Le rideau de la douche était couvert de fleurs bleues. Ce détail anodin m'avait sauté à la figure, telle la touche d'ordinaire et de familier au milieu d'un spectacle inimaginable. En effet, dans ma salle de bain transformée en un cirque phantasmagorique, ce rideau était le détail le plus normal. Un squelette, dansant une sorte de gigue, la machoire claquant sur un rythme effréné, était debout dans ma baignoire. Il portait un chapeau noir en feutre, des bagues en or sur chacun des doigts, un pantalon rouge et des bottes en cuir. Une fée voletait de-ci de-là, microscopique point lumineux. Elle portait un drapeau du Brésil, et semblait jurer dans un charabia incompréhensible. Soudain, le squelette se figea. Il fouilla dans sa poche gauche, puis dans sa poche droite. Il tendit un doigt, comme s'il avait une révélation, ôta son chapeau, plongea son bras jusqu'à l'épaule à l'intérieur, et en sortit un calice doré. Il me le tendit, me mimant de boire. Intrigué, je me penchai pour regarder le contenu. Un liquide tranparent tournoyait à l'intérieur, légèrement mordoré. Je relevai la tête. La fée continuait à voler en zig-zag. Je la prenait presque en pitié. Être si fragile. Je retournai mon attention sur le squelette. Il me tendait toujours le calice. Je fis demi-tour, et sortit de la salle de bain. Je fermai la porte, et la rouvris. Le squelette et la fée avaient disparu. Je souris. Ils reviendraient, très probablement. Oserais-je à ce moment-là boire le calice?