#10
En ces jours difficiles, je me raccroche à ce que je peux pour maintenir mon moral à flot. Je me réjouis, par exemple, de ne pas être français ou anglais. Les premiers sont désormais dirigés par un gouvernement schizophrénique, soufflant le chaud et le froid, pris en plein dans ses contradictions. Les seconds doivent subir l’égo surdimensionné d’un homme prêt à croire à ses propres mensonges plutôt qu’admettre qu’il s’est un jour trompé. Par rapport à cela, la Belgique semble bien s’en sortir. Bien sûr, notre ministre n’a pas pris toute la mesure de ce qu’allait être cette pandémie. Mais il semblerait que ce soit un trait commun à la fonction. Après tout, cette histoire a commencé avec un ministre chinois de la Santé dans le déni face à des médecins qui lançaient l’alerte d’une épidémie imminente.
Il n’existe peut-être pas de bonne réaction lorsqu’une telle catastrophe a lieu. Après tout, il s’agit ici de prendre des décisions que personne ne devrait jamais prendre : un pouvoir sur la vie et la mort de milliers de personnes. Les représentants politiques n’ont, en outre, pas plus de connaissance que tout un chacun. Il y a tellement de paramètres en jeu qu’il faut avoir étudié le sujet une vie entière afin de commencer à en comprendre quelque chose. Et même ainsi, l’expertise tient plus de l’art que de la science.
Malheureusement, il est acquis que celles et ceux qui détiennent l’autorité et le pouvoir dans nos régions doivent se vêtir de leurs plus beaux atours. Il faut qu’ils correspondent à l’idéal bourgeois du « dirigeant ». J’essaie d’éviter d’utiliser ce mot, personnellement. Je préfère le terme « représentant ». Quand je vote lors d’une élection, je ne suis pas là pour me choisir mes nouveaux maitres, mais pour trouver celui qui correspond le plus à mes valeurs. Je veux élire quelqu’un qui me représente, mais qui représente également le monde que je désire voir advenir.
Je ne suis sans doute pas le seul dans ce cas-là. Pourtant, par la magie d’une foule de paramètres complexes qui composent notre société, nous nous retrouvons avec des représentants qui ressemblent au monde dans lequel nous vivons, plutôt qu’à celui dans lequel nous voudrions vivre. Et cette société est avant toute chose basée sur la mauvaise foi, refusant de voir la réalité telle qu’elle est plutôt que de se réformer. Depuis presque deux siècles, cette grande machine ignore le coût en vie humaine de son fonctionnement, ignore ses erreurs fondamentales, persiste dans son approche pétée de l’économie, etc.
De plus, toute cette société est hiérarchisée, centrée autour de la figure de l’homme blanc en fin de vie (qui a donc forcément acquis connaissances et sagesse). C’est lui qui détient le pouvoir et l’autorité pour le faire respecter. La société libérale ressemble à un vieil homme : il a peur de l’étranger, peur de l’inconnu, peur de la jeunesse. Et il est prêt à tout pour maintenir son pouvoir. Sil faut mentir, pas de problème. S’il faut se mentir, encore moins de problème. Et si ses décisions entrainent l’ensemble de l’humanité à sa perte, qu’importe, tant que c’est lui qui dirige le navire en train de sombrer.
Le jour où nous élirons des représentants capables d’admettre leurs erreurs autrement que dans un savant calcul politique, nous serons sur la bonne voie. Ce jour-là, nous arrêterons peut-être de les voir comme des super-héros, infaillibles et indestructibles. Par là même, nous leur enlèverons cette pression qui pèse toujours sur leurs épaules, de ne jamais pouvoir échouer, de devoir sauver les apparences, quitte à sacrifier des vies.
Ce n’est pas la première fois que le système libéral échoue, depuis qu’il est aux commandes. Mais c’est la première fois qu’il échoue avec tant de fracas, sans même se l’avouer. Il git au sol, en position latérale de sécurité, et malgré tout se permet encore de donner des ordres. La situation serait comique si elle n’était pas dramatique. À force de chercher à conserver à tout prix une image de contrôle absolu, nos représentants nous prouvent qu’ils en sont au même point que nous : ils ne savent pas ce qui se passe, n’ont de contrôle sur rien, paniquent, pleurent même probablement quand ils sont seuls dans leur lit.
Ils ne valent pas mieux que nous, c’est ce que la situation nous aura prouvé. Dès lors, rien ne nous empêchera, une fois la crise passée, de mettre un point d’arrêt à cette mascarade et de proposer un nouveau modèle de société, dans lequel les représentants seraient de simples citoyens faisant de leur mieux pour prendre les meilleures décisions possibles dans un monde en mouvement incessant.
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