Chapitre IV (2/2)

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Il la salua, elle fit de même.

 Il ne savait pas vraiment où se mettre, il avait maintenant le sentiment d’envahir un instant privé, il se sentait de trop. Plutôt que de s’immiscer encore davantage avec ses paroles, il vint s’assoir en tailleur à ses côtés, la rejoignant dans son adoration de la ville. Ils regardaient en cœur les tours de métal blanc, les passerelles de verre, les voies aériennes, la végétation éparse… Le CEC faisait partit des piliers, les rares bâtiments qui montaient jusqu’au ciel artificiel et qui servaient à soutenir la Coupole. Ainsi postés à l’un des plus haut étages, le point de vue était magnifique. Les derniers rayons du jour avaient presque disparu, laissant la fausse Lune prendre le relais et les plantes bioluminescentes éclairer les rues. Le tout méritait d’être admiré… Cor choisit cet instant pour enfin commencer à parler :

« -Vous vous sentez prisonnière ? »

Elle hocha la tête.

« -Moi aussi. »

C’était à son tour de ne pas détourner le regard. Il la sentait qui le regardait, peut-être surprise, peut-être en colère, il n’en savait rien.

« -J’ai grandi sous cette Coupole, vous savez ? Je ne suis jamais sorti. Personne ne le peut. Quelques minutes dehors et c’est la mort assurée. Ma cage à moi est un peu plus grande que la vôtre mais… Vous, au moins, il y a longtemps, vous avez vu l’extérieur. Vous avez connu le sentiment de pouvoir marcher à la lumière du vrai Soleil, de sentir le vent sur votre visage, d’aller loin, de voir loin… Je n’ai vu que « ça » toute ma vie. Je n’aime pas ce paysage. »

C’était agréable de pouvoir se livrer comme cela, à une inconnue. Personne ne parlait de la Coupole comme d’une cage. Tout le monde en avait le sentiment, mais l’évoquer, c’était un véritable blasphème ! C’était leur sanctuaire, leur asile.

« -Dites-moi, comment c’était ? L’extérieur ? Est-ce que ça ressemblait vraiment à tous ces paysages verts dans vos livres ? Les arbres était-ils grands ? »

Il voulait savoir. Il posait la question. Il n’attendait pas vraiment de réponse…

« -Être beau avant. »

Et pourtant…

« -Beaucoup de vert et de bleu. Arbres grands. rivières, forêts, mer, ciel, nuage… Mais disparaître. »

Il l’écoutait avec attention. Elle semblait aussi détruite que lui.

« -Grand progrès, grand confort, mais vie mourir doucement. Un jour, plus de nourriture, plus d’eau, plus de place, plus d’air, trop chaud… Beaucoup malades. Grands Hommes en colère, et combats partout. Rivières, mer, ciel, forêts… Plus de bleu et de vert. Tout, tout gris. Beaucoup disparus, beaucoup morts. Mal à respirer. Beauté enfance partie.

-La Guerre ?

-Les guerres. Mais bêtise et pollution avant. »

La fameuse autodestruction de l’Homme. Leurs ancêtre avaient-ils donc été si stupides ? Au point de réagir si tard ? Et en se tapant dessus ?

« -Comment être ? Là, dehors ? »

C’était au tour de la jeune femme de poser ses questions apparemment.

« -Vous voulez dire la ville ?

-Non, dehors Coupole.

-Vous l’avez dit vous-même. L’air est pollué, l’eau contaminé. Les animaux ont évolué, la flore aussi, la vie s’est adaptée, pas nous. On ne résiste plus à l’environnement de dehors, ni à ses créatures. On peut sortir avec de grosses combinaisons équipées de filtres mais elles sont réservés aux militaires, qui savent se défendre contre l'extérieur. Ce sont eux qui ont trouvé votre container.

-Et comment Coupole construite ?

-De ce que l’on sait, c’était un projet de plusieurs pays. Ils en ont construits une dizaine avant la fin de la Guerre Nucléaire. Vous êtes à l’Allianz, notre voisine la plus proche est au sud, la Concordia. Les Hommes s’y sont réfugiés pendant le Grand Enfermement après la Guerre Nucléaire pour se protéger des radiations et n’ont plus jamais pu sortir. Vous ne saviez pas ? »

Elle répondit par la négative. Elle ne regardait plus la ville mais le plafond de la structure, le faux ciel, comme fascinée, intriguée par le miracle de métal qu’elle voyait.

« -Vous n’avez pas connu la construction des Coupoles ? »

Une nouvelle négation… Pourtant, elle avait connu la Guerre Nucléaire… Elle aurait dû être au courant d’un projet d’une telle ampleur, surtout pour l’époque ! Il n’osait pas vraiment lui poser la question, il rentrerait peut-être trop dans son histoire personnelle…

« -Moi tombée malade avant début Guerre… »

Il était pendu à ses lèvres, attendait chaque phrase comme l’assoiffée attend la pluie.

« -Pas vue la Guerre Nucléaire. Entendu parler. Enfermée tout le temps à cause maladie. Toujours avec personnes en blouse blanche, pas les aimer. »

Il n’aurait su dire si son uniforme, qui apparemment s’apparentait à celui d’individus qu’elle n’appréciait guère, pouvait expliquer la distance qu’elle mettait depuis le début entre sa propre personne et les professionnels. Entre elle, et lui notamment.

« -La mienne vous dérange ?

-Un peu. »

Il s’empressa de l’enlever. La tâche se révéla ardue car il s’était assis sur la longueur, il eut l’air d’un bel imbécile à se débattre dans sa manche. Ce petit spectacle amusa quelque peu Nona qui rigola doucement, charmée par l’accidentelle candeur et la gentillesse de l’homme. Quand le silence retomba entre eux deux, et le sérieux également, il décida d’aller droit au but.

« -Nona… Vous avez survécu cinq siècles dans un container… Sans boire, ni manger, sans oxygène non plus. Et vous êtes parfaitement remise après quelques semaines.

-Oui.

-J’aimerai pouvoir étudier vos cellules.

-Non. »

Le revoilà. Ce refus qu’il détestait tant ! Il se força à se détendre, sa fureur n’arrangerait rien. Il fallait qu’il se calme. Elle avait sûrement ses raisons.

« -Mes intentions ne sont pas mauvaise, si c’est le problème… J’aimerai juste trouver une solution pour que les Hommes puissent à nouveau vivre à l’extérieur et votre survie est un premier pas dans cette direction… Pouvoir se passer de nourriture, et d’eau…, il avait un air rêveur. Résistez-vous aux gaz ? Est-ce que vous êtes née comme ça ? D’autres personnes existent-elles comme vous ? »

Elle ne répondit pas à ces question. Il la regarda à nouveau. Le vide qui occupait ses yeux la dernière fois avait laissé sa place à une profonde mélancolie, une tristesse, une détresse. Elle s’était à nouveau enfermée dans un mutisme impénétrable…

« -Si je m’arrangeais pour vous permettre de sortir ? Vous pourriez répondre à mes questions et me laisser vous étudier ? »

Un geste presque imperceptible lui répondit. Elle était intriguée. Elle voulait vraiment sortir.

« -Sortir dehors de la coupole ?

-Euh, non. Dans la ville…

-Être possible voir dehors de la coupole ?

-Le voir ? Oui, ça doit être faisable, il y a quelques ouvertures sur l’extérieur… »

Après cela, de longues minutes s’écoulèrent, ce qui permit à la nuit de s’installer confortablement. Elle réfléchissait. Cor finit par supposer qu’il n’aurait pas ses réponses ce soir. Il avait au moins fait une proposition. Il lui laisserait le temps d'y réfléchir. Il se leva et s’apprêtait à partir.

« -D’accord. Vous pouvoir étudier cellules de moi, mais être tout. »

Il s’arrêta net !

« -C’est vrai ?

-Oui, et à condition que avant, vous me laisser sortir et voir le dehors. »

Il allait devoir en parler au Conseil. Mais ils avaient fait le premier pas. Aux autres de suivre !

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