Réunion de famille
Petit, pendant les grandes vacances, mes parents m’envoyaient toujours passer quelques semaines chez ma grand-mère. Que je m’ennuyais là-bas ! Alors, pour m’occuper l’esprit, j’avais l’habitude de m’assoir dans le jardin pour observer les passants qui s’engageaient dans la ruelle. J’imaginais leur vie, sûrement plus palpitante que la mienne. Un jour, l’un d’eux attira particulièrement mon attention. Il n’était pas plus grand que la moyenne, ni vieux ni jeune, mais arborait une tenue vestimentaire bien à lui, à commencer par ses chaussures. Celles-ci se rapprochaient d’un modèle de mocassins classiques sur lequel on aurait fait déborder un pot de peinture. La couleur allait du noir au vert en passant par un magenta qui tirait par la suite sur le violet. Bien que le tableau ne soit à priori pas beau à voir, ce style lui convenait assez bien. Je me disais qu’il était sans doute attaché à son apparence pour choisir ce genre de tenue. Il devait avoir un coté audacieux pour oser l’alliance de ces couleurs et vouloir s’élever de la masse pour autant miser sur l’originalité. Si cet homme semblait avoir un coté « artiste » au premier abord, son pantalon était on-ne-peut-plus commun. Noir, à la coupe droite peu ajustée dans lequel il semblait être engoncé au niveau du ventre. Peut-être qu’il avait pris du poids ces dernières années et qu’il s’imaginait encore pouvoir le porter avec élégance, ou alors peut-être qu’il ne se voyait pas vieillir et gardait les vêtements de sa jeunesse. Peut être aussi qu’il y tenait pour des raisons sentimentales. Il est difficile de jeter des objets qu’on a aimés et qui plus est, nous rappellent de bons souvenirs. Je l’imaginais aller acheter ce vêtement avec sa femme. Elle, le poussant à revêtir des habits plus classiques et lui pour lui faire plaisir s’arrêtant dans la première boutique pour y essayer le plus banal des articles. Soudain, mon regard se porta vers sa main gauche. Je scrutais l’annulaire de l’homme. Il n’ y avait rien, c’était décevant. Il est possible qu’il ait eu peur de l’engagement. Sans doute était-il un artiste vagabond, changeant de style selon ce qu’il croise en chemin. Un homme ne voyant pas la vie passer et qui se regarde toujours dans le miroir mince et fringant comme à ses vingt ans. Au dessus de son poignet, était attachée une montre. Le cadran semblait rayé et le bracelet bien abimé, si bien qu’on doutait de sa couleur d’origine. S’il portait souvent une montre c’est qu’il devait tout de même accorder un intérêt au temps, ou alors, il en avait besoin pour des raisons professionnelles. Son métier lui demandait probablement une parfaite ponctualité. Il n’avait pas une carrure très imposante, ce qui nous éloignait des professions nécessitant une grande force physique. De plus, sa chemise semblait bien trop petite pour une veste beaucoup trop large pour lui. Il ne lui apparaissait pas un grand sens du goût. Plus je le regardais, plus je voyais en lui un personnage grossier qu’on aurait certainement pas vu dans un diner d’affaire. À son col, était noué un noeud papillon blanc qui penchait un peu du coté droit ce qui me laissait croire qu’il l’avait fait à la va vite. Je levais les yeux vers son visage. Il était crispé, ce qui faisait ressortir des rides le long de son front. Il semblait pressé. Il avait surement un rendez vous important.
Soudain, j’entends la voix d’un enfant crier :
_« Tonton Charlie on est tous là, viens ! »
L’inconnu devait être le frère de mon voisin et se rendait sûrement à une réunion de famille qui avait lieu en face de chez moi.
Rapidement, je montai sur le balcon à l’étage. Dans le jardin d’en face, enfants, parents, oncles , tantes, cousins, cousines et grands-parents se mêlaient autour d’un grand buffet. J’avais raison !
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