Le métro fonce à toute allure. Les Vikings ne sont pas rassurés, même Asbjörn semble déstabilisé. Dankard se prosterne alors en déclamant une ode à Odin :

Ô notre père Odin, veille encore sur nous

D'affronter l'inconnu, la force donne-nous

Éclaire notre voie par delà nos craintes

Reconnais et calme de tes fils les plaintes

Fredegar sent qu'il doit prendre le relais de son chef :

• Bravo Dankard, comme toujours, tu as su trouver les mots justes pour glorifier notre père éternel, mais celui qui te guidera plus concrètement vers la victoire n'en est pas moins glorieuse, j'ai nommé notre tout puissant hovding : Asbjörn ! Vive notre chef, vive Asbjörn !

Grimhild, Osmund et Thorketil mêlent leur voix à celles de tout le groupe pour encenser leur chef qui reprend toute sa fierté et son courage sous les encouragements des siens. Puis s'approchant de Robert tremblant sur son siège :

• Toi, l' esclave tu t'es joué de nous une fois de trop.

Le chef empoigne le clochard et lui brandit sa hache sur la tête. Tétanisé l'esclave ne peut que blêmir. Mais soudain un policier se dirige vers eux arme au poing :

• Haut les mains !

Cette fois les Vikings ne se laissent pas désarçonner, forts de leur expérience de ce monde :

• C'est un de leurs Tythings* , nous n'avons rien à craindre de leurs armes, par contre il peut nous être utile. finaude Thorketil.

Asbjörn lui donne raison et dit à tous de faire ce que le policier leur dit. Bien que surpris, les Vikings font confiance à leur chef, qui a reposé le clochard à terre, et lèvent tous les mains.

• Donnez-moi vos armes ! Qu'est-ce que c'est que ces tenues ? apostrophe le flic.

Heureusement Dankard est un artiste fin et intelligent, il sait ce qu'il faut dire en de pareilles circonstances :

• Excusez-nous, c'est pour une fête, ce ne sont pas des armes réelles.

Du coup, le policier se détend, range son arme dans son étui :

• Ah oui je connais, les jeux de rôle grandeur nature ! Mon fils en est friand. Où est-ce que vous donnez votre spectacle ?
• Justement on vient de loin pour donner ce spectacle à la maison du comte, répond Dankard en saisissant l'occasion.

Contre toute attente le policier connaît l'endroit :

• Je connais bien, je vais vous y conduire. En plus, avec vos tenues vous risquez d'avoir des problèmes, c'est mieux si je vous accompagne.

Thorketil se tourne vers le clochard recroquevillé sous un banc du métro, et lui dit à voix basse :

• Parce que ce monde n'est pas le nôtre et que je ne crois pas à ta culpabilité volontaire, je te laisse partir, mais la prochaine fois que je verrai ta face, tu seras un homme mort. De suite Robert s'empresse d'aller s’asseoir dans un autre wagon, laissant les Vikings en compagnie de leur nouveau compagnon.

* * *

Il est presque cinq heures lorsque trois loubards font irruption dans le commissariat. Le préposé, qui attend avec impatience la demi-heure qui lui reste à faire avant de retrouver ses potes au bowling, ne voit pas ça d'un très bon œil :

• Oh là doucement, vous vous croyez où pour vous comporter de la sorte ? C'est vrai que des racailles de votre genre, on ne peut pas attendre mieux.

Un des plaignants, casquette de travers, tatouage de mort sur le bras et tee-shirt troué s'avance vers le comptoir :

• Il … il... il l'a décapité ! D'un coup... comme ça... plus de tête ! bredouille l'énergumène.

Son pote, dont les pantalons aux poches retournées laissent voir le caleçon, vient soutenir les parole du premier :

• C'est vrai, je l'ai vu … des malades déguisés en sauvages !

Le troisième larron fait un bruit métallique en marchant à cause de ses chaussures cloutées. Il semble plus hardi que les deux autres :

• J'ai voulu nous défendre avec mon couteau.

Il pose son couteau style Rambo sur le comptoir, devant le flic. Pour le policier de faction, s'en est trop. Il siffle ses collègues :

• Embarquez-moi ces gaillards pour attaque du commissariat avec arme blanche et alcoolémie.

Le lendemain, le commissaire se met en quête de savoir ce qu'il y a de neuf. Le nouvel agent de garde lui répond qu'il n'y a rien eu de spécial.

• À part deux ou trois loubards... précise un collègue.
• Tu veux parler des cinglés qui disent avoir été attaqués par des sauvages ? rigole l'intendant
• Oui ceux-là même qui disent que leur pote a eu la tête tranchée par une épée, poursuit l'agent
• Franchement ils auraient pu trouver une histoire qui tient mieux la route s'ils voulaient être crus, ajoute un autre policier.
• C'est pas tout, un de ces allumés a prétendu avoir grièvement blessé un sauvage avec son couteau à la Rambo ! se marre le garde .

Le commissaire qui allait rejoindre son bureau, lorsque les paroles de ses hommes l'interpellent :

• Vous dites que ces loubards disent avoir blessés des sauvages qui les ont attaqués avec une épée ?
• Des balivernes chef, des histoires pour se faire mousser, croyez-moi ces gars-là prennent tant de drogues qu'ils ont du mal à se souvenir de leur prénoms, alors...

Le commissaire ne répond rien et descend jusqu'aux cellules. Il trouve la cage des trois rigolos et les interroge à travers les barreaux :

• Alors comme ça vous avez soi-disant blessé un sauvage avec un couteau... ?
• Pas soi-disant M'sieur, pour de vrai ! Après que ces gorilles aient décapité mon pote, je me suis senti en rage et j'ai chopé un des leurs avec ma lame. Je lui ai transpercé l'épaule, il saignait comme un porc ce salaud... se gausse le métalleux.

La ferme ! ordonne le commissaire.

Il remonte dans son bureau et consulte un dossier puis redescend avec sous le bras :

• Vous reconnaissez ces têtes ? interroge le commissaire en montrant les photographies des Vikings.
• C'est lui, c'est l'fumier que j'ai saigné ! J'le reconnaîtrais même s'il était fringué classe, alors avec ses peaux de bêtes, y'a pas de doute, s'excite pieds clinquants.
• C'est le salopard qui a coupé la tête de Fred, j'oublierai jamais sa tronche d'assassin ! hurle caleçon rayé.
• Ouais c'est bien ces fils de pute qui nous ont attaqués alors qu'on lézardait peinard sur le boulevard, invente le dernier.

Le commissaire remonte à son bureau sous les imprécations des loubards :

• Ben quoi... vous allez pas nous laisser là, on est innocents, vous le savez maintenant crétins de flics, ça vous fait bander de nous faire chier !
• Je vous conseille de vous tenir à carreau, si vous voulez à nouveau respirer l'air pollué de notre belle cité, ironise le commissaire en poursuivant son ascension.

En passant le commissaire demande à ce qu'on lui apporte le couteau réquisitionné aux loubards la veille.

• Allo, ici le commissaire Manix, passez-moi le maire, c'est urgent ! Monsieur, ici Mannix, vous ne devinerez jamais ce que je viens d'apprendre...

* * *

Ce soir-là, il y a encore réunion de crise au pentagone. Le directeur apostrophe l'assemblée sans même prendre la peine de s’asseoir :

• Messieurs, je reviens d'une réunion à la Maison-Blanche, le Président se demande pourquoi nos services ont si peu de données et d'explications à lui fournir. J'attends des propositions ou des explications concrètes !
  

Un homme d'une soixantaine d'années, en uniforme avec des dizaines de médailles soulève péniblement son corps raidi par les ans et l'armée :

• Il est temps de frapper un grand coup. Je vous propose de déployer immédiatement la garde nationale à New-York pour détruire les terroristes.
  

La chargée d'affaire du département des sciences du comportement ne prend pas la peine de se lever, mais s'indigne ouvertement :

• La garde-nationale ? Je rêve ou vous proposez d'investir les rues de Manhattan avec des chars et des canons ! ?

Le Général s'offusque :

• Nos forces de police sont dépassées, c'est une situation de guerre, alors il est temps d'envoyer des militaires.

Le docteur Joseph à qui il ne manque que le nom du serviteur du Reich, propose tout bonnement :

• Peut-être qu'on pourrait lancer un gaz mortel sur ces Vikings ?

La jeune femme se tourne furieuse vers ce médecin sans foi ni loi :

• Vous n'y pensez pas docteur, cela risquerait d'atteindre la population.

Mais celui-ci ne s'alarme pas pour autant :

• Selon un rapport, si on parvient à jeter une bombe au milieu d'un groupe ennemi dans la ville, nous atteindrions au maximum 10% de morts parmi les habitants du quartier, ce serait encore acceptable...

Avant qu'on puisse lui répondre, le directeur reprend la parole :

• Nous verrons ces solutions en derniers recours s'il le faut. Autre chose, qu'en est-il de leur navire ?

Le chargé du F.B.I. n'en mène pas large :

• Aux dernières nouvelles, il est gardé par une troupe des leurs.

Le directeur sent que l'agent ne lui dit pas tout :

• Mais vos hommes le surveillent, n'est-ce pas ?

L'agent Victor sort un mouchoir de sa poche pour éponger sa sueur et répond soulagé :

• Oui bien sûr.
• Si on envoyait un drone le bombarder ? propose le général.

La jeune femme s'oppose à nouveau à l'homme de guerre :

• Encore la force ! Ça risque de toucher la population !

Le général conscient de la supériorité numérique masculine de la salle, se sent en confiance pour rétorquer :

• Pas dans cette partie de Manhattan. Et puis il faut bien agir !

Comme le supposait le général, le directeur prend le parti de l'attaque :

• On va envisager la chose alors... On a toujours les autres sous surveillance ?

Cette fois Victor se sent piteux et sue plus encore :

• Malheureusement on a perdu la trace d'un de leurs groupes dans le métro.

Le directeur est furieux et tance le pauvre agent :

• Quoi ! Mais comment peut-on perdre ce genre de personnages ?

La jeune femme trouve un terrain pour se mettre en avant :

• Le département des sciences nous fait savoir qu'ils ont contacté un célèbre historien qui confirme l'assertion comme quoi il s'agirait de vikings.

Un des chargés de la NASA plaisante :

• Les vikings à New York, voilà qui ferait un bon feuilleton !

Victor, le chargé du F.B.I., tente de se racheter :

• J'ai autre chose : les terroristes ont été aidé par un citoyen.
• Retrouvez moi ce traître ! hurle le directeur.

Le représentant de la C.I.A. étale des clichés sur la table :

• Une journaliste a pris ces clichés. Cet homme est un sans abri nommé Robert Melvin. Il est actuellement entre nos mains pour interrogatoire.
  

Le directeur jette un coup d’œil à sa rolex et propose :

• Très bien Messieurs – en oubliant la jeune femme - on se retrouve ici demain matin. Je veux avoir un rapport précis sur les révélations que pourra nous donner ce clochard. Général préparez les drones je vous aurai l'autorisation présidentielle dans une heure.
  
  
  * Tything : policier existant au temps du roi d'Angleterre Alfred le Grand à la fin du IXe siècle.