Ensembles.

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Le ciel commençait tout juste à se colorer d’orange et de rouge, mais lui n’avait toujours pas réussi à s’endormir.

Se passant une main lasse sur le visage, Andreï observa son compagnon depuis désormais de longues années, Mickaël, dormir à poings fermés à ses côtés.

Il était tellement mignon…

Souriant tristement, ses yeux se refermant dans le maigre espoir de ne pas s’irriter davantage, il lui caressa doucement le crâne. Il avait des cheveux si doux.

Mickaël…

Il se mordit la lèvre et se fit violence pour se dégager de l’emprise du sommeil, l’étudiant davantage.

Il avait l’air si mince, presque fragile ainsi assoupi, avec ses yeux si cernés. Andreï soupira ; il avait encore perdu du poids depuis la mort de Donata, ce n’était pas un très bon signe…

Posant la tête contre la nuque du Polonais, il lui embrassa doucement sa peau si chaude. Il n’avait pas peur de le réveiller ; une fois dans les bras de Morphée, il dormait comme une masse, et il aurait fallu un seau d’eau glacée pour le faire sortir alors du lit.

Aujourd'hui, il allait l’accompagner pour se faire tatouer.

C’était une pratique rare et, en 1940, encore assimilée aux membres de cercles criminels ainsi qu’aux prostituées ; n'échappant pas à la règle, Andreï devait se l’avouer, il avait hésité quant à le soutenir sur cette initiative.

Sa si belle peau marquée par de l’encre à jamais…

Il caressa doucement son poignet, admirant sa texture douce.

« Ici, je mettrai un motif de bracelet simple. »

Lui avait hoché la tête, tentant de cacher son appréhension.

« Et qu’est-ce que celui-là signifiera ? »

Mickaël eut alors un sourire amer, celui qui lui faisait des yeux distants.

Il avait horreur de ce sourire-là, qui ressemblait trop à un des siens.

« La prison. »

L’enfermement du système, mais également sa peine de plusieurs mois qui vers la fin de son séjour s’était transformée en expérimentations sur eux.

Leur rencontre, murmura un souvenir en lui.

Sa torture, rétorqua une autre voix sur un ton plus agressif.

Il baissa le regard, et contempla sans émotion ses propres poignets.

On lui avait tranché les mains au moins trois fois, là-bas dans ce laboratoire nazi, mais il n’en avait conservé aucune cicatrice.

Mickaël, lui, se percerait la peau en cet endroit précis…

Il ignorait si c'était un choix conscient ou non, mais cela l’avait troublé.

Il s’en ferait trois autres : les numéros de prisonniers de ses parents, un à chaque avant-bras, et une petite rose des vents entre les omoplates.

Pour Donata.

Pour garder le cap sur la vie, pour ne pas se perdre sur le chemin.

C’était en revoyant son expression, déterminée et pourtant si vulnérable, qu’Andreï avait ravalé ses doutes pour se contenter de souligner l’importance de l’emplacement de chacun : en effet, il valait mieux éviter en choisir un qui, malencontreusement, les ralliaient à un gang quelconque.

Tout doucement, le Russe baissa la tête pour lui embrasser la nuque, puis l’omoplate. Ce serait toujours la même peau, les mêmes endroits. La même personne.

Aurait-il alors un goût d’encre ?

… Il secoua la tête.

Peu importe ces détails ; si ces symboles lui permettraient de faire son deuil, alors il l’accompagnerait jusqu’au bout.

Il l’aurait fait de toute façon.

Pour Mickaël.

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