Chapitre 33 : La rencontre

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Albert

Hier j’ai donc pu faire la connaissance de ce fameux Renaud ! Il est arrivé accompagné de quelques milliers d’hommes depuis Urnia sur un cheval brun. La foule se pressait sur son passage et l’acclamait, sans qu’on sache si c’était en tant que chef, général ou même en tant que dieu.

Les troupes qui le suivaient paraissaient fort disciplinées et me faisaient vaguement penser à mon ancienne armée. Après avoir salué le peuple et lui avoir tenu un discours qui soulevait les acclamations à chaque parole ; je suis absolument persuadé qu’il eut pu dire n’importe quoi en cet instant, l’enthousiasme eut été identique ; il rejoignit les gens d’importance à savoir les officiers, les prêtres et les administrateurs civils.

Ainsi nous nous réunîmes dans l’hôtel de ville et Renaud prit instantanément la parole :

« Messieurs, ravi de vous revoir ou de vous rencontrer pour certains. J’ai bien été mis au courant des mesures que vous avez prises et vous avez bien agi ! Nul ne doit mettre en péril notre cause et il vaut mieux tuer une centaine de récalcitrants que de laisser mourir des milliers d’innocents. Mais trêve de mondanité, parlons de la suite des opérations. Comme nous en avons été informés, il semble que l’ennemi ait décidé de réunir une immense armée à Vanov à l’ouest d’ici. La seule question qui demeure encore est de savoir quand est-ce que le siège d’Imichk s’achèvera. Pour le moment je propose que l’on intègre la population d’Urnia et la forme au combat le plus vite possible. Il faut également envoyer des éclaireurs vers Vanov afin que l’on reste informé de l’emplacement et de l'accroissement de l’armée ennemie. A moins que les vampires n’attaquent nous ne livrerons plus de bataille cette année ! »

Une fois ces ordres donnés chacun connaissait son rôle et Pierre et Louis dépêchèrent quelques prêcheurs et formateurs à Urnia l’après-midi même.

Ensuite Renaud tint à faire connaissance personnellement avec tous les nouveaux officiers. Après avoir patienté le temps que deux autres personnes passent devant moi, j’entrai finalement dans un salon richement décoré dans lequel Renaud m'attendait sur un fauteuil derrière une petite table ronde.

Il m’invita à m’asseoir et me demanda à qui il avait affaire. Je lui expliquai donc que j’étais un ancien officier de cavalerie de l’armée de Sartov fuyant les vampires et ayant trouvé refuge ici. Renaud ne parut pas surpris et s’exclama :

« Après avoir eu vent de la traque des anciens soldats de Sartov je m’attendais à ce que quelques-uns finissent par arriver ici mais je dois avouer que vous êtes le seul pour le moment. J’espérais en voir davantage. J’imagine que les vampires ont été efficaces dans leur traque et ont dû deviner que nombre d’entre vous se dirigeraient vers nous. Combien ont dû mourir sur le chemin d’Altmar… ? »

Il est vrai que sans jamais y avoir réfléchi, je réalisai désormais que si nous avions directement pris le chemin du nord sans passer par Vanov, nous aurions sans doute été pris. Je lui répondis donc :

« Qui sait ? J’ai pour ma part eu la bonne idée de passer par Vanov, les quelques camarades qui m’accompagnaient ont toutefois été pris et moi seul ai réussi à m’enfuir à temps. Sachez néanmoins qu’ils mourraient d’envie de se battre pour vous, notamment le plus jeune qui se nommait Marc… Je vous promets que, par respect pour eux, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour votre cause ! »

Renaud semblait satisfait d’entendre cela, il se leva et sortit alors une bouteille de vin.

« J’ai lu dans quelques livres qu’il s’agit là d’un excellent cru, le meilleur breuvage après le sang selon nos amis vampires, j’aimerai bien boire avec vous pendant que vous me raconterez vos campagnes passées. N’omettez aucun détail je vous prie ! »

J’acceptai volontiers et commençai à raconter mon histoire :

« Comme tout mâle qui vint au monde sur les terres de feu le duc de Sartov, je fus formé dès mon plus jeune âge pour devenir soldat. Ce fut mon père qui fut chargé de faire de moi un cavalier, comme son père l’avait fait avec lui et ce depuis des temps immémoriaux. L’entraînement était très dur et la moindre erreur, le moindre manquement étaient toujours sanctionnés par quelques coups ou privations. Ma mère et mes deux sœurs avaient beau hurler et lui demander d’arrêter ce n’était là que des femmes qui ne connaissaient rien à la guerre et je suis mille fois redevable à mon père pour ne jamais avoir cédé. Une fois mes quinze ans atteint, je rejoignis un groupe de jeunes ayant subi la même instruction, nous commençâmes alors à apprendre la discipline de groupe, les formations et nous vîmes tout de suite qui avait été bien entraîné par son paternel et qui ne l’avait pas été. Cette instruction dura trois ans. Etant assez doué et ayant très vite essayé d’aider mes camarades à rattraper leurs éventuelles lacunes, je fus choisi comme futur officier ce qui me donna le droit à deux ans de formation supplémentaire. Mon entraînement, comme celui de tous les autres, s’arrêta là. Le seul moyen de continuer à progresser était désormais de s’illustrer sur le champ de bataille.

Je pris donc le commandement de quatre autres soldats dans un escadron de cavalerie légère. Ensuite, dix ans durant, je partis en campagne, matant des révoltes par-ci, participant à des sièges par là. Durant mon service il n’y eut pas de grande guerre, jusqu’à aujourd’hui. Les cavaliers se voyaient donc peu exposés. Nous faisions surtout de la reconnaissance et de l’écrasement d’insurrection. Ma carrière ne connut pas de réel moment de gloire, je faisais simplement ce qu’on exigeait de moi sans zèle ni paresse.

Après cela j’eus le droit de prendre femme. J’épousai donc Charline et eus trois enfants avec elle dont deux garçons, Thomas et Hugo, que je formai comme mon père m‘avait formé, tout en partant de temps à autre en campagne lorsque j’étais réquisitionné. Mais ce ne fut jamais bien long ou bien glorieux. Cette routine entre famille et guerre dura encore une petite vingtaine d‘années jusqu’à ce que je participe à mon premier véritable engagement : la bataille de Polyamar où nous fûmes défaits et le duc tué. La suite vous la connaissez, quelques camarades et moi-même partîmes vers Vanov pour que je me retrouve finalement ici. »

Renaud écouta patiemment et me demanda des détails sur tel siège, tel écrasement d’émeutes puis il me raconta sa vie et j’appris donc l’existence d’une certaine Irina, cause des défaites des vampires au moins autant que Renaud. Nous parlâmes et bûmes ainsi tout la nuit jusqu’au petit matin.

Le lendemain il ordonna que je devienne le maître de cavalerie de son armée et que je forme autant d’hommes que possible tandis qu’il ferait tout son possible pour ramener les chevaux pris aux alentours d’Urnia ici.

Renaud est décidément vraiment intéressant. De ce que j’ai pu en juger, il adore la chose militaire autant qu’il déteste les vampires. Malgré tout, les défaire me semble toujours chose impossible mais si un humain peut un jour y arriver, c’est sans doute lui ! En ce qui concerne Irina… et bien Vassili devrait être ravi d’apprendre tout cela ! J’irai lui écrire ce soir quand tout sera plus calme…

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