Chapitre n°7: Rentrons et parlons-en...
J’entends Arthur et Lucie discuter. Ils sont dans la cuisine, je peux les entrevoir depuis ma cachette. Me collant aux murs pour arriver au plus près des escaliers, je me rends compte que mes chaussures claquent sur le carrelage. Je les enlève à toute vitesse, on ne doit pas m’entendre. Personne ne doit savoir que je suis là avant de savoir ce qu’Eliott me cache au sujet d’Arthur. Je cours vers les escaliers, priant pour que les deux compères, rigolant aux éclats dans la salle d’à côté, ne me surprennent pas. Montant les escaliers deux à deux, je me dirige au fond du couloir une fois au sommet. Aucun signe de mouvement en bas, c’est bon signe jusque-là. Tout va bien. Je marque un arrêt devant la chambre d’Eliott qui d’ailleurs, ouvre la porte avant même que je toque. Il fait de gros yeux lorsqu’il me voit. Je crois que j’étais la dernière personne qu’il croyait voir devant sa chambre. Il m’attrape par les deux épaules et me fait entrer dans sa chambre, la fermant à clef derrière.
« Mais qu’est-ce que tu fabriques ? Comment t’es rentrée ? crie-t-il.
-Je suis rentrée par derrière, Lucie est ici aussi.
Il lâche un râle. Je ne saisis pas si c’est à cause de la présence de sa camarade de classe qui croit être en couple avec lui ou de moi.
-Vous êtes venues ensemble ?
-Non. On peut dire que je me suis invitée, j’esquisse un léger sourire prévu pour détendre l’atmosphère.
-Ca m’explique pas ce que tu fais là, revenant à son sujet initial.
-Je ne sais pas, avouais-je. J’ai eu une drôle d’impression. Mon instinct me disait de venir, je me sens concernée.
-Pourquoi ça ?
Pourquoi ça ? Peut-être parce que tu m’as fait une déclaration d’amour et que tu m’as embrassé !
-Par rapport à hier soir.
Hésitante, je commence à reculer. Je me tourne vers la porte.
-Je ferais mieux d’y aller, expliquais-je. Je me suis fait des films.
Je le sens venir se coller dans mon dos, son souffle chaud dans ma nuque contraste avec la froideur de la porte sur laquelle il me plaque maintenant.
-Tu doutes de ce que j’ai dit ?
Ce susurre, doux à mes oreilles et agressif à mon cerveau, me trouble davantage.
-Oui… soufflais-je. »
Me tenant par les hanches, Eliott me retourne face à lui pour m’embraser de son regard et colle ses lèvres aux miennes pour embraser ma bouche. La passion et la tension croissantes s’insinuent partout dans mes muscles, dans mes gestes. Il m’attrape par les cuisses pour me porter autour de ses hanches. En appui contre la porte, je sens mon corps s’électrifier au fur et à mesure de ses caresses et de ses baisers. Ses mains, courant de ma poitrine jusqu’à mes hanches me donnent l’impression d’être touché par un ange et les muscles de son dos sous mes doigts, tendus pour supporter mon poids, me semblent être des ailes prêtes à jaillir.
« Eliott ! Il y a Lucie en bas, tu viens ? gueule Arthur. »
Entre deux respirations saccadées, je vois les yeux d’Eliott briller en me regardant. Il peut me dévorer, ça m’est égal. Je le veux, tout entier. Là, maintenant. Il me pose au sol et m’embrasse délicatement sur la joue.
« Je ne sais pas encore comment je vais régler cette histoire, mais je le ferais. Je te le promets. »
Il sort et disparaît rejoindre Arthur et son invitée. Je ne sais pas ce que je dois faire, alors je vais l’attendre. J’en profite pour faire un tour dans la chambre d’Eliott. Tentant d’entrer un peu plus dans son monde, mieux le comprendre. En apprendre plus sur lui. Cartes postales d’Egypte, d’Angleterre, du Brésil. Il aime voyager. J’ouvre le placard où Eliott m’avait caché lors de ma première « visite ». Surprise est de constater qu’il y a énormément de chemises noires dans sa garde-robe, ce qui m’amuse quelque peu. C’est vrai que je ne l’ai vu que rarement autrement qu’en chemise. Son lit, fait au carré pour les draps mais agrémenté d’oreillers gris et noirs, respire son odeur. J’en fais le tour, laissant mes doigts glisser sur le tissu, pour arriver jusqu’à la fenêtre menant sur le devant de la maison. D’ailleurs, ce qui s’y déroule est intéressant. Arthur et Lucie semblent s’en aller. J’entends Eliott m’appeler d’en bas. Arthur, alias la menace, étant parti, je ne risque rien à descendre. Je m’élance alors dans le couloir, descends les escaliers.
« Etant donné que vous êtes entrée par effraction mademoiselle. Je n’ai d’autres choix que de vous raccompagner chez vous.
Eliott avait prononcé ces mots d’un ton très cérémonieux qui laissait apparaître un sourire au coin. Evidemment, je ne veux pas rentrer, pourtant il a raison. Je ne peux même pas prévenir mes parents de mon retard comme je n’ai plus de téléphone. Mes parents ! Ils sont probablement morts de peur à l’heure qu’il est.
-Tu as raison. Je dois rentrer. »
Je remets mes chaussures pour sortir, par la porte principale cette fois. Eliott allume la voiture et me ramène chez moi.
***
« Te rends-tu compte de l’heure qu’il est ? Pas moyen de te joindre ! L’école nous dit qu’il n’y a plus personne ! Tu étais où ? criais ma mère en marchant frénétiquement en rond.
-Je suis allée voir un ami qui n’est pas venu aujourd’hui. Je voulais savoir si tout allait bien…
Je ne fais pas la fière. Je sais que mes parents se sont inquiétés et que j’aurais dû être plus responsable.
-Et où est ton téléphone ? Les appels tu connais ?
-Désolée maman… Il est au bureau du directeur, dis-je en baissant la tête.
-Tout ce qui compte c’est qu’elle aille bien Murielle. »
Je remercie de tout cœur mon père pour son intervention. Il eut pour effet de calmer ma mère et je n’eus comme punition que d’aller aux heures de colle si j’en recevais. Mes parents sont des perles. Après un « va dans ta chambre. », très sec de la part de ma mère, je m’y suis pressée. Je n’ai peut-être pas mon téléphone, mais j’ai mon ordinateur portable. Voyons ce qu’on peut trouver. Le dos appuyé sur des coussins, eux-mêmes appuyés contre le mur, je fais défiler les pages internet avec comme recherche : Arthur Levigne. Beaucoup de choses sont apparues. Frédéric Levigne, divorcé de Constance Levigne, d’après la fiche Wikipédia, un grand business man. Ce qui expliquerait la maison. Mais aucune photo de lui ou d’Arthur sur aucune page ni sur une relation avec une Madame Sanchez, le nom de famille d’Eliott. Aucune chose sur un fils ou autre. Peut-être que c’est juste un hasard. Arthur, quel secret tu caches ?
Enfin la pause déjeunée ! Je meurs de faim. Tiens, Lucie est dans la file d’attente pour accéder à la cantine. Je m’empresse de la rejoindre et une fois à son côté, Arthur et Eliott apparaissent à côté d’elle. Je ne les aie vraiment pas vu ?
« Je sais que d’habitude, on mange ensemble le mardi midi mais ça ne te dérange pas deux personnes en plus ?
Lucie sourit de toutes ses dents, comme Arthur, visiblement ravit de ma présence alors qu’Eliott se trouve dans le même état que moi. Oui, je sens le désastre arriver.
-T’inquiète pas ! Mange avec eux, on peut manger un autre jour ensemble ! expliquais-je.
Ouf, apocalypse évitée.
-Ne dit pas de bêtise ! Allez viens ! dit-elle en m’attrapant par le bras au moment du mouvement de foule vers la cantine. »
Problème imminent ! Après avoir passé les cantinières et cantiniers, nous nous installons tous les quatre à une table. Lucie s’assoit à côté d’Arthur donc je m’assois à côté d’Eliott. Tentant d’avoir une conversation normale, on parle de tout et de rien, de la météo, des cours, des réformes, et encore des cours. C’est vrai que c’est le principal sujet de conversation des lycéens. Arthur ayant pris une option que je ne saurais pas vous citer, il doit y avoir beaucoup des produits dans des béchers et dans des fioles de toutes les couleurs, il part plus tôt pour ne pas être en retard. Nous retrouvant seuls tous les trois, l’atmosphère se fait tendu quand tout à coup.
« Du coup mon chéri ? On fait quelque chose ce week-end ? Tu n’as pas répondu à mon message hier après qu’Arthur m’ait ramenée chez moi.
-Comment ça « chéri » ? articula Eliott.
ALERTE !
-Heu. Je crois que je ne comprends pas. Tu me fais quoi là ? l’incompréhension liée d’agacement se fait sentir dans la voix de Lucie.
-Pourquoi tu m’appelles « chéri » ? On n’est pas ensemble je te signale.
Tu manques de tact Eliott… On avait dit du tact… Bon d’accord on ne l’a pas dit mais ça semblait logique !
-Pardon ? À la fête chez Tess tu m’as embrassé ! dit-elle montant le ton au beau milieu de la cantine.
-Il ne s’est jamais rien passé Lucie ! Tu étais ivre ! lança Eliott.
-Tu mens ! Je me souviens très bien de cette soirée !
Elle me regarde puis passe à Eliott, plus calme.
-On peut en discuter ce soir ? On réglera ce malentendu.
-Il n’y a rien à régler Lucie. On n’est pas ensemble.
-Alors… Tous ces messages c’était que du vent ? une larme coule sur sa joue. Diane, c’est vrai ?
-Ecoute Lucie… dis-je l’air affreusement coupable.
-Non… dit-elle en me coupant la parole. Tu m’as laissé croire alors que tu savais ?
Je ne pus m’empêcher d’attraper la main d’Eliott, qui fut surpris. J’ai besoin qu’il me soutienne parce que je sais très bien que Lucie est en train de souffrir, et c’est tout ce que je ne voulais pas. Je regarde à nouveau Lucie qui avait bien remarqué mon geste d’affection au garçon. Quelle poisse !
-Attends… T’as pas fait ça… accuse-t-elle.
-Lucie, ce n’est pas Diane, elle n’a rien demandé, c’est moi, tente d’expliquer Eliott.
Lucie est ma meilleure amie, la seule chose que je puisse faire maintenant c’est être honnête. Alors que le bruit de fond devient sourd à mes oreilles, des larmes coulent moi aussi sur mes joues.
-Tu es ma meilleure amie Lucie… Et je t’assure qu’il n’y aurait jamais rien n’eu avec Eliott si je n’avais pas su qu’il n’y avait rien entre vous deux. Je n’aurais pas pu te trahir à ce point…
-Tu es prête à me trahir un petit peu alors ? Je t’ai dit que j’avais des vues sur lui le jour de la rentrée ! Qu’il ne se soit prétendument rien passé quelque chose pendant cette fête ne change rien ! Tu n’aurais jamais dû !
-Si tu savais comme je suis désolée…
Je comprends que ce que j’ai fait n’est pas juste pour elle et que mes excuses ne valent peut-être plus rien pour elle…
-Rentrons et parlons-en… Comme avant… Lucie, viens on sèche et on va au café pour parler…
-Va te faire foutre Diane. »
Elle attrape son plateau et s’en va, claquant follement ses chaussures au sol. Affublée de tant d’émotion différente, je m’écroule sur Eliott en larmes. Est-ce que j’ai vraiment perdu ma meilleure amie ? Eliott m’étreint comme il peut, assis sur la chaise d’à côté. Il sait que je vais prendre mes distances avec lui, pour pouvoir reconstruire le lien avec Lucie, mais il sait aussi ô combien j’ai besoin de le sentir proche de moi. Il glisse alors sa tête près de mon oreille :
« J’attendrais. »
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