Chapitre 3 - Week-end culturel et sensuel (1)
Vendredi 24 juillet 1964, école de Hinterhoden, Grindelwald
Le professeur Latte s’était levé avant six heures ce matin-là, il ne voulait manquer pour rien au monde la gymnastique naturiste dans le jardin de l’école. Franz ne l’avait malheureusement pas autorisé à prendre des photos afin de respecter la sphère privée des élèves. Le professeur ne comprenait pas qu’on pût être indifférent à l’intérêt scientifique des corps nus, il rêvait d’un monde futur où les photos des pénis de tous les hommes de la planète seraient stockés sur des ordinateurs et consultables sur des téléviseurs.
Franz avait tout de même retenu la proposition du Dr. Latte et il proposa aux étudiants de bander avant de débuter le premier exercice de gymnastique, tout en leur précisant que cela n’était pas obligatoire. La plupart se plièrent de bonne grâce à ce nouvel exercice, ils n’avaient plus de fausse pudeur et ils étaient assez fiers de leurs virilités triomphantes. Et pour les hétéros il y avait Vreni qui participait aussi et qui chuchota quelques appréciations à l’oreille de son petit ami Laurent. Le professeur regretta une fois de plus de ne pas pouvoir faire de photos. Il envia Koen qui côtoyait tous les jours ses camarades nus.
Le professeur assista ensuite à la toilette en face des lavabos, Franz lui avait expliqué que c’était pour économiser l’eau qu’il n’y avait pas deux douches par jour, il y avait eu une période de sécheresse. Le Dr. Latte ne put s’empêcher de donner des conseils sur l’hygiène du gland, en particulier chez ceux qui n’étaient pas circoncis. Il contrôla que tous se décalottassent pour se savonner.
— Il est vicieux ton professeur, dit Roberto à Koen pendant le petit déjeuner.
— Ce n’est pas mon professeur et il a raison, j’approuve sa démarche de vérifier l’hygiène intime des élèves.
— Tu ne penses pas qu’il est homosexuel et que ça l’excite de voir des jeunes hommes nus avec lesquels il ne peut plus coucher parce qu’il est trop vieux ?
— Je pense qu’il sait très bien distinguer le travail scientifique et sa vie privée. Il ne m’a fait aucune proposition déplacée.
— Tu aurais accepté de coucher avec lui pour que tu puisses faire un stage dans son université ? demanda Frédéric en riant.
— Seulement après t’en avoir parlé.
Frédéric se demanda si le professeur leur ferait des propositions déplacées lors du week-end et quelle serait sa réaction si c’était le cas.
À 16 heures, Koen, Frédéric et Stefan montèrent dans la voiture du professeur, une BMW 1800 bleue. Franz avait grommelé qu’ils étaient plus souvent en congé qu’au travail avec ces départs avancés le vendredi, de la jalousie de ne pas être invité avait pensé Koen qui s’était assis à l’avant.
Le temps était beau, pendant la première partie du trajet ils contemplèrent le paysage, longeant le lac de Brienz. Ils s’arrêtèrent au col du Brünig pour boire une boisson fraîche dans un café. Ils eurent la surprise d’y retrouver Peter, l’apprenti fromager qu’ils avaient rencontré deux semaines plus tôt dans le chalet d’alpage.
— Bonjour, dit le professeur, je pense que vous êtes Monsieur Kolb que je dois conduire à Kesswil.
— Bonjour, oui, c’est bien moi.
— Monsieur Kolb est chanteur et c’est à ce titre qu’il a été invité par Messieurs Graf & de Bruson.
— Nous avons eu l’occasion de l’entendre, c’était très émouvant, dit Frédéric.
— Et de nous branler avec lui, ajouta Koen.
— Le contraire m’aurait étonné, dit le Dr. Latte. Ah, la jeunesse insatiable ! Profitez, ce temps est court.
— Vos amis sont-ils les célèbres architectes ? demanda Frédéric.
— C’est exact. Les connaissez-vous ?
— Ce sont eux qui ont dessiné les nouveaux meubles de ma chambre. Mais comment ont-ils entendu parler de Peter ?
— C’est Monsieur Franz qui a fait la proposition de l’inviter.
Frédéric se dit que Franz devait aussi faire partie de ce cercle, Der Ring, et que c’est lui qui avait suggéré au professeur de l’inviter avec Koen. Cela pouvait être utile de faire connaissance avec l’héritier de celui qui tient les cordons de la bourse.
Ils repartirent, Frédéric était maintenant serré à l’arrière entre les deux apprentis, ce qui n’était pas pour lui déplaire car ils les trouvait mignons.
— Monsieur le professeur, dit Koen, pourriez-vous me parler de vos recherches sur l’orgasme ?
— Monsieur Grotelul, je vous propose de nous appeler par nos prénoms lorsque nous ne sommes pas en public, je m’appelle Friedrich Wilhelm.
— Enchanté, je suis Koen.
— Et vous aussi à l’arrière, nous pouvons nous appeler par nos prénoms. Vous verrez, l’atmosphère chez mes amis Graf & de Bruson sera très conviviale, ils ne tiennent pas compte de la situation sociale des invités. Pour en revenir à mes recherches, c’est assez simple, il s’agit d’observer des sujets soumis à une excitation sexuelle et de mesurer certains paramètres corporels, nous faisons un électroencéphalogramme, un électrocardiogramme et une pléthysmographie pénienne. Nous codons ensuite les résultats sur des cartes perforées afin de faire des statistiques sur un ordinateur IBM.
— Et comment obtenez-vous cette excitation sexuelle ?
— Par des moyens tout à fait naturels, le massage de diverses zones érogènes. Nous essayons plusieurs techniques sur le même sujet pour voir s’il réagit différemment.
— Autrement dit, vous branlez les sujets, dit Frédéric.
— Nous n’utilisons pas cette expression triviale pour nos études, mais on peut dire que c’est de cela qu’il s’agit.
Frédéric imagina Koen nu, jambes écartées, le corps bardé d’électrodes, se faisant branler par un étudiant qui s’applique tout en regardant les stylets des machines traçant des graphiques. Il sentit une pression dans son slip et posa machinalement sa main sur son sexe.
— Koen, ta discussion fait de l’effet à ton ami, dit Stefan en riant.
— Vous pouvez vous branler pendant que moi je parle de choses sérieuses avec Friedrich Wilhelm.
— On peut se branler ? s’étonna Frédéric. Chiche ! Je ne l’ai jamais fait en voiture, et vous ?
— Moi, jamais, dit Peter.
— Moi non plus, dit Stefan. Je ne l’ai même jamais fait avec quelqu’un d’autre.
— Même pas avec ton frère ? demanda Koen.
— Tu es bien curieux, je voulais dire en dehors de la famille.
— Ne fais pas attention, fit Frédéric, Koen est toujours très curieux. Je suis sûr qu’il nous matera si on se branle.
Le professeur regretta de ne pas pouvoir se retourner, mais il aurait l’occasion de les voir pendant le week-end, l’ambiance était toujours très sensuelle chez les architectes et peu ne se laissaient pas envoûter.
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