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Le jour de l’entretien de famille, Sébastien était à Bruxelles avec Valentine, il avait décidé de venir, pour la soutenir après l’entretien. Valentine lui avait proposé qu’il reste dans son appartement, quasi-vide, pour rassembler ses dernières affaires.

Elle avait donné rendez-vous à son frère un peu avant l’heure.

— Alors sœurette, des nouvelles de papa ? Il ne vient toujours pas au mariage ?

— Non, rien n’a changé, je suis sûre que c’est elle qui est derrière tout cela… Jusqu’au bout, elle gâchera tous les moments heureux de ma vie.

Elle soupira tristement puis s’enquit.

— Et toi ? Ça va ?

— Je ne saute pas de joie, mais je pense qu’il est important qu’on connaisse ce qui s’est réellement passé quand on était petit.

— Oui, c’est vrai… Enfin, qu’allons-nous encore apprendre cette fois-ci ?

— Nous verrons !

Il sourit puis lui serra la main avant de lui dire,

— Allez ! Pousse ma charrette, c’est l’heure du rendez-vous !

Elle le conduisit jusqu’à la salle prévue pour l’entretien de famille qui était ouverte, ils s’installèrent l’un à côté de l’autre, comme ils en avaient maintenant l’habitude.

Leurs parents, Annie et les thérapeutes arrivèrent et s’installèrent, Annie s’installa à côté de Valentine, les parents s’assirent en face de leurs enfants.

Agnès indiqua qu’elle voulait parler pour expliquer ses gestes à l’encontre de Valentine, en lien avec le dernier entretien. Sur un ton un peu inégal, oscillant entre la douceur et une certaine agressivité, elle tenta de s’expliquer,

— Quand tu es née, je t’en ai voulu Valentine, j’ai eu l’impression que tu avais volé la vie de ma mère.

Elle se tut. Blessée, Valentine lança, cyniquement,

— Et c’est pour ça que tu as voulu me tuer ? J’étais une voleuse, tu m’as châtiée, c’est ça ?

Agnès se pinça les lèvres puis, sur un ton plus calme, répondit,

— Non, je voulais contrôler…

Valentine marqua son incrédulité et secoua la tête. Qu’allait encore sortir sa mère pour tenter de s’excuser de ses gestes ? Elle sentit la colère monter en elle.

— Je voulais contrôler la mort, Valentine.

Annie intervint, tout en serrant la main de Valentine.

— Que veux-tu dire Agnès ? Comment voulais-tu contrôler la mort ?

— En la tuant… Comme avec maman.

Elle se tut l’espace d’un moment, Valentine se sentit mal, elle avait l’impression qu’une grosse boule montait dans sa gorge et des larmes mouillaient ses yeux. Agnès continua ses explications sur un ton qui sembla lourd à Valentine.

— Tu vois Annie, j’ai compris qu’à chaque fois que j’ai tenté de la tuer, je rejouais la mort de maman, je voulais être plus forte que la mort, je voulais la donner moi, je voulais avoir le dernier mot sur la mort… Je voulais être plus forte que la mort de maman…

La voix de sa mère se tut, les oreilles de Valentine bourdonnèrent, elle sentit des larmes couler sur ses joues et eut du mal à respirer.

Soudain, elle entendit sa mère s’adresser à elle et lui révéler,

— Je suis désolée Valentine, je t’ai utilisée… Je ne sais pas si tu sais, mais tu portes son prénom, je t’ai donné le prénom de ma mère, pour que tu sois « elle ».

Valentine ne tint plus, elle sortit de la pièce où avait lieu l’entretien en claquant la porte. Une fois dans le couloir, hébétée, elle se laissa glisser contre le mur, s’asseyant à même le sol. Elle eut l’impression de ressembler à un pantin désarticulé, elle n’avait plus aucune force, son corps ne répondait plus à ses commandes.

Elle laissa alors couler toutes les larmes qu’elle pouvait encore produire puis se saisit lorsqu’elle sentit que quelqu’un lui caressa les cheveux. Sur ses gardes, elle se retourna puis vit Sébastien.

Soulagée, elle le laissa s’asseoir à côté d’elle et la prendre dans ses bras.

— J’ai bien fait d’avoir eu envie de me promener dans cet hôpital, je crois…

Elle hocha positivement la tête puis leva vers lui des yeux mouillés de larmes et lui souffla,

— Merci Seb.

À ce moment, la porte de la salle d’entretien s’ouvrit, le père de Valentine sortit et chercha sa fille du regard dans le couloir puis baissa les yeux, s’accroupit et lui dit,

— Reviens à l’intérieur Valentine, on ne peut pas terminer l’entretien comme ça.

Sèchement, elle lui rétorqua,

— Pour encore entendre combien elle voulait ma mort et combien ce jeu l’amusait ?!

Sa mère, qui était apparue entre-temps dans l’embrasure de la porte, lança,

— Non Valentine pour te dire pourquoi je regrette. Sébastien, venez aussi si vous voulez, vous faites partie de la famille.

Valentine regarda Sébastien qui ferma les yeux en guise d’acquiescement puis l’aida à se relever, il était hors de question qu’il la laisse tomber, il allait être son bouclier face à ses parents.

Dans la salle, une chaise fut rajoutée et Sébastien s’installa entre Annie et sa fiancée. Après avoir fait signe à son futur beau-frère.

Grégory lui lança,

— Salut Seb ! Bienvenue parmi nous, tu ne sais pas dans quoi tu es tombé mon petit gars !

Sébastien sourit et, essentiellement à l’adresse des thérapeutes, se présenta,

— Bonjour, je suis Sébastien, le fiancé de Valentine.

L’entretien reprit après que Valentine ait eu l’occasion d’expliquer pourquoi elle avait ressenti le besoin de sortir de la pièce. La comparaison à sa grand-mère lui était devenue insoutenable lorsqu’elle avait appris qu’elle portait son prénom pour la « remplacer » dans les pulsions mortifères de sa mère.

Une fois l’ambiance apaisée, Agnès lança maladroitement,

— Je voudrais assister au mariage de Valentine.

Valentine leva les yeux vers elle, la fusilla du regard et lui dit abruptement,

— Ce n’est pas en empêchant papa de venir me conduire à Sébastien que tu pourras espérer y assister maman ! Ton chantage est immonde, tu ne penses qu’à ternir tout ce que tu touches, même mon mariage, tu veux le saboter !

Grégory renchérit,

— Je soutiens Valentine, tu n’as toujours fait que bousiller tout ce que tu touches, tu ne penses qu’à faire du mal.

— Mais enfin, j’essaie de faire ce que je peux !

Cyniquement, Valentine lui renvoya,

— Ah, mais tu vois, ce n’est pas évident d’être gentille, il faut de la pratique… Ce que tu n’as pas ma chère maman.

Suppliante, elle poursuivit,

— Mais laisse-moi au moins essayer, Valentine.

Sur le même ton que sa sœur, Grégory marmonna,

— Bien sûr…

Agnès se tourna vers lui et lui dit,

— Mais oui Grégory, j’essaie.

— Ah oui ? Et c’est dû à quoi ce revirement ? Au fait que tu as enfin réussi ?

Agnès le regarda, interloquée,

— Réussi quoi ?

— À tuer un bébé, mon bébé !

Grégory avait crié, le reste de l’assemblée se tut et le regarda ; tentant de masquer un sanglot, il lança,

— Françoise a perdu le bébé une semaine après que tu lui aies souhaité qu’elle avorte.

Après avoir ouvert la bouche d’étonnement, Annie lui dit,

— Oh, Greg, je suis désolée pour vous deux, nous ne savions pas.

Le père de Valentine exprima lui aussi ses regrets, Valentine l’interpella,

— Tu vois papa, ta gentille femme est tellement pleine de bonté qu’en plus de tenter de briser ma vie, elle brise aussi celle de son fils. Charmant, hein ! Et tu t’étonnes que je ne veuille pas d’elle à mon mariage ? Ce chantage est immonde, papa.

Agnès souffla puis regarda son époux et lui dit,

— Je te l’avais dit que ce n’était pas une bonne idée, tu ne m’as pas cru.

Soupçonneuse, Valentine demanda,

— Ce qui veut dire ?

Le père de Valentine prit sa tête dans ses mains et se frotta plusieurs fois le visage. Il finit par répondre à sa femme,

— C’est vrai, tu avais raison, je n’aurais pas dû le faire.

Il se tourna vers Valentine pour lui dire,

— L’idée du chantage, c’est moi, ta mère était contre. Pour moi, c’était la seule façon d’obtenir la présence de ta mère au mariage.

Valentine ouvrit de grands yeux, regarda son frère puis Sébastien ; elle était abasourdie. Visiblement, son frère aussi.

Un peu mal à l’aise à la suite de tout ce qui venait d’être dit, mais toujours aussi pragmatique, Sébastien intervint en s’adressant à son futur beau-père,

— Et, poser la question, simplement, ça ne vous a pas traversé l’esprit ?

— Non, pas au vu de la situation… Cela ne m’est pas venu à l’esprit.

Le silence se fit, Valentine prit la main de Sébastien et la serra. Il se pencha vers elle et lui embrassa la tempe.

Annie rompit le silence et demanda d’une voix claire,

— Valentine, Sébastien, êtes-vous vraiment opposés à la présence des parents de Valentine à votre mariage ?

Valentine regarda son fiancé, ce dernier lui souffla,

— C’est comme tu le sens Val, avec ou sans, pour moi, c’est bon, c’est à toi que ça doit convenir, si tu le sens bien, on peut le tenter. De toute façon, je te soutiendrai.

Son frère lui prit la main dans la sienne, Valentine se tourna vers lui, il lui murmura, lui aussi,

— Je suis d’accord avec Seb, fais comme tu le sens.

Valentine ferma les yeux et se concentra quelques instants puis dit, à voix relativement basse,

— Ok pour le mariage et le vin d’honneur.

Elle respira,

— Pour le repas de mariage, je ne sais pas, je ne peux rien garantir, je dois voir ça avec la mère de Sébastien.

Elle fit encore une pause et ajouta,

— Il y a des conditions ; au moindre souci ou pas de travers, vous êtes dehors ! Je précise que les soucis et pas de travers concernent aussi Grégory et Françoise.

Elle regarda les mines se réjouir face à elle. Elle fixa alors son père et continua, sur un ton plus rude,

— Et il est hors de question que mon père m’amène à Sébastien dans la salle des mariages.

Son père se mordit la lèvre inférieure, il ferma les yeux, mais accepta la décision de sa fille.

Le groupe se sépara, chacun s’en retourna de son côté, mais avant, Agnès vint voir sa fille pour lui dire,

— Merci Valentine, ne t’inquiète pas, tu n’auras pas à avoir honte de moi le jour de ton mariage.

Elle se tourna vers son fils et lui avança,

— Je suis désolée pour le bébé Grégory, pardonne-moi.

— Non, je ne te pardonne pas les mots que tu as eus maman et pour ta gouverne, il n’y a pas qu’à moi que tu devrais demander pardon.

— Je m’en excuse quand même Grégory.

Valentine ne voulut pas parler à son père, la rancœur était encore trop récente. Annie vint à sa rencontre pour lui exprimer sa reconnaissance,

— Merci Valentine, j’étais sûre que tu les laisserais assister à ton mariage.

— J’espère juste ne pas le regretter, Tante Annie… Vraiment.

Avant de le laisser repartir, Valentine demanda à son frère s’il accepterait de la conduire à son fiancé le jour du mariage, il accepta.

Elle prit le chemin de son appartement avec Sébastien.

— Alors Seb, après tout ça, toujours prêt à m’épouser ?

Il la regarda en souriant,

— Oui, toujours prêt !

Elle le regarda amoureusement et lui glissa,

— Merci mon amour.

Il s’arrêta, la prit dans ses bras et l’embrassa puis lui susurra,

— On embarque les dernières affaires de ton appartement ?

— Oui, dans cinq jours, il n’est plus à moi, il est temps de le vider complètement.

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