Chapitre 15 - Fin des vacances d’automne (1)

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Mercredi 7 octobre 1964, maison de Koen, Gouda

Le lendemain, les quatre étudiants de l’école Hinterhoden rentrèrent chez eux : Frédéric à Lausanne, les jumeaux à Duisburg. Koen, quant à lui, prit le train pour les Pays-Bas. Il dut changer à plusieurs reprises avant d’arriver à Gouda vers 18 heures.

Après le repas, il monta dans sa chambre et pria son frère Piet de le rejoindre, il lui demanda :

— Comment vont tes amours avec ta fiancée Greta ? Toujours amoureux ?

— Plus que jamais.

— Elle est en vacances ces jours ?

— Non, elle est ici, elle passera demain soir et tu la verras.

— Dommage, dit Koen, je pensais que tu serais en manque et que je pourrais…

— Non, c’est fini, je lui reste fidèle. Plus de touche-pipi entre nous.

— Dommage, j’aurais aimé te proposer quelque chose.

— Dis-moi quand même.

— J’aurais pu te faire découvrir une relation homosexuelle complète, avant que tu renonces à des expériences occasionnelles avec des hommes.

— Les seules que j’ai eues étaient avec toi. Désolé, c’est non, merci de me l’avoir proposé, dans d’autres circonstances j’aurais peut-être accepté.

— Je serai toujours à ta disposition si tu changes d’avis.

— Je n’en doute pas. Tu devras te branler seul ce soir.

Koen demanda ensuite à son frère :

— J’ai vu ce billet sur mon bureau, c’est ton écriture : « Rappeler Castor babillard », suivi d’un numéro.

— J’attendais un téléphone de Greta, c’est moi qui ai répondu. Tu as été aux scouts avec lui et il aimerait te parler.

— Tu sais pourquoi ?

— Non, je ne lui ai pas demandé. Je ne suis pas aussi curieux que toi, Yapok curieux.

Koen rappela immédiatement, Castor babillard ne pouvait rien raconter au téléphone car il n’était pas seul dans la pièce. Ils convinrent de se retrouver le lendemain pour une balade à vélo jusqu’à une petite auberge que Castor connaissait, il inviterait Koen à déjeuner.

Jeudi 8 octobre 1964, à vélo dans la campagne néerlandaise

Castor babillard vint chercher Koen chez lui, vers 10 heures. Grand amateur de vélo, il avait mis un maillot et un cuissard, il était plus petit et plus maigre que Koen, une apparence plus juvénile même s’ils avaient le même âge.

Ils roulèrent pendant près de deux heures, le temps était couvert et frais. Ils arrivèrent à l’auberge, fréquentée par des habitués qui travaillaient dans les environs. Il y avait aussi un groupe de retraités en goguette. Ils prirent le plat du jour, servi par la patronne qui leur offrit une eau-de-vie de genièvre avec le café. Koen demanda ensuite à l’ancien scout :

— Peux-tu me dire pourquoi tu désires me parler ?

Castor hésita et chuchota :

— Je n’aimerais pas le faire ici, il y a ces retraités à la table d’à côté et ils pourraient nous entendre. On pourrait sortir.

— Le temps se gâte, il va pleuvoir. J’ai une autre idée.

Koen appela la patronne et lui dit :

— Nous devons discuter d’affaires importantes, un contrat confidentiel,  et nous aimerions être seuls. Vous avez quelques chambres, pourrions-nous en prendre une pour quelques heures ?

— Oui, cela arrive parfois que des couples viennent dans mon auberge pour discuter d’affaires discrètement. Je préfère les louer pour la nuit, je ne voudrais qu’on prenne mon établissement pour un hôtel de… vous me comprenez. Mais je vous ferai un rabais.

La patronne cita un prix, Koen accepta. Elle alla chercher une fiche de police à remplir.

— Je suis obligée d’encaisser à l’avance, j’ai confiance en vous, mais j’ai déjà eu des mauvaises expériences.

— Je comprends.

Koen paya et Castor régla le repas. La patronne les conduisit dans leur chambre, c’était la plus grande car elle n’avait personne d’autre à cette saison, avec un petit salon et une salle de bain avec baignoire.

— C’est parfait, fit Koen.

— Alors, discutez bien de vos affaires. Vous pouvez aussi utiliser les lits, ajouta-t-elle avec un clin d’œil, c’est compris, même avec le rabais.

Elle les laissa seuls, ils s’assirent sur le canapé.

— Bonne idée pour le lit, je ferais bien une sieste après t’avoir parlé de mes soucis, fit Castor, j’ai mal dormi la nuit passée.

— Pourquoi ?

— Je me demandais si j’avais bien fait de te contacter. C’est un sujet assez délicat dont j’aimerais te parler et j’ai peur de te choquer.

— Me choquer ? Il en faudrait beaucoup. Et nous avons tout le temps, je vois qu’il pleut, nous rentrerons en train. Je t’écoute.

— Yapok curieux, lorsque je t’ai vu à la piscine cet été, tu m’as dit que tu voulais devenir médecin et que c’est pour cela que tu regardes les bites de manière très peu discrète.

— C’est exact. Je devine : tu as un souci avec la tienne et tu as peur d’en parler avec tes parents ou à un médecin, tu aimerais que je te donne des conseils.

— Non, je t’assure qu’elle fonctionne très bien, j'arrive à décalotter, aussi bien pour pisser que pour…

— Je pourrais quand même contrôler, c’est plus prudent, le cyclisme peut provoquer un hygroma ischiatique au niveau du périnée.

— Un quoi ?

— Un kyste, si tu préfères.

— Je ne savais pas. Laisse-moi d’abord te parler de mon problème.

Castor hésita avant de continuer :

— Tu avais un ami avec toi à la piscine.

— Oui, c’était Frédéric, mon compagnon de chambre en Suisse à l’école.

— Je me suis toujours demandé si on peut se branler ensemble dans les internats ou si on le fait en cachette sous les couvertures.

— On ne se cache pas, fit Koen en riant.

— Seulement se branler, ou plus ?

— C’était donc ça, je l’avais deviné : tu voulais me demander si je suis gay car tu penses l’être.

Castor poussa un soupir de soulagement :

— Tu as deviné, mais tu n’es pas obligé de me le dire pour toi.

— Oui, je le suis, mon ami Frédéric aussi. Tu sais, les homosexuels ont une sorte de radar qui leur permet de reconnaître entre eux.

— Que me conseilles-tu de faire ? Je ne suis pas encore très sûr de l’être. J’aime aussi mater les bites, plus discrètement que toi.

— Tu devrais essayer, cela ne t’engage pas.

— Plus facile à dire qu’à faire. Si je voulais essayer avec une femme, j’irais à Amsterdam et je trouverais des dizaines de prostituées qui m’attendraient les bras ouverts.

— Pas seulement les bras. Sais-tu qu’il y a aussi un bordel homosexuel sur une péniche ?

— Non, je ne le savais pas, dit Castor. Tu connais l’adresse ?

— Oui, je l’ai notée dans mon carnet. Je te la donnerai ce soir.

Koen donna encore des précisions sur le déroulement de la visite. Castor demanda :

— Tu y es allé avant de connaître ton ami ?

— Non, avec lui.

— Pourquoi aller au bordel ? Vous pouvez baiser gratuitement.

Koen expliqua leur conception de l’amour libre : faire des découvertes, ne pas être fidèles, mais toujours raconter à l’autre leurs aventures « extraconjugales ».

— Je te remercie infiniment, dit Castor, tu m’as beaucoup aidé, je vais commencer par aller dans ce bordel.

— De rien, c’est avec plaisir que j’essaie d’aider les autres.

— On pourrait faire la sieste maintenant.

— J’allais te le proposer.

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