Jari disparut aux yeux de tous pendant près d'un an. Un an sans le moindre petit indice de ses mouvements.

En revanche, son retour sur le devant de la scène galactique fut pour le moins spectaculaire. Certains diraient retentissant. Fracassant serait probablement plus correct.

Il réapparut au beau milieu du système numéro 10.

De deux choses l'une : soit vous savez ce qu'est le système 10 et je vous laisse quelques minutes pour vous en remettre, soit votre manque d'éducation me laisse pantois, et je m'accorde ces quelques minutes, pendant lesquelles vous pouvez toujours lire la plaquette d'information rédigée par un de mes stagiaires dont le nom m'échappe, certainement à cause de la brièveté de sa carrière.

Plaquette d'Information Système

- Numéro : 10

- Position (approximative) : sur les bords

- Allégeance : Gromov

- Planètes significatives : Wrak (monde d'origine des Gromov), Wrul (planète industrielle majeure)

- Vaisseaux et unités militaires stationnés dans le système : nombreux, lourdement armés, gros, pas très beaux, pas le genre à attirer les touristes (dans tous les cas, moi, je n'y mettrais pas les pieds !)

- État d'esprit de ces unités : prêtes à faire feu au moindre mouvement louche (ajouter passablement énervées ? Pas sûr, je surinterprète peut-être trop subjectivement les signes. Je dois faire gaffe à ce que je dis si je veux valider mon stage)

- Niveau de dangerosité global : (très) élevé.

Bien, reprenons.

Jari se retrouva donc avec son croiseur de l'Union des Humains au beau milieu de nombreux vaisseaux de guerre Gromov. Pour mémoire (car il est permis de douter de la mémoire de qui ressent le besoin de lire ce type de plaquettes), les Gromov se sont recroquevillés sur quelques systèmes, ruminant leur défaite et les coups fourrés dont les plus difficiles à avaler avaient été perpétrés en leurs temps par des humains. Que les humains en question fussent les parents du pilote du croiseur arrivé sans prévenir aurait sans doute amplifié l'énervement des « grands elfes baraqués aux cheveux d'ange ». Mais, pour le moment, ils ne le savaient pas. Tout ce qu'ils voyaient était un vaisseau immatriculé dans l'Union, non invité, non annoncé et, d'après ses dix premières secondes dans le système, piloté par un être dépourvu d'intelligence. En effet, le seul message en provenance de ce croiseur suggérait l'absence de cortex cérébral :

--- Attrapez-moi !

À défaut de baigner dans la sagacité, l'intrus se révéla plein de surprises. Il esquivait toutes les attaques avec l'aisance de la mouche que l'on tente d'attraper en plein vol, dédaigneuse, insistante, impolie au point de ne pas faire honneur aux efforts que l'on fournit.

Bientôt, les commandants Gromov, au bord de la rupture d'anévrisme, hurlèrent de cesser le feu et de stopper tout mouvement. Ils n'arrivaient tout simplement pas à s'y retrouver dans tout ce tohu-bohu. Alors, la mouche si fit moustique et se décida à frapper, ou piquer. La danse était finie. En quelques minutes, la moitié des puissants navires de guerre faisaient état d'avaries notoires. Après les veines, c'étaient maintenant les cordes vocales et les poumons des commandants de vaisseaux qui menaçaient de se déchirer, symptôme évident que leur cerveau avait déjà lâché l'affaire. Il fallut un certain temps pour qu'au milieu de toute cette cacophonie quelqu'un repère le message de l'énergumène qui en était la cause. Les commandants sur tous les ponts crièrent un dernier ordre avant de lancer l'écoute :

--- Silence !

Encore quelques minutes plus tôt, le contenu du message aurait pu faire passer son auteur dépourvu de cerveau pour un fou à lier, mais personne n'osait émettre cette hypothèse maintenant :

--- Je suis Jari, fils de Jane et Rick. Je suis ici chez moi. Agissez contre moi et je vous réduis en poussière.

Les Gromov étaient terrorisés, humiliés. Ils ne savaient plus que penser. Ils ne prirent pas la peine de répondre, attendant anxieusement la suite, ce que ferait l'intrus de ce nouveau pouvoir contre lequel ils ne pouvaient se battre.

Mais Jari ne fit rien. Il se promena quelques instants, comme un touriste flâne quelques minutes avant de quitter un lieu qui n'a plus d'intérêt une fois la visite guidée terminée, puis repartit. Il n'avait plus rien à faire ici. L'expérience était terminée. Le test était concluant. La téléportation sans conduit fonctionnait, et s'était révélée être une arme redoutable au combat.