Chapitre 9 - Promotions (2)
Samedi 15 août 1964, école de Hinterhoden, Grindelwald
La cérémonie des promotions débutait à 16 heures. En attendant le début, la directrice conduisit les invités au nouveau Musée de Grindelwald pour une visite guidée. Daniel et Dominique s’y rendirent, accompagnés des parents de Frédéric. Pendant ce temps, les élèves aidèrent à préparer la salle de bal et les tables pour le repas à l’extérieur sur la terrasse.
Pendant que Koen répétait sa conférence, Yanis, un fleuriste, entra dans la salle et l’interrompit pour installer sur la scène quelques arrangements floraux que Franz avait commandés. Le jeune homme regarda avec étonnement l’écran sur lequel était projeté la photo d’un pénis en érection.
— Je ferai un exposé tout à l’heure pour les promotions, expliqua Koen.
— À ce sujet ?
— Je pouvais choisir librement le thème et c’est ma spécialité.
— Ça a l’air intéressant ce que vous racontez.
— Je vous invite à ma conférence si vous êtes libre après 16 heures.
— Oui, le magasin sera fermé.
— Je cherche aussi un volontaire pour une démonstration pratique.
— Vous pensez à moi ? Et que devrais-je faire ? demanda le fleuriste en riant.
— Juste baisser vos pantalons et votre slip pour que je puisse donner des explications en montrant votre pénis et vos bourses.
— Vous êtes culotté de me demander ça !
— Désolé, ce n’était qu’une proposition.
— Cela ne me dérangerait pas, mais…
Franz avait entendu la conversation et les interrompit :
— Ton exposé restera théorique, Koen, pas de strip-tease cet après-midi.
— Pourquoi pas ? Cela pourrait intéresser les spectatrices.
— La directrice ne veut pas, elle a aussi invité le maire et un journaliste de la Jungfrau Zeitung, il y a déjà assez de ragots dans le village au sujet des mœurs dissolues des élèves.
— Bon, je comprends. Je pourrais quand même inviter ce charmant jeune homme ?
— Bien sûr, mais je te préviens, Yanis, je ne donne pas cher de ta vertu si tu restes avec eux après le souper.
— Tu le connais ? demanda Koen à Franz.
— Tout le monde connaît Yanis, tu devrais lire plus souvent la Jungfrau Zeitung, il a gagné le premier prix au concours de gymnastique de l’Oberland bernois. Et c’est le fils du maire, je ne sais pas s’il aurait aimé se faire tripoter le zizi devant son papa.
— En effet, dit Yanis, cela m’aurait dérangé. Sinon j’ai l’habitude de me doucher à poil après les entraînements. Quant à ma vertu… Merci pour l’invitation, je prends le risque. Ce n’est en tout cas pas avec une fille que je vais perdre mon pucelage ici.
Yanis termina l’installation des arrangements et s’en alla. Frédéric dit à Koen :
— Tu dragues les villageois à présent. Veux-tu déjà me larguer ?
— Pas du tout, c’était juste pour voir sa queue, elle doit être assez grosse. Et je pense qu’il est homosexuel, tous les fleuristes le sont.
— Affirmation pas très scientifique, je ne te reconnais plus. En plus il est sportif et tout le monde sait qu’aucun sportif ne l’est.
— Je n’ai pas encore de statistiques à ce sujet, il faut bien commencer par un bout.
Lorsque tout fut prêt, Franz envoya les élèves se doucher, mettre un slip et une chemise propres, ainsi qu’une cravate aux couleurs de l’école, élément de l’uniforme qu’ils devraient porter à la rentrée. Le photographe qui accompagnait le journaliste de la Jungfrau Zeitung était déjà arrivé, il demanda s’il pouvait faire des photos des garçons sous la douche. Franz acquiesça, à la condition de les montrer de dos dans le journal. Le photographe prit surtout des clichés de face pour sa collection personnelle et le journal publia une photo du maire durant son allocution car il y avait des élections en automne.
La cérémonie se déroula selon le scénario prévu : discours de bienvenue de la directrice ; discours du maire pour faire la promotion touristique de la commune (il remit un dossier complet aux invités) ; intermèdes musicaux de Peter et Alexandre qui eurent beaucoup de succès, plus que Koen qui suscita plutôt des sourires avec son exposé (Koen pensa que c’était parce qu’il n’avait pas pu montrer la bite de Yanis au public) ; enfin remise des diplômes qui n’en étaient pas, c’étaient seulement des attestations de la participation aux cours d’été.
Il y eut quand même un imprévu, le père de Frédéric prit la parole pour parler de sa fondation qui œuvrait dans l’ombre pour soutenir les personnes en difficulté à cause de leur orientation sexuelle. Il rappela aux élèves qu’ils pouvaient contacter en tout temps Franz, même après leur départ de l’école, il pourrait les mettre en rapport avec des associations dans leurs pays respectifs.
La cérémonie fut suivie d’un apéritif, puis du souper, il y avait du rôti à la broche et les fameuses tartes aux pommes de Stefan pour le dessert. Vers 22 heures, le temps avait fraîchi. Les invités quittèrent l’école pour aller dormir dans leur hôtel ou rentrer chez eux, à l’exception de Daniel, Dominique et de l’invité surprise Yanis. Quelques élèves avaient prévu de terminer la soirée dans un club.
— Tu nous accompagnes ? demanda Torsten à Koen.
— Non, répondit-il, je dois terminer mon premier article pour le magazine [i]Der Ring[/i] au sujet de l’influence de la masturbation quotidienne sur la longueur des pénis chez les élèves des internats alpestres.
— Ouais, je comprends. Bon, on vous laisse. À demain.
Roberto, Matthis, Laurent, Vreni, Torsten et Kenneth s’en allèrent. Parmi les élèves, il restait Frédéric, Koen, Hiroshi, Laertes et Philippe, ceux qui étaient gays. Theo était rentré chez lui avec sa mère.
— Tu ne veux pas faire la fête le dernier soir ? s’étonna Frédéric. Tu auras toutes les vacances pour finir ton article.
— C’était une excuse, la vérité est que tu aurais gaspillé ton argent en m’offrant une bouteille de champagne hors de prix dans ce club juste pour voir une femme se déshabiller.
— Tu n’as pas tort. Franz, y a-t-il une boîte avec des hommes nus à Grindelwald ?
— Une boîte pour homosexuels ? Tu rêves ? Peut-être dans 100 ans. Vous devrez faire le boulot vous-même. D’ailleurs je crois que nos trois artistes Peter, Stefan et Alexandre ont une pièce comique à nous présenter.
— Et moi je pourrais terminer mon exposé avec Yanis, ajouta Koen.
— Suivez-moi, dit Franz, je vais vous monter un endroit de l’école que vous n’avez jamais vu.
NDT Jungfrau Zeitung : littéralement « le Journal de la Vierge ». Il s’agit ici de la montagne appelée Jungfrau.
Annotations