Echange avec Maureen
Alors que nous dégustions nos thés, Maureen apparut. Mickaël se leva, déposa un léger baiser sur ses lèvres soyeuses et dit :
- Bon, je te laisse avec notre créatrice. J'ai à faire... Si j'arrive en retard, Sam va encore râler...
Elle sourit, me salua et s'assit à la place laissée vacante. Elle tenait elle aussi une tasse à la main, mais je devinais instantanément qu'elle ne buvait pas le même thé que moi.
- Lequel as-tu choisi, Maureen ?, demandai-je un rien curieuse.
- Harmonieux, répondit-elle. Il est agréable à toute heure et convenait bien à ce moment de partage, aussi. Et je sais que tu vas être curieuse, alors...
- Tu as besoin d'un petit soutien ?
- Un peu, répondit-elle amusée. Quelle est ta première question ?
Pour une Maureen soi-disant un peu intimidée, elle prenait quand même bien les devants.
- Ton nom.
- Maureen Graham.
- Tu n'ajoutes rien au bout, toi ?, fis-je, étonnée.
Elle rit :
- C'est pour le folklore... Cela amuse les enfants, même si Ewan est évidemment très fier de pouvoir porter un tel nom...
- Pourtant, tu y es pour quelque chose d'avoir pu ajouter cet autre patronyme à votre nom de famille, non ?
- Les enfants et Mummy ont eux aussi grandement participé. Sans oublier Ingrid, sans laquelle rien n'aurait été possible. Si elle n'avait pas gardé son nom de jeune fille après son mariage, nous n'aurions pas pu l'ajouter, ni même le compléter.
Sa modestie n'était pas légendaire. Je n'insistai pas et poursuivis :
- Quel est ton âge ?
- J'ai deux ans de moins que Mickaël.
Ah. Je vois qu'ils me font quelques cachotteries tous les deux...
- As-tu des pouvoirs ?
Elle me regarda avec étonnement.
- Je ne crois pas.
Moi, je savais bien que si. Celui d'instiller l'amour partout où elle allait. Mais elle n'accepterait sans doute pas que je le mentionne. Je me tus donc, respectant une fois de plus sa modestie.
- Peux-tu me parler de Mickaël ? Un peu ?
- Il est l'homme de ma vie.
Hum, belle harmonie entre ces deux-là. Je commençai à bien comprendre pourquoi elle avait choisi le thé Harmonieux. Mais elle fut plus diserte que lui :
- Il a changé ma vie. Lui a donné tant de couleurs. Il m'a apporté l'amour, la confiance, la sérénité. Des projets, des envies, du partage. Et ce plaisir de vivre au quotidien, d'apprécier la vie au quotidien. Mickaël sait enchanter chaque moment, il rend le monde beau et simple, aussi. Il voit la beauté dans un nuage, un arbre, une feuille, un souffle de vent, le chant d'un petit ruisseau. Et puis... Il m'a fait trois beaux enfants ! Ce sont mes trésors.
- Quelle est ta couleur préférée ?
- Le vert me vient en premier, naturellement. Comme ses yeux. Avec cette pointe bleutée que j'aime tant y voir. Mais j'aime aussi le mauve, la couleur de l'Ecosse. Et toutes les couleurs des saisons, ici : le blanc de la neige des sommets en hiver, le bleu froid du ciel. Au printemps, les dégradés de vert me font souvent monter les larmes aux yeux. L'été, c'est l'explosion : les bleus profonds du ciel et du loch, les gris-blancs des nuages, les verts plus soutenus des herbes et des arbres, de la forêt, et toutes les couleurs des fleurs. Quant à l'automne... Il nous offre la douceur de ses marrons, la flamboyance de ses jaunes, la tendresse de ses gris.
- Maintenant, parle-moi de ta meilleure amie ?
- Lawra ? Elle est plus qu'une amie, elle est une soeur. Je crois que je dis tout, ainsi.
Je hochai la tête. Il était des questions, pourtant simples, qui pouvaient s'avérer trop indiscrètes pour elle.
- Bien, et ton lieu de vie, peux-tu m'en parler aussi ?
- Je t'en dirai les mêmes choses que Mickaël. Si ce n'est que, la première fois que je suis venue ici, j'ai compris que nous y vivrions un jour. Il y a beaucoup d'endroits que Mickaël aime, beaucoup d'endroits qui lui "parlent". Mais ici... Ici sont ses racines. Ici, il peut créer, rêver, inventer, parfaire. Ici, nous sommes entre Terre et Mer, entre lochs et vallées.
- Aurais-tu aimé vivre ailleurs ?
- J'aurais pu vivre ailleurs, avec lui. Mais c'est ici que nous sommes heureux. Et que nous voyons grandir nos enfants. Et puis...
Elle eut un petit sourire :
- C'est quand même le plus bel endroit du monde. Il faudrait être difficile pour vouloir aller ailleurs.
- Même en hiver ? Quand les jours n'offrent que quelques heures d'une maigre lumière ? Que les tempêtes succèdent aux tempêtes ?
- Oui. Même en hiver.
Je marquai une courte pause, savourant encore une gorgée de thé. Mickaël avait choisi pour moi Chaleureux. Il savait bien que j'aimais les agrumes, ce coquin. Je repris :
- Aucune surprise, tu es en couple...
- Oui...
- Mais parle-moi de ta famille ?
Son visage se ferma un instant, son regard se voila d'une touche sombre, un mélange de tristesse et de mélancolie, avant qu'elle ne s'illumine à nouveau :
- Ma famille, c'est celle que nous avons, Mickaël et moi. Et la personne la plus importante, la clé de voûte de cette famille, c'est Mummy. Elle est, avec Mickaël, la personne la plus attachante et la plus extraordinaire que j'ai rencontrée. Nous lui sommes tous très attachés, et les enfants tout autant que nous. Mais elle se repose, là... Elle viendra peut-être te voir tout à l'heure.
- Ce serait un moment agréable, répondis-je.
Et je m'abstins de lui poser la dernière question : il était impossible que Maureen ait des ennemis. Mais je reconnaissais beaucoup de curiosité et un zeste d'impatience à rencontrer, peut-être, tout à l'heure, Mummy.
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