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Nous ne sommes pas en guerre, n’en déplaise à certains.
Malgré tout, la situation que nous vivons ressemble beaucoup à une guerre. Nous sommes enfermés, nous sommes seuls, nous avons peur. La société se fracture, chacun essaie de profiter du chaos pour faire avancer sa cause : les uns tentent de supprimer le code du travail, les autres essaient de lancer le « grand soir ». C’est de bonne guerre, après tout.
C’est que cette privation de liberté, on ne la réservait jusqu’à présent qu’à un certain type d’individus : les prisonniers. Aujourd’hui, nous sommes tous prisonniers sans être coupables d’autre chose que de la négligence de nos représentants. Il y a de quoi avoir un goût amer d’injustice en bouche.
Nous sommes ces prisonniers d’une guerre qui n’existe que dans la tête de certains mégalomanes avides de pouvoir. Et pour nous, c’est une épreuve difficile. Nous n’avons en effet jamais connu la vraie guerre (sauf rares exceptions en voie de disparition). Cette guerre faite de sang et de larmes, nous en avons toujours été éloignés. Nous ne l’avons vue qu’à travers des écrans, elle nous a toujours semblé lointaine et intangible. Et tout à coup, nous voici plongés dans l’angoisse et l’insécurité, avec un ennemi qui, nous dit-on n’est nulle part et partout à la fois.
Qui plus est, des dizaines d’années d’une gestion libérale ont infantilisé leurs populations à l’extrême. Cette doctrine, censée mettre l’accent sur les libertés individuelles, se retrouve finalement à traiter la majorité des êtres humains comme s’ils étaient incapables d’agir librement. Nos gouvernements ont retardé l’annonce le plus possible « car cela aurait pu créer un mouvement de panique ». Et pour les mêmes raisons, le confinement pourrait durer quelques semaines de plus que ce qui est annoncé pour l’instant.
Le corollaire de tout cela, c’est que ces décisions nous plongent dans l’angoisse et dans l’incertitude. Nous revoici dans les mêmes dispositions mentales que ce poilu perdu dans les tranchées, sans comprendre ce qu’il y foutait, envoyé à la mort par quelques personnes qui ne s’approcheraient jamais à moins d’une centaine de kilomètres d’un champ de bataille.
Si les journaux intimes (ou extimes : autres temps, autres mœurs) fleurissent, en cette période troublée, c’est pour les mêmes raisons que les soldats prenaient la plume en ces mêmes moments : avoir prise sur le réel qui semble se diluer dans l’absurdité totale, témoigner des événements afin de mieux les comprendre et en rendre compte au monde.
Nous ne sommes pas en guerre, et pourtant nous avons l’impression d’en ressentir les effets néfastes. Aucun fusil ne nous sauvera, aucun obus n’éclatera, et pourtant nous vivons au quotidien dans la peur du lendemain.
Il n’y a plus qu’à espérer qu’après cette épreuve, nous ferons comme toutes les populations lors des libérations : punir les coupables et construire un monde dans lequel les enfants n’auront pas à vivre ce que nous aurons vécu.
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