Entendez-vous dans les campagnes ?
— Ils arrivent ! Ils arrivent !
Le cri se répandit dans le village plus rapidement que s’il avait été porté par le vent. Les soldats allemands avaient été vus sur la route qui menait au village par un gamin qui avait pris un sentier à travers les collines pour annoncer la nouvelle. Il ne s’arrêta de courir que lorsqu’il fut sur le parvis de l’église. Il tremblait de peur et d’excitation et posa ses mains sur ses genoux pour reprendre son souffle. Bientôt, les habitants s’approchèrent de plus en plus nombreux pour entendre de leurs propres oreilles ce qu’ils redoutaient maintenant depuis plusieurs jours.
Lorsque le territoire français avait été partagé en deux par la ligne de démarcation, après la défaite, ils avaient espéré que la guerre resterait loin de chez eux. Avec la Première Guerre, les villages de la région avaient perdu beaucoup de leurs hommes, mais l’occupant n’avait jamais franchi les portes de village. L’armistice que le maréchal Pétain avait signé avec Hitler leur avait donné l’illusion que la guerre les éviterait encore, même si elle emportait encore une fois, les jeunes gens du village dans son horrible sillage. Ce n’était pas qu’ils ne la connaissaient pas. Ils avaient vu ces milliers de réfugiés fuir l’Espagne et passer un terrible hiver dans des camps de fortune. Jusque-là, la guerre était comme une ombre terrifiante qui planait au-dessus d’eux, mais ce jour de novembre 1942, elle les prenait violemment à la gorge.
L’enfant avait repris son souffle et profitait de ces quelques secondes de gloire dont profitent les porteurs de nouvelles avant que l’on ne sache si elles sont bonnes ou mauvaises. Les gens s’approchaient de plus en plus nombreux. Une rumeur inquiète emplit l’air et le maire prit la place de l’enfant qui rejoignit ses copains sur un arbre, auréolé de sa participation à la marche de l’Histoire du village. Le maire tenta de calmer les angoisses par des paroles rassurantes sur Pétain qui finirent par une sorte de on verra bien quand ils seront là. Cela ressemblait pour beaucoup à un Nous paniquerons quand les Allemands seront là. Toutes les histoires sur l’exode racontées par des patients des sanas qui avaient vécu les affrontements et l’Occupation du Nord ressurgissaient avec plus de force et d’angoisse. Les mères rentrèrent dans leur maison en portant dans leurs bras les plus jeunes enfants. Les hommes se préparaient au pire et chassaient de la place les gamins dissipés qui voulaient voir les soldats avec un mélange d’admiration et de crainte.
Clément était dans les champs au pied du village près de la rivière quand il entendit la rumeur. Il aidait son père à couper du bois. Leur voisin, Marcel Bataille, qui possédait les champs un peu plus bas, leur apprit la nouvelle. Il se précipitait pour cacher ses vaches et ses chevaux qu’il craignait de voir voler par les soldats.
— Tu ferais bien de faire comme moi Jaume, lança-t-il. Ils ne te laisseront rien.
— Et où tu veux que je les mette mes vaches ? répondit Jaume Llondres, le père de Clément. Ils prendront ce qu’ils voudront prendre et tu n’y changeras rien. Qu’est-ce que tu crois ? Que tu pourras les garder dans les bois pendant l’hiver ?
— Ils seront peut-être partis quand le grand froid viendra, dit Marcel plus pour se rassurer que pour convaincre Jaume.
— Ils viennent juste d’arriver et ces gars-là viennent du Nord. Tu crois qu’ils ne connaissent pas le froid ? Rentre chez toi et prie le Ciel pour qu’il ne te laisse pas faire de bêtises. Ils te prendront une vache ou deux et peut-être un cheval, mais ils ne te prendront pas tout. Tout le monde à besoin de paysans pour cultiver la terre et s’occuper des animaux pour pouvoir manger. Les Allemands ne sont pas différents.
L’homme hésita un instant. Il savait bien que Llondres avait raison au fond. De toute façon, il n’avait pas le choix. Personne n’avait le choix.
— As-tu pensé à fuir toi ? demanda-t-il en repoussant sa casquette pour se gratter le haut du crâne. Il y en a dans le village qui disent que les nazis sont comme des animaux féroces qui tuent sans pitié et que nous devrions partir avant qu’il ne soit trop tard.
— Des paroles de bonnes femmes, c’est tout ! s’emporta Llondres. Et où tu veux aller ? En Espagne ? On a bien vu comment ça se passe là-bas quand ils ont tous quitté leur pays l’hiver 1939. Il n’y a rien de bon pour nous en Espagne. Ils crèvent de faim, ici au moins, j’ai ma terre.
— Beaucoup d’Espagnols sont rentrés. Ce n’est peut-être pas si terrible.
— Et bien, vas-y si tu veux ! Moi, je reste. C’est ici chez moi. Ma famille a toujours habité ici. Personne n’a pu nous faire partir. Ni les Français ni les Espagnols. Et ce ne sont pas les Allemands qui me feront fuir ! La Cerdagne, qu’elle soit sous la botte de la France ou de l’Allemagne, c’est la Cerdagne ! Je ne vais pas changer ma façon de vivre pour des étrangers. Je n’ai pas peur d’eux !
— Hé ho ! Jaume ! Tu ne me dis pas des choses comme ça à moi. Je suis d’ici moi aussi et j’ai juste dit ce que d’autres disent. Je n’ai pas envie de partir non plus ! Pour qui tu me prends ?
L’homme se redressa offensé, mais Llondres lui posa sa main sur l’épaule. Ils n’étaient pas en colère, ils se connaissaient trop bien. Vivre dans un petit village, c’est comme vivre dans une grande famille. On ne peut pas en choisir les membres, mais on apprend à vivre ensemble tout au long de sa vie. Ces deux-là s’appréciaient sans qu’ils aient besoin de se le dire.
— Et je le sais, Marcel, je le sais ! Toi et moi, on en a vu d’autres. C’est pas quelques boches qui vont nous faire peur.
Marcel hocha la tête sans répondre. Les guerres pouvaient lier les hommes d’un lien de sang bien plus fort que celui des ascendants.
— De toute façon, ils ne vont pas rester. Personne ne peut vivre loin de chez lui aussi longtemps. Ça ne durera pas. Ça ne peut pas durer.
— Que Dieu t’entende, Jaume, murmura Marcel. Que Dieu t’entende.
— Rentrons, maintenant. La nuit arrive bientôt.
Jaume pressa un peu plus fort l’épaule de son ami qui secoua la tête, résigné. Il trouvait que la nuit arrivait vite et elle lui semblait particulièrement noire ce soir-là.
Clément n’avait rien dit, écoutant les deux hommes en restant un peu à l’écart. L’arrivée des soldats ennemis était pour lui aussi passionnante qu’effrayante. Son cœur battait à un rythme hystérique dans sa poitrine. Il avait une furieuse envie de retrouver Jean et de partager cet instant avec lui. L’attitude passive de son père le dérangeait. Il aurait voulu l’entendre parler de lutte et de combat, mais c’était sa façon d’être. Il n’y avait que sa ferme qui comptait à ses yeux et toute sa vie était réglée par les quatre saisons et les animaux. Depuis que le frère de Clément, Albert, avait été mobilisé en 40 et était prisonnier quelque part en Allemagne, c’était pire. En plus de son indifférence à ce qui l’entourait, son père avait une colère froide qui le rongeait et le rendait amer. La défaite de l’armée française en quelques semaines avait traumatisé tous ceux qui croyaient encore en la victoire de la France. Lui n’y avait jamais crû. Quand son fils était parti confiant et enthousiaste en chantant la Marseillaise, il s’était emporté contre la vanité des hommes et leur passion pour la gloire. La gloire, disait-il, n’est qu’un leurre que les puissants agitent sous le nez des pauvres gens pour leur faire oublier leur misère. Jaume ne craignait pas d’annoncer au café du village que la guerre était perdue d’avance à cause de la bêtise des politiciens qui baissaient leur culotte devant une petite estafette sans envergure. Il pastichait volontiers le Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts en Nous perdrons parce que nous sommes les plus cons. Jaume avait été traité de défaitiste et de traitre plus d’une fois, mais il s’en moquait. Il ajoutait volontiers que les Allemands pouvaient bien prendre Paris, l’Alsace et la Lorraine, cela lui faisait autant d’effet que la vision d’une poire pourrie tombée de l’arbre. Ceux qui l’accusaient d’être un mauvais Français, évitaient de se souvenir de l’accueil en fanfare qu’ils lui avaient fait quand il était encore un héros des Dardanelles ou bien détournaient les yeux quand sa chemise découvrait les traces laissées par un obus sur sa peau brûlée. Puis, la France avait été envahie et Jaume n’avait plus rien dit et ne parlait jamais d’Albert.
Pour Josette, la mère de Clément, c’était différent. Elle avait adopté la figure de la piéta, la Vierge douloureuse. Elle pleurait et gémissait dès que quelqu’un lui en donnait l’occasion en lui parlant d’Albert ou bien elle traversait le village avec une expression d’une souffrance rentrée qu’elle espérait digne, mais assez ostensible pour inspirer la compassion et la curiosité des habitants du village. À peine Clément parlait de son frère ou osait mettre un vêtement qui lui avait appartenu, elle s’effondrait en larmes sur une chaise en invoquant Dieu et tous les saints de protéger son garçon en hurlant des Pourquoi lui ? C’était le meilleur des fils qui frappaient en plein cœur comme des reproches celui qui était resté. Clément vivait désormais avec le silence ombrageux de son père, les larmes de sa mère et le souvenir magnifié de son frère. Certains soirs, il espérait le retour d’Albert, d’autres il aurait simplement voulu mourir.
Jaume et Clément sortirent leur troupeau de vaches du champ où elles passaient la journée. L’heure de la traite était encore loin, mais ils étaient trop nerveux pour rester en dehors du village. Ils marchaient en silence en remontant la rue en terre. Même les bêtes semblaient sensibles à l’atmosphère de la journée et ne bronchaient pas. Quelque chose tendait l’air de la fin d’après-midi et tous les deux savaient très bien ce qui en était la cause.
Clément avait envie de voir Jean. C’était un besoin impérieux, mais il ne pourrait se libérer qu’après s’être occupé des vaches. Il se demandait ce que son ami pouvait bien faire. Le père de Jean, François Matoll, était un adjudant de la gendarmerie. C’était un homme autoritaire et exigeant avec son fils, mais il était aussi juste que sévère.
Il avait rencontré la mère de Jean, Alice, pendant le séjour de santé de sa tante dans un sanatorium. Alice travaillait à la pension de famille de sa mère, Joséphine Torrailles. Elle n’avait jamais pu se décider à quitter la pension et le village, alors François s’était toujours arrangé pour être dans un secteur le plus proche d’elle. Malgré les séparations, leur couple était solide et ils eurent trois enfants Judith, Jean et Valentine. Alice était une femme de caractère, mais elle était avec ses enfants une mère patiente et douce que Clément enviait à son ami. Dès qu’il avait fini son travail à la ferme ou chez madame Martí, il retrouvait Jean à la pension et Alice lui réservait toujours un morceau de pain avec de la confiture ou une part de gâteau.
Au début, l’amitié entre Jean et Clément paraissait un peu mystérieuse tant les deux garçons semblaient être différents, mais leur complicité était si évidente et naturelle que très vite, Clément fut considéré comme un membre de la famille. La sensibilité poétique de Clément s’épanouissait dans la chaleur de la cuisine de la pension encouragée par Valentine qui était la plus gaie et la plus spontanée des Matoll. Depuis le départ d’Albert, Clément trouvait là un refuge où l’on savait encore rire malgré des temps difficiles.
Jean et Clément avaient quinze ans lorsque la guerre avait éclaté. Ils ne se fréquentaient pas beaucoup à l’école pendant leurs jeunes années, mais adolescents ils étaient devenus inséparables. Jean était athlétique, très énergique et sportif, un peu casse-cou, mais il avait un tempérament rigide qu’il avait sûrement hérité de son père. Clément était plus menu et tête en l’air. Les copains de classe l’appelaient le poète ou l’artiste, car il avait toujours l’air de descendre du dernier nuage passé et il lisait beaucoup. En grandissant, la compétition virile entre garçons du village devenait agressive et les rapports de force étaient plus nombreux. Ils étaient comme de jeunes étalons cherchant à dominer un troupeau. Clément s’en moquait et restait un peu à part. Ses talents artistiques lui valurent bientôt l’amitié des filles qui lui demandaient son aide pour faire les décors de leur pièce de théâtre qu’elles organisaient pour les prisonniers de guerre. Jaloux, les autres garçons commencèrent de le prendre comme tête de Turc. Habitué aux travaux des champs, Clément était vigoureux malgré sa petite taille et son air fragile. Un jour que des garçons s’en prirent à lui et le menacèrent de le frapper, il les affronta vaillamment sans faiblir. Jean, indifférent jusqu’alors à Clément, donna du poing pour le défendre. Ils n’eurent pas le dessus et reçurent une belle raclée, mais ce fut la première chose qu’ils partagèrent. Jean enseigna à Clément les rudiments de combat que lui avait appris son père et Clément apprit à Jean à danser comme le lui avait appris madame Martí quand il avait fini de nettoyer le jardin de la propriété. Durant les bals des alentours, les deux amis avaient un succès grandissant auprès des jeunes filles et il ne fut pas rare que la soirée se termine par une bagarre provoquée par un cavalier un peu trop possessif. Mais, désormais, ils n’étaient plus les seuls à ressortir avec un œil poché ou les lèvres en sang.
Jaume laissa Clément filer plus tôt que celui-ci l’espérait. Il avait bien compris l’impatience de son fils de retrouver son ami et sa curiosité pour aller glaner des nouvelles. Jaume préférait rester seul de toute façon. Il aimait dans l’odeur de l’étable et le calme de ses vaches cette quiétude qu’il ne trouvait nulle part ailleurs. Clément arriva devant la pension en courant. Il s’arrêta tout net devant une voiture vert-de-gris à la croix noire et blanche peinte sur les côtés. Un soldat lui barra l’entrée de la pension. Il lui semblait immense avec son uniforme et ses grosses bottes noires. Il tenait fermement son arme sous le bras et son casque lui couvrait une partie du visage. Clément était pétrifié ne sachant quelle attitude adopter. Il eut envie de partir se cacher dans la grange de son père, mais il ne bougea pas. Il chercha du regard son ami parmi les gens rassemblés dans la salle du restaurant dont toutes les lumières avaient été allumées. Il sentit le froid lui mordre la nuque et il frissonna. Les pensionnaires avaient été réunis et un soldat contrôlait leurs papiers d’identité. Tous étaient debout, serrés les uns contre les autres. Une femme pleurait en silence, accrochée au bras de son mari. Face à eux, Clément vit enfin Alice et ses enfants. Valentine tenait la main de son frère qui, les mâchoires crispées et le regard dur, fixait les soldats. Elle avait les joues barbouillées de larmes, mais ne cherchait pas à les essuyer. Thérèse était avec sa mère, Henriette Patabès. Henriette était la femme de chambre de la pension depuis que son mari avait été tué à la guerre et qu’elle avait dû vendre la ferme. Thérèse se tordait les mains sur son tablier, collée contre sa mère qui n’exprimait plus rien depuis longtemps. Enfin, Judith, droite et fière derrière sa mère, toisait le soldat avec le mépris d’une princesse déchue. Elle restait impassible devant les soldats, trahie seulement par le tressaillement nerveux d’une veine sur son cou et sa pâleur extrême. Alice était devant comme pour protéger de son corps si besoin était, sa tribu. Elle vit Clément derrière le soldat qui gardait la porte et s‘adressa au sous-officier en le montrant du doigt.
— C’est Clément, un ami, lui dit-elle en détachant les syllabes. Il m’aide à la cuisine. C’est un enfant du village.
Le sergent, un homme à l’air sévère et froid, jaugea un instant Clément en le détaillant des pieds à la tête. L’adolescent se sentait aussi nu et fragile qu’un nourrisson. Il eut la terrible sensation que tout son avenir se jouait sur ce que cet homme allait penser de lui. Son cœur cessa de battre quelques secondes. Le sang qui coulait sous sa peau lui fit mal et son estomac se tordit d’un coup. Il essaya de garder une posture digne. Il ne voulait pas que Jean ait honte de lui. L’officier lui fit signe de la tête d’entrer sans lui prêter plus d’attention et Clément rejoignit son ami en se retenant pour ne pas courir. Une odeur forte de sueur et de peur étouffait l’air de la pièce. Les respirations étaient pénibles et saccadées, suspendues aux gestes de l’officier et des soldats en arme.
— Bien, annonça l’officier avec un fort accent germanique. Tout est en règle.
— Je vous l’ai dit, expliqua Alice sur un ton calme. Il n’y a ici que des clients de la pension dont les membres de la famille sont au sanatorium.
— Merci, Madame pour votre patience, répondit l’officier en la saluant. Le lieutenant Erhardt arrivera demain. Il restera ici le temps de soigner ces blessures.
— Très bien. Nous lui préparerons une chambre.
— Le capitaine Erhardt ne demande pas un traitement spécial, mais il logera avec son aide de camp le lieutenant Vogler.
— Il sera traité comme n’importe quel pensionnaire, répondit froidement Alice
— Madame, dit l’officier avec un petit sourire condescendant. Le capitaine Erhardt n’est pas un pensionnaire comme un autre. C’est un officier de la Wehrmacht.
— Soyez certain, Monsieur, que je ne l’oublierai pas.
— Je n’en doute pas, Madame.
Il sortit après avoir salué une dernière fois en claquant des talons, suivi par les soldats. L’air sembla se dilater d’un seul coup et chacun reprit une respiration normale. Alice se ressaisit rapidement et retrouva ses réflexes d’hôtesse. Elle envoya Judith et Valentine chercher des verres et de la liqueur alors qu’elle se précipitait vers madame Delmotte qui tournait de l’œil dans les bras de son neveu affolé. Henriette avait déjà retrouvé ses réflexes et entrainait sans ménagement Thérèse à sa suite pour préparer la chambre de l’officier allemand. Jean voulait dire quelque chose, mais le regard qu’Alice lui jeta l’en dissuada et il sortit de la pièce en frappant du poing sur le mur. Clément le suivit sans rien dire. Jean descendit les marches qui conduisaient au sous-sol où se trouvaient la réserve et la buanderie. Il sortit presque en courant dans la cour et se précipita vers une pile de bois coupé pour les flambées du soir. Clément ne disait toujours rien. Jean fendait des bûches avec une colère inouïe. Une fois que plusieurs morceaux s’accumulèrent sur le sol autour de lui, il resta les bras ballants, sans plus aucun geste. Un vent froid souleva quelques feuilles mortes autour de lui. Il tremblait violemment. Clément lui prit doucement la hache de la main et la posa loin de son ami. Puis, il le saisit par les épaules et l’attira à l’abri de la remise. Il le réchauffa en lui frottant doucement le dos.
— Les nazis s’installent chez moi et je ne peux rien faire contre, murmura Jean.
Il regardait son ami avec une telle intensité que Clément le serra contre lui avec force. Jean se laissa faire, le corps tremblant encore. Ils restèrent ainsi, collés l’un à l’autre, le temps que le froid et la nuit estompèrent leur désespoir. L’émotion et les larmes qui les unirent ce soir-là devaient nouer leurs destins de la plus inattendue des façons.
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