Un métier comme un autre...

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Une jeune femme entre dans la chambre, s'exprimant la porte à peine ouverte :

— Chérie, que penserais-tu d’un déjeuner à l’extérieur, un pique-nique ou une petite sortie comme ça… Mais qu’est-ce que tu fais ?

— Comme tu le vois, je fais ma valise.

Sarah se relève et s’approche d'une Théotine stupéfaite.

— Mais…

Un petit rire l’interromps, et son aimée prends son visage entre ses mains pour la regarder tendrement dans les yeux.

— Ne t’inquiètes pas mon amour, je ne te quittes pas, j’ai seulement une nouvelle mission, annonce Sarah dans un soupir.

— Tu m’avais déjà dit la dernière fois que c'était fini et tu dois repartir ?

— C’était une mission importante et périlleuse, et au vu des conséquences que ça a entraîné, je pensais en avoir fini pour un long moment… Le temps de s’occuper de nous. Je me suis trompée et me voilà avec une nouvelle mission.

Dans une faible tentative d’humour, la petite rousse lance d’une voix faible :

— Et mon pique-nique alors ?

Elle observe les cheveux bleus foncé de Sarah s’approcher et ferme les yeux pour profiter de ce tendre baiser. Elles s’enlacent et un murmure lui réponds ;

— Quand je serais de retour, on en fera autant que tu voudras.

Théotine caresse les cheveux de sa partenaire pour de nouveau la regarder.

— Tu pars où, et pour combien de temps ?

— Je vais d’abord à Paris, puis Bruxelles, et enfin Berlin. Je ne sais pas vraiment combien de temps ça va prendre, peut être deux semaines, peut être plus selon les évènements.

Encore pour soulager l’atmosphère la rouquine demande :

— Tu me rapporteras un souvenir de chaque pays ?

Un rire franc lui répond.

— T’en rates pas une, t’es incroyable !

— Je vais t’aider a finir ta valise.

— Merci mon cœur.

Mais la valise est déjà pleine alors les jeunes femmes s’assoient sur le lit pour profiter du temps qu’il leur reste. Elles qui sont d’habitude bavardes et rieuses, la discussion est teintée de tristesse alors Sarah décide de la chatouiller. Voulant échapper aux mains redoutables de son adversaire, elle roule sur le lit en se débattant, prise d’un fou rire. Elles se chamaillent à en faire tomber la valise, ce qui déclenche une nouvelle fois un éclat de rire. Essoufflées, et ayant mal aux abdos, elles s’allongent sur le lit et se prennent dans les bras.

Après un instant de silence, à écouter la respiration de l’autre, profiter de leur chaleur, car toutes deux dormiront seules prochainement, anticiper le manque qui va survenir, Théotine se redresse pour contempler Sarah.

— Je n’ai pas envie que tu partes. Pourquoi fais tu ça ?

— Pour la même raison que tu t’opposes à moi : parce que quelqu’un doit le faire. C’est mon métier, c’est tout. C’est ce qui nous permet de vivre décemment ici, à Berne.

— Je sais qu’on a déjà eu cette discussion, mais je veux dire, pourquoi continuer, maintenant que tes missions t’ont rapporté assez ? On a de quoi vivre de belles années, et mon travail nous rapporte aussi pour que tu puisses te permettre de changer de métier.

Un silence, pendant lequel Sarah réfléchit. Oui, elles en ont déjà parlé, du pourquoi et du comment elle fait ce métier.

— C’est difficile de trouver un autre métier après un CV comme le mien…

— Tu n’as qu’a dire que tu étais femme au foyer !

— Non, il y a des gens qui connaissent mon nom, je ne peux pas repartir de zéro. Et puis, comme je te le dis, quelqu’un doit le faire, et si ce n’est pas moi, c’en sera un autre. Et qui sait, peut être un fada des armes qui tue pour le plaisir. Je préfère tenir ma place, faire implacablement et impeccablement mon travail et rentrer te retrouver. Je n’ai pas toujours la conscience tranquille, mais je sais que ces gens que j’ai éliminés ne sont pas des bonnes personnes.

— Tu peux mettre femme de ménage dans ton CV alors ?

Un rire léger détend Sarah et fait sourire Théotine.

— Allez, aide moi a remettre ma valise en état.

Elle ne veut plus en parler, c’est déjà assez dur comme ça de partir, alors avec ce genre de conversations…

— Cette fois je t’accompagne à l’aéroport !

— Si tu veux mon amour.

Répondre par des phrases légères adoucit l’ambiance, mais aucune n’est dupe. Se fâcher avant de partir n’est pas une bonne idée, et Sarah pense déjà à la prochaine fois qu’on l’appellera, elle hésite encore à refuser. Mais il faut qu’elle ce concentre déjà sur le présent.

— Tu ne veux rien manger avant de partir ?

La voix malicieuse de la rousse la fait toujours sourire, et elle sait que ce n’est pas pour elle qu’elle pose la question, en effet un gargouillement de ventre se fait entendre.

— Non, il y aura une réunion-buffet à Paris. Tu peux toujours manger ici pendant que je pars, ou manger un sandwich à l’aéroport.

— Je viens avec toi ! Ce n’est pas grave je ferais mon pique-nique toute seule en regardant l’avion s’envoler.

— Ahah ! J’ai toujours du mal à savoir qui tu préfères entre la nourriture et moi !

Elle reçoit une gentille tape sur l’épaule, mais n’en tient pas rigueur. Elle aime bien ces moments un peu enfantins entre elles. Tout ça va lui manquer. Elle espère revenir sans incident chez elle. Son organisation devrait pouvoir l’exfiltrer si ça devait tourner mal. Rien n’est moins sûr, l’Europe gronde de révoltes et éliminer ces hauts placés peut être plus catastrophique que prévu. Heureusement qu’elle ne sera pas seule sur ce coup là ! Elles sont déjà à l’aéroport, et Théotine ne cesse de l’enlacer.

— Chérie, tu me serres trop fort, il faut que tu me laisses partir. Ne suis-je pas toujours revenue ?

— Bien sûr que si… Mais et si… ?

La question reste en suspens, un doigt délicat s'est posé sur ses lèvres.

Leur dernier baiser à ce goût salé des larmes.

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