Chapitre n°12 : Il y a une première fois à tout
Eliott m’a appelé pour qu’on se voit ce week-end. Il dit qu’il n’y a personne chez lui et qu’on mérite de se retrouver tous les deux. J’ai eu beau essayer de le faire parler, il n’a rien divulgué d’intéressant. C’est vrai que, depuis que j’ai ouvert mon enquête sur Arthur, je suis beaucoup moins avec lui et nous poser tous les deux tranquillement serait une bonne idée pour nous retrouver. Nous n’avons pas été un couple depuis longtemps et je doute que depuis le début de notre relation, nous ayons fait autre chose que parler d’Arthur ou de Lucie. Cette soirée est à nous.
Eliott : Je vais cuisiner et tu n’auras qu’à mettre les pieds sous la table ! Viens pour 20H ?
Moi : J’ai déjà hâte ! A 20H !
On est samedi et il est déjà dix-huit heures trente. J’ai un peu de temps pour me préparer après avoir demandé à ma mère de m’emmener chez Eliott. Le fait que je ne sois pas allée au lycée le jour où j’ai vu Madame Madeleine était vite remonté à ses oreilles mais j’ai prétexté être malade et d’être rentrée seule. Elle est a suspecté un mensonge jusqu’à ce que j’attrape vraiment un rhume le lendemain matin ce qui m’a valu de rester deux jours de plus sans lycée. La nature fait bien les choses et maintenant que je suis retapée, je compte bien profiter pour aller voir mon petit ami.
Une fois de retour dans ma chambre, une mission de la plus haute importance doit être effectuée. Comment je vais m’habiller !? Ma penderie béante devant moi m’offre une tonne de possibilités et de combinaisons de couleurs et pourtant j’ai l’impression de n’avoir rien à me mettre. Le miroir intérieur à la porte de mon armoire me reflète de la tête aux pieds. Je sais. Je dois commencer par le commencement, et encore là je me rends compte que je panique. Je sais pas… Mon tiroir à sous-vêtements laisse apparaître des culottes que l’on appellerait « petit-bateau » si on utilisait encore l’expression ainsi que des ensembles que j’avoue n’avoir jamais porté de ma vie tellement j’ai l’impression d’être un filet de veau. Je pense être prête pour ma première fois. Avec Eliott, nous n’en n’avons encore aucunement parlé mais je pense être prête pour ça. J’aimerais que ce soit parfait. J’avais lu des témoignages quand j’étais plus jeune et je pense que c’est tout ce que j’aurais pas dû faire. Les filles y racontaient à quel point cela s’était mal passé, que s’était douloureux, qu’il y avait du sang partout et tout ça. J’en ai eu tellement peur que j’aie fini par en parler avec ma mère. Elle m’avait expliqué, parce que j’étais assez grande pour le comprendre, que nos corps sont tous différents et qu’on réagit tous différemment. Qu’il n’y a aucune première fois type et qu’il n’y a pas d’âge pour avoir sa première fois. Qu’il fallait juste se sentir prête pour ça et qu’on a toujours le droit de dire non. Mes parents ont toujours été très ouverts sur tous les sujets et je ne les remercierai jamais assez pour cette ouverture d’esprit qu’ils m’ont donné.
Alors, je choisis des sous-vêtements simples, dans lesquels je me sens à l’aise, avec une légère dentelle sur les bonnets. Reprenons alors pour la tenue. Je ne cherche pas quelque chose de provocateur ni de trop sexy. J’ai une jupe noir qui se marie très bien à un pull crème à col monté. Cela suffira, c’est élégant sans être trop aguicheur. Une fois habillée, je passe dans la salle de bain. Je discipline les quelques boucles blondes malformés par la nuit puis me maquille d’un somptueux très d’eye-liner. Rien ne sert de trop se maquiller, de toute façon les garçons ne voient souvent dans nos pires états. Mon maquillage réalisé, mes boucles dominées, et ma tenue enfilée, je rejoins ma mère au rez-de-chaussée qui joue sur un jeu mobile tandis que mon père regarde la télévision sur de drôle de personnes vivant dans les contrées sauvages d’Amérique. Cela me fait d’ailleurs rire, car j’y prends aussi goût à force d’entre des « Diane ! Viens voir comment il a attrapé le castor ! » ou encore « Il est fou de monter à cet arbre, le puma peut grimper ! ». Ce sont ce genre de phrases qui me rendent heureuse d’être sa fille.
« Tu es prête ma chérie ? dit ma mère en se retournant vers moi.
-Oui maman.
Elle me regarde avec des yeux ébahis et fait signe à mon père de me regarder. Il hoche la tête approbateur avant de me demander d’un geste de tourner sur moi-même ce que j’exécute.
-Tu es magnifique ma fille. Dit-il simplement.
-Ta première soirée en amoureux, roucoule ma mère. »
Elle se lève alors pour me faire un câlin avant d’aller enfiler une veste dans sa chambre tandis que j’enfile mes bottines.
Plus tard, soit exactement dix-neuf heures et cinquante-cinq minutes du soir, je sonne chez Eliott qui m’ouvre sans plus tarder. Son sourire illumine le crépuscule, le rendant d’une beauté lunaire. Il m’observe comme je l’observe, et je me souviens alors pourquoi je suis avec lui. Pour ce regard qui me rend forte et ce sourire qui exprime la joie. C’est ce qu’il m’apporte.
« Diane, tu es vraiment… il laissa sa phrase en suspens en me regardant des pieds à la tête.
-Merci. Tu es très beau aussi, dis-je en souriant un peu rougie.
Et il l’était. Il portait une belle chemise blanche repassée, ouverte sur les deux premiers boutons ainsi qu’un jean noir simple donnant l’effet élégant distingué des soirées chics. Il m’invite à entrer et passe sa main dans mon dos avant de fermer la porte après un signe à ma mère qui n’avait pas encore reprit la route.
Le claquement de la porte signifiait que l’on était seuls, et je ne sais pourquoi, mon cœur se mit à battre la chamade. C’est à partir de là qu’une délicieuse odeur de saumon me monte au nez. L’immense demeure était entièrement embaumée de ce doux fumet. Je me dirigeais donc vers la cuisine, comme attirée par la senteur de l’animal écaillé, quand soudain, Eliott se place devant moi pour me bloquer la route en criant presque essoufflé :
« Non ! C’est une surprise ! N’entre pas !
Je ne peux m’empêcher de rire puis reprend mon calme et m’incline distinctement avant de passer dans le salon.
-Désolé, c’est pas encore tout à fait prêt. Tu veux boire quelque chose ? Tu veux… Heu… Du champagne ? Oui, c’est bien du champagne. J’arrive ! »
Il repartit aussi vite qu’il était arrivé. Manifestement, Eliott est peut-être plus stressé que je ne le suis moi-même. Je pris quelques instants pour regarder autour de moi. Le jeune homme parsemé des bougies un peu partout dans le salon et dans la salle à manger. La lumière basse de la nuit maintenant tombée, était d’autant plus lumineuse par la présence de tant d’attention de la part du brun ténébreux. Il revient avec deux flûtes et une bouteille de champagne qu’il dépose sur la table basse du salon, là où je m’étais assise pour l’attendre. Je me lève et enlace mes bras autour de son cou.
« Je suis désolée de ne pas être aussi présente que ce qu’on aurait voulu. Ce sera bientôt fini.
-Je ne t’en veux pas Diane, il plonge ses yeux dans les miens, n’en parlons pas ce soir. C’est toi et moi. Tu as la permission de quelle heure ?
-Ils ne m’ont pas donné d’heure, souris-je.
-J’en suis comblé, dit-il avant de se décoller de moi et d’ouvrir le champagne pour en faire couler le nectar dans les flûtes, il m’en tendit une.
-Merci, à nous deux, dis-je en levant mon verre.
-A nous, renchérit-il en faisant tinter son verre contre le mien.
On boit quelques gorgées avant de se rassoir. Il me prend dans ses bras, apparemment ravi que nous soyons enfin tous les deux tranquillement à la maison. Après un quart d’heure et beaucoup de chips et gâteaux apéritifs en tout genre. Nous passons à table. Je m’assois dans la salle à manger digne d’un ministre et Eliott m’apporte un plan sentant divinement bon. Après plusieurs allers retours, il arrive enfin au bout de tout ce qu’il voulait apporter sur la table.
-Je ne savais pas que tu cuisinais !
Le saumon cuit au four me met déjà l’eau à la bouche. Dans un autre plat, se tient des pâtes mélangé à des légumes avec une petite odeur de sauce soja et le pain frais en bout de table me laisse supposer qu’il est allé le chercher le matin même ou dans l’après-midi.
-Tu t’es donné du mal, repris-je, c’est vraiment adorable.
Je l’embrasse sur la joue. Il s’assoit en face de moi et me fait signe de me servir. Je prends de tout. Tout à l’air délicieux !
-Je voulais me donner du mal. Ces derniers temps on ne s’est pas beaucoup vus, alors je voulais marquer le coup. Si on considère qu’on se connaît réellement depuis le mois d’octobre, et qu’on est déjà au mois de février, je pense qu’on mérite un vrai rendez-vous.
-C’est vrai que nous n’avons fait aucune sortie ensemble.
-Si ! Une fois, on était dans les bois et je t’ai porté puisque tu ne pouvais pas marcher. La première fois que je te prenais dans mes bras, dit-il en riant.
-Oh non me parle pas de cette expédition ratée, j’ai eu des béquilles pendant trois semaines ! Bien que j’avoue avoir particulièrement appréciée votre galanterie.
J’attaque alors mon assiette en commençant par le saumon. Il avait fait une petite sauce avec des fines herbes à tomber par terre qui était un mélange exquis avec le poisson.
-C’est divinement bon Eliott !
Les légumes fondent sous la langue et les pâtes sont justement cuites. Je reprends une gorgée de champagne avant de m’attarder de nouveau sur le jeune homme en face de moi.
-Merci d’avoir pensé à cette soirée en tout cas. Je découvre tes talents de cuisinier et franchement je ne le regrette pas !
-Je t’apprendrais peut-être si tu es sage ! s’exclame-t-il.
-Merci de cette amabilité, ris-je, je me souviens de la première fois que j’ai cuisinée. C’était infecte, mais mes parents étaient tellement fiers que j’ai voulu tout faire toute seule, qu’ils ont mangé toute leur assiette.
-C’est trop mignon, je me souviens plus de comment c’était la première fois que j’ai cuisiné. Mais je me souviens de la première fois que j’ai mangé du saumon au four et ça ! Miam ! »
Nous finissons le repas sur un gâteau au fruit, qu’il avoua avoir acheté, avant de me confesser être une brêle en pâtisserie.
Après ce repas, qui me laissa rassasiée au plus haut point, je m’aventure dans la serre à l’arrière de la maison par laquelle j’étais entrée par effraction la première fois. Eliott déposa tout la vaisselle sale dans le lave-vaisselle pour me retrouver dans cette jungle aménagée illuminée par la simple lueur de la lune. Il n’y avait pas mis de bougie. Un « vieux » canapé servait de point de repère au milieu de toute les plantes qui semblaient se mouvoir seulement par les ombres dansantes de la lumière nocturne. Je m’y assois, rejointe par le jeune homme. Je fixe quelques instants les parois vitrées puis le ciel étoilé qui me semble être infiniment vaste.
« Il m’arrive de regarder le ciel, et de me trouver petite dans l’univers. Je crois que chaque personne à sa place dans le monde et que chacun à quelque chose à accomplir dans sa vie s’il s’en donne les moyens. Mais quand je lève les yeux, je me sens petite. »
Eliott m’observait le temps que je parlais. Il n’avait pas détaché ses yeux de moi alors qu’il pouvait observer les étoiles. Rien ne semblait pouvoir le soustraire à son admiration. Je croise alors son regard tendre et y plonge mes yeux bleus. Je m’y perds quelques secondes, avant qu’il ne m’embrasse délicatement. Ses doigts caressent mes cheveux avant de se placer sur mes joues. Nos baisers deviennent plus lourds de sens lorsque nous nous allongeons sur le canapé. Lui au-dessus de moi, je sens une tension que je ressentais pour la seconde fois, monter entre nous. Je me souvins de comment, lorsque j’étais entrée sans autorisation dans la maison et dans sa chambre, nous avions fini par nous embrasser fougueusement contre la porte. Là c’est différemment, cela semble encore plus sincère. Il glisse une main derrière mon dos pour tirer la fermeture de ma robe, tandis que je défais un à un ses boutons de chemise. Son corps chaud contre le mien, dévêtu, m’empêche de ressentir le moindre frisson, si ce n’est d’excitation. Un instant je m’arrête dans tous mes gestes. Il me regarde, intrigué.
« Tu veux que j’arrête ?
-Non. C’est ma première fois. Je voulais que tu le saches.
-Si tu veux que j’arrête dis le moi. »
J’hoche la tête.
Il fut tendre et je me souviendrais toute ma vie de cette soirée, où entre les plantes et les rayons de la lune, j’eu ma première fois avec le garçon que j’aime.
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