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« La romantisation de la quarantaine est un privilège de classe. » Cette photo a été prise il y a quelques jours par un Barcelonais, Jay Barros. Elle vit désormais sa vie sur les réseaux sociaux. Et elle permet de réfléchir à ce qu’est la réalité du confinement en fonction des vies de chacune et chacun.
La Fontaine disait : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. » Et sur cette histoire de peste, il brodait avec le talent qu’on lui connait sur les inégalités de classe qui existent dans la société.
Aujourd’hui, en temps de pandémie, on pourrait raconter une autre histoire, celle d’un fléau qui toucherait tout le monde, mais de façon inégale. Aujourd’hui, la Mort semble avoir ôté son bandeau. Il choisit ses victimes et épargne celles qui ont de quoi le soudoyer. Dès lors, les pauvres meurent en masse pour sauver les plus riches. Ils travaillent dans des hôpitaux, dans des usines, dans des supermarchés ou d’autres repaires où les pauvres pullulent et grouillent. Leurs maitres ne les voient même plus, habitant à des centaines de kilomètres qu’une chaine de servitude suffit à franchir. Et en ces temps de peste, ils ont fui encore plus loin, allant menacer la vie provinciale pour préserver encore un peu plus leurs confort. Les maitres mourront aussi, mais moins nombreux et moins vite.
Et, comble de l’ironie, ils les enjoignent à utiliser ce temps libre (car ils ne peuvent pas imaginer que ce temps ne puisse pas l’être) pour que ces « salauds de pauvres » se cultivent et en profitent pour améliorer leur condition de vie.
Je sais que ma situation est une chance, en temps normal. Et la crise sanitaire que nous vivons n’est pas l’occasion de rééquilibrer les balances : pour l’instant, rien n’a changé. Le système est toujours aussi corrompu. Il est toujours aussi obscène. On demande à des sans-abris de respecter un confinement impossible pour eux. On leur demande de disparaître, on cache la poussière sous le tapis. Mais il ne s’agit pas de poussière, il s’agit d’êtres humains. La violence des contrôles en France se fait toujours en fonction de la couleur de peau des contrôlés. Les hôpitaux sont obligés de demander l’aumône pour avoir la garantie d’avoir l’infrastructure nécessaire à la survie de leurs patients.
Ces jours-ci plus que jamais, il nous faudrait cultiver notre jardin. Avec ces mots, Voltaire nous invitait à nous retirer du monde pour être heureux, à se plonger dans une activité productive, mais loin de la laideur du monde. C’est le conseil d’un homme misanthrope. Laissons, au contraire, nos jardins en friche et voyons ce qui y pousse. Soyons improductifs et voyons ce qui émergera de cette improductivité. Qui sait, peut-être que de ce chaos naitront des choses inédites et merveilleuses. Je l’ai dit : il faut que ce confinement soit à la source d’une réflexion, sur nous-même mais aussi sur le monde.
Et surtout, cultivons notre rage, pour qu’elle puisse exploser à la gueule de nos représentants et de ceux qui leur donnent, tacitement, des ordres. Lorsque nous sortirons de nos murs, il faudra que la joie soit mêlée de colère, afin de faire trembler les murs de ceux qui se croyaient à l’abri des leurs. Notre fureur sera alors une nouvelle peste qui, cette fois, touchera surtout les dominants !
À tous ceux que le système n’a pas encore libéré : gardez espoir, ce jour viendra.
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