Chapitre 3 - Week-end culturel et sensuel (22)
Samedi 25 juillet 1964, maison Graf & de Bruson, Kesswil
Le sol du Temple de la Volupté était recouvert de parquet, avec quelques tapis beiges de part et d’autre des matelas. Krishna prit un linge éponge noir sur lequel était brodé le logo Graf & de Bruson en rouge et le posa à côté du lavabo qu’il remplit d’eau. Il invita Adso à poser ses pieds sur le linge et tendit une lavette assortie à Hyacinthe.
— Lave-lui d’abord les pieds, selon la tradition, puis le sexe et les fesses. C’est symbolique, autrefois on recevait ainsi les voyageurs qui avaient marché longtemps sur des routes poussiéreuses.
— On leur lavait aussi la queue ? s’étonna Stefan.
— On leur proposait un bain donné par une esclave aux lourds seins nus. J’ai adapté la tradition au lieu, il n’y a pas de baignoire.
— Et pas non plus d’esclave aux lourds seins nus.
— Tu es déçu ? demanda Hyacinthe.
— Ce sera plutôt ma mère qui sera déçue lorsqu’elle apprendra que les seins des filles ne me font pas bander. Elle imagine déjà mon mariage avec la fille des voisins.
Adso était maigre, il n’avait pas encore pris les mauvaises habitudes des moines qui compensaient les plaisirs interdits de la chair par ceux moins mortels de la chère, sa peau était pâle, il passait plus de temps dans l’Index de la bibliothèque que dans les jardins de l’abbaye. Il avait les cheveux châtain foncé. Il avait gardé son pendentif avec une croix de bois brun. Koen aurait estimé la longueur de son pénis surmonté d’une touffe bien fournie à 11 cm, le prépuce court ne recouvrait pas totalement le gland. Hyacinthe trempa la lavette dans le lavabo, l’enduisit de savon aux baies d’argousier et s’agenouilla devant le moinillon pour lui laver les pieds.
— Un prince qui me lave, fit Adso, je suis confus.
— Bah, le pape le fait aussi. Je suis un prince de seconde zone, ce n’est pas moi l’héritier.
Krishna tendit un linge à Hyacinthe et celui-ci sécha les pieds d’Adso. Il lui lava ensuite le sexe en l’effleurant après l’avoir décalotté. Le novice se retourna pour présenter ses fesses au prince.
— On ne fait pas de lavement… de l’intérieur ? demanda Stefan.
— Nous n’avons pas de toilettes ici, expliqua Krishna, tu en aimerais un ?
— Tu en as déjà eu ? s’étonna Peter.
— Souvent, quand j’étais constipé, fit l’apprenti cuisinier, ce ne sera pas nécessaire, c’était juste une question.
Ce fut ensuite Adso qui lava Hyacinthe. Il avait des gestes hésitants lorsqu’il arriva à la hauteur du pénis, il hésitait à le toucher. Le prince lui tendit la main pour l’aider à se lever et l’entoura de ses bras.
— Ça ne va pas ? demanda Hyacinthe, tu n’as pas l’air dans ton assiette.
— Si, ça va, je t’assure, c’est… c’est l’émotion.
Hyacinthe serra Adso contre lui et le serra très fort.
— Allez dans notre chambre, fit Peter, vous serez plus à l’aise qu’ici.
— Tu as raison, dit Hyacinthe, cela ne vous dérange pas ?
— Pas du tout, vous pouvez y rester toute la nuit, on dormira au Sensorium.
— Tu es d’accord Adso ou tu préférerais rester ici ?
— Je suis d’accord, mais je pense que mon émotion n’a rien à voir avec le lieu, ni avec la présence d’autres personnes.
Adso remit son pyjama, Hyacinthe son slip et sa robe de chambre. Pendant que Krishna les accompagnait dans la chambre, Peter dit à Stefan :
— Adso est très sensible.
— Mets-toi à sa place, faire sa première fois avec un prince, il est intimidé.
— Et en plus il n’aurait pas le droit d’avoir des relations avec un homme. J’aime mieux être protestant.
— Moi aussi. Ce sera déjà assez difficile de révéler notre homosexualité à notre entourage.
— Rien ne presse. Savourons l’instant présent.
Peter et Stefan échangèrent un long baiser jusqu’au retour de Krishna.
— Tu as mis les deux enfants au lit et tu les as bordés ? demanda Peter.
— Oui, je leur ai encore raconté un conte, le prince et le moine, ils se sont endormis tout de suite.
— Je ne te crois pas.
— Et vous, avez-vous fait le lavage rituel ?
— Je pense qu’on va passer directement à la suite, dit Stefan, nous ne sommes pas des intellos, on ne comprend pas trop les trucs ésotériques, sans vouloir te vexer.
— Tu ne me vexes pas, j’étais aussi impatient à votre âge et mon guru me remettait à l’ordre. Voulez-vous d’abord essayer les godes ?
Les deux amis se regardèrent, puis Stefan dit :
— Non, on va utiliser les organes que la nature nous a fournis. Nous t’écoutons, Maître Krishna. Enseigne-nous les mystères du Kāmasūtra !
Pendant ce temps, Adso et Hyacinthe étaient couchés sur leur lit, recouverts d’un drap malgré la chaleur.
— Tu n’es pas obligé de faire l’amour avec moi, dit Hyacinthe, je ne voudrais pas te causer des problèmes de conscience insurmontables.
— J’en ai trop envie pour refuser. Je suis ridicule, alors qu’ici tout le monde ne pense qu’au plaisir en cette nuit d’été.
— Tu n’es pas ridicule, au contraire, ne me cache pas tes émotions. J’ai été éduqué à contrôler les miennes et ce n’est pas mieux.
Adso enleva son pendentif avec la croix et le posa sur la table de nuit.
— Je me sens plus léger, dit-il. Dieu est amour et Il pardonne.
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