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Fraîcheur.
C’était une douce nuit d’été, tous les invités de monsieur François dansaient, chantaient ou se faisaient gentiment la cour.
Pourtant, régnait dans l’atmosphère une impression de panique, d’angoisse.
Certes à peine perceptible mais bien là.
Elizabeth ne voulait pas danser, ne voulait pas boire ou encore se laisser toucher par les mains de ces hommes inconnus.
Elle s’était trouvée une cachette, dans le jardin, où personne ne pouvait entendre ses pleurs ou s’inquiéter de savoir « pourquoi donc une femme si radieuse se permet de salir son visage de la sorte ».
- Elizabeth et François sont mariés depuis quelques mois, ils sont jeunes, l’esprit vif et aiment les grandes soirées.
Madame aime lire et boire du thé.
Monsieur aime les femmes et la musique.
Mais madame n’aime pas monsieur et monsieur préfère mademoiselle de Beaumont. -
Elizabeth avait mal au cœur, mal au ventre, mal tout court.
Elle ne voulait pas qu’on la trouve, elle ne voulait pas être trouvée.
De son côté François s’amusait comme un fou, il riait aux blagues des femmes et soulevait leur jupon.
« Dansez mes amis, dansez et amusez-vous ! S’il vous plait Clarisse rapportez quelques rafraichissements à nos chers amis, merci. »
« Monsieur François ? »
-
« Monsieur François c’est important. »
-
« Monsieur je vous jure que c’est… »
Un temps
« C’est votre femme. »
Elizabeth était suicidaire, dépressive. François ne voulait pas d’accident, son image devait être intacte.
Mais la nouvelle avait bientôt fait le tour du château et les invités commençaient à s’inquiéter.
Tout le monde s’était rendu dehors à la recherche d’un corps sans trop savoir pourquoi.
La curiosité ? Ou tout simplement pour pouvoir s’en vanter plus tard.
Monsieur François lui s’était retiré dans son bureau, il avait emmené avec lui un vieil ami, l’inspecteur De Clercq.
De Clercq, de son petit nom Paul, n’aimait guère ce genre d’affaire, il préférait trainer dans les bars et embêter les gamins du coin.
A l’époque on pouvait dire qu’il était doué dans son métier, toujours le premier à être informé des meurtres, des vols,…
Il savait tout sur tout et en quelques heures, l’affaire était résolue.
Mais les années ont passé et Paul avait perdu le gout de la justice, perdu le gout de vivre aussi.
Sa femme était décédée, elle avait été enlevée pendant la nuit alors qu’elle se rendait au théâtre avec des amies. D’habitude Paul l’accompagnait, mais cette fois ci il était occupé par une affaire qui pouvait lui rapporter beaucoup. C’était sa dernière enquête juste avant celle qui concernait sa femme. Il ne s’en était pas remis et il ne s’en remettrait surement jamais.
Monsieur François l’avait supplié.
L’inspecteur était donc sorti, lui aussi à la recherche d’un corps.
Mademoiselle de Beaumont n’était pas invitée à la fête.
Monsieur François avait refusé car sa femme l’aurait surement mal pris.
Pourtant, elle était là, au milieu de la foule.
Les joues ruisselantes de larmes, la tête remplie de brume. Incapable de penser, incapable d’intervenir, incapable d’expliquer pourquoi. Les yeux fous, ce genre de regard qui ne passe pas inaperçu, ce genre de regard qui vous plonge au cœur de l’histoire, qui vous dit tout sans même ouvrir la bouche.
Paul avait vu, il s’était dirigé vers elle, l’empoignant par les poignets.
Paul avait très mal à la tête, Paul avait beaucoup bu.
Il criait, hurlait, lui demandant pourquoi, lui demandant des explications sans pour autant la laisser s’expliquer.
Paul pleurait lui aussi. Mais les mots comme des poignards ne cessaient de pleuvoir, martelant le cœur et le crâne de la pauvre dame.
-
Changement.
Dans la cachette.
Elizabeth.
Paupière close.
Que se passe-t-il quand on aime à la folie, quand on aime l’interdit, quand on aime à se tuer pour pouvoir encore aimer?
Que se passe-t-il ? Quand on a trop souffert, quand on fait trop semblant, quand la peine et la douleur se sont nichées dans votre cœur?
Madame n’aime pas monsieur et monsieur préfère mademoiselle de Beaumont.
Mais madame aime mademoiselle et mademoiselle préfère madame.
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