Fin!
Dans son âme, il y a de l’art depuis toujours, ainsi que l’amour de la solitude et la créativité. L’écriture et ses portraits l’ont sauvé. Il fallait créer et exprimer le laid et indicible ; encore aujourd’hui cet acte est survie. Les émotions sont exposées, un truc de moins caché sous le tapis.
« Il y a encore eu la guerre, et au milieu des décombres...
Il y a encore eu la guerre et les gravats de la dernière jonchent encore le sol.
Et au milieu des décombres, il y a moi et notre enfant.
Il y a encore eu la guerre.
Ce ne sont pas les soldats les plus braves mais les femmes qui leur survivent.
Et au milieu des décombres, il y a toi, Sami
Je souhaite que ce bruit ne parvienne jamais à tes oreilles.”
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Et elle partit d'un fou rire fulgurant et intense devant l'absurdité de la situation.
Là, assise sur les marches, elle fixait la porte qui avait tout emporté : l'espoir que tout allait s'arranger, que la violence ne serait plus une lune de miel ; que ce n'était qu'un cauchemar. Elle allait se réveiller. Cette plaie qu'elle portait comme un sacerdoce avait servi à quelque chose. Tout était dit.
Dans un soupir et une profonde culpabilité, elle remercia le ciel de ne pas avoir enduré ce supplice pendant les deux ans promis.
Elle entreprit de rassembler les fêlures de son âme, de sa vie.
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Le cercueil passa la porte. Les souvenirs y entrèrent, les bons comme les mauvais ; et, bien souvent, ils se donnaient la main.
Lui il demeurait là, elle le sentait, tantôt bienveillant, tantôt menaçant. Son influence toujours là. Elle devait trier ce qui était à elle, ce qui était à lui ; dans chaque expérience, dans chaque geste.
Certains le pleurent : ils regrettent cet homme bon et avenant. Je souris. Personne ne souhaite cette vérité. Parfois, même pas moi.
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Il est beau dans son sommeil éternel. Son costume blanc en lin rappelle ce qu'il était pour moi sur un trottoir français, lorsque mes yeux ont attrapé les siens.
Il est en paix. Il n'a pas l'air d'avoir emporté son démon avec lui. J'espère juste qu'il ne me l'a pas laissé, caché sous un lit, tel un clown près à sortir de sa boîte.
Je suis assise dans ce silence de paix, dans ma solitude à apprivoiser, dans ce vide qu'il avait rempli.
Je pense souvent aux mensonges et aux promesses ; aux délires et à la rage qui l'emportaient parfois. J'ai arrêté d'essayer de donner du sens quand il a été impossible pour mes poumons de respirer.
Dès lors, il n'y avait plus que deux choix : vivre pour donner un sens au chemin parcouru, mourir et le retrouver.
Je sors avec Sami. Je regarde les familles, ce que je n'ai plus.
Mon cœur a idéalisé cette relation. Lorsque j'ajuste ma vue, je prends conscience que je ne l'ai jamais eu. Alors ma pire peur est de mourir seule, une fois de plus d'avoir donné à l'autre quelque chose que moi je n'aurais pas.
J'ai lu « La peur est une réaction ; le courage, une décision ». Ainsi, on me dit courageuse depuis qu'il n'est plus, sans savoir que cette force ne vient pas de cet évènement mais des années précédentes. Alors même que cette volonté n'est pas un choix, mais une obligation.
Je suis un marathonien proche de la ligne d'arrivée. Proche de tomber les genoux à terre, sans aucun autre choix que de passer cette ligne.
Je ramasse des fragments de moi-même. Je les rassemble quitte à ce qu’ils touchent de nouveau le sol un peu plus tard. Ce n’est pas grave : je suis un être en évolution.
Parfois, c’est douloureux ; parfois, c’est tellement beau et merveilleux. Tout est apprentissage : vivre, penser, aimer... Respirer.
C'est un fait : il y a eu du beau ; il y a eu du laid. Il faut penser en termes d’équilibre. Je sais qu’avec Lui n’y était pas. Je sais que seule, je n’y suis pas encore ; mais j’y chemine.
Parfois, cela prend l’apparence d’une adaptation difficile comme si j’enfilais des vêtements trop petits, conçus dans des matières douloureuses.
J’accepte la cassure, les fêlures, l’immense solitude laissées dans mon cœur et dans mon âme.
J’accepte les douleurs témoignant de cette histoire.
Elles sont ma page blanche, mon renouveau, ma renaissance.
Philosophiquement, le kintsugi "est l’acceptation de la cassure et de sa réparation comme faisant partie de l'histoire de l'objet ou de l’homme, plutôt que la dissimuler. *
Artistiquement, le kintsugi (ou jointure en or ») est une méthode japonaise consistant à réparer des porcelaines ou céramiques brisées grâce de la laque de poudre d'or.
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