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S’infiltrer dans la cité Malguareg malgré sa carrure et la présence de Fury à ses côtés avait été une chose facile pour Andreìs, la tempête de sable empêchant le commun des mortels d’y voir à plus d’un mètre. Les gardes avaient refermé les grandes portes avant de rejoindre leurs guérites, et il avait suffi au guerrier d’entrebâiller l’un des immenses pans de bois pour passer, le vent étouffant le grincement des gonds remplis de sable. Néanmoins, depuis son départ du véhicule accidenté, presque six heures de marche avaient été nécessaires pour arriver aux pieds du palais. Une fois devant l’édifice ressemblant aux légendaires palais des Mages Rhajads des Temps Obscurs, la Princesse Héritière lui avait donné un chemin d’accès dérobé qu’il emprunta avec son animal et se dirigea dans le palais avec une discrétion que leurs deux gabarits n’auraient jamais laissé deviner, jusqu’à ce qu’ils soient rendus dans la salle du trône dans laquelle ils pouvaient entendre Morad en pleine discussion agitée avec son héritière.
— Ma fille, je ne comprends pas ce revirement de situation. Un jour tu me harcèles jusqu’à obtenir mon accord, le lendemain tu le fais prisonnier pour le livrer aux Guerriers de Jade… Explique-moi…
— Père, cessez avec tout ceci, je vous prie…
— Mais pourquoi ? Voilà des jours que tu te mures dans ce silence… Pourquoi ?
Écartant légèrement la double porte de la salle, Andreìs observa le seigneur et sa fille.
— T’a-t-il fait souffrir ?
— Non, père…
— Mais alors quoi ?
— Il… Il m’a raconté son histoire… La Vérité, et non pas le Dogme des Guerriers de Jade auquel notre peuple refuse silencieusement de croire…
— Et qu’as-tu pu apprendre qui te terrasse à ce point ?
Voyant l’héritière souffrir de ne pouvoir répondre, Andreìs poussa l’immense double porte pour entrer.
— Elle a appris que vous aviez vu juste, je suis l’homme surnommé Rark le Rouge.
Les deux Malguaregs sursautèrent au son de cette voix regrettée et espérée, avant que les yeux d’Assya s’illuminent de mille feux en revoyant son amant tandis que son père se décomposait à la vue du Fenris. Criant son prénom, la princesse courut se blottir dans les bras d’Andreìs avant de l’embrasser fougueusement.
— Tu es revenu bien plus tôt que prévu, mon chéri.
— Cette tempête de sable était une aubaine. Je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité.
— Tu as pu faire ce que tu voulais ?
— Le Maître-Judiciaire doute. C’est à lui de faire le reste maintenant, et de se poser les bonnes questions…
Depuis le trône, Morad hurla une question.
— Quelle est cette créature ?
Fury venait de s’approcher de lui en remuant la queue, mais la carrure de l’animal n’inspirait pas la confiance au seigneur, aussi Andreìs clama-t-il de sa voix impérieuse.
— Fury, couché.
Le Fenris s’allongea immédiatement au pied de l’hôte, une lueur de malice dans les yeux et la queue fouettant toujours l’air tandis qu’Andreìs s’agenouillait à ses côtés pour le caresser.
— Morad, je vous présente Fury, un de mes plus fidèles compagnons.
— Mais quelle sorte de bête est-ce là ?
— Un Fenris déjà imposant qui a été Géno-modifié.
— Ce qui explique qu’il soit aussi gros qu’un muval…
— En effet. Mais vu comme il remue la queue, il vous aime bien, mon ami…
Peu confiant, le vieil homme tendit une main peu assurée vers le gros canidé qui le huma de sa grosse truffe avant d’y frotter sa tête.
— Il est gentil… Et doux…
— Tant qu’il ne se bat pas, c’est un amour.
— Et vu la taille de ses crocs, quand il se bat, ce doit être un massacre…
Andreìs afficha un sourire carnassier.
— Oui, et il aura bientôt l’occasion de recommencer. Assya, as-tu fait ce que je t’ai demandé ?
— Oui, mon amour.
— Parfait. Que la révolution commence.
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