Chapitre 52 : Le traité de paix

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Christina

Après bien des semaines de marche dans le froid et la neige nous sommes arrivés à Vanov où Piotr IV d’Ishka nous attendait déjà. J’étais arrivée comme convenu avec dix-mille hommes et nombre de chevaliers, ainsi qu’avec Buve-sang et le paiement pour « m’excuser de la mort du duc de Cracvonia ». C’était là un bien piètre prix à payer pour pouvoir me venger et récupérer la couronne de diamants. Je n’en pouvais plus d’attendre. J’avais ordonné qu’il soit bien traité afin que sa surprise ne soit que plus grande lorsque je viendrai m’occuper de son cas… Je suis persuadée que nous allons devenir très intime lui et moi au fil des années… Je compte bien qu’il ne soit pas un jouet comme les autres, je ne l’achèverai en le dévorant qu’après des décennies de souffrance lorsqu’il m’aura lassé et que je lui aurai pardonné la mort de Vassilissa… Quelques décennies seront-elles seulement suffisantes… ?

Toujours est-il que tout était prêt pour nous recevoir. Le comte de Similinmar m’attendait et me souhaita la bienvenue au nom du roi Nikolaj III. Il me proposa bien naturellement de la nourriture. La ville était un véritable grenier, elle débordait de vivres mais il fallait bien cela pour nourrir l’immense armée qui allait se rassembler ici. Le comte d’Or et le duc de Kulmar le rejoignirent vite afin de préparer la campagne prochaine. Pour ma part, pour une fois, je laissai cela de côté pour me reposer ; chose que je n’avais pas faite depuis des mois avec tous ces trajets… Je me mis à penser à Yegor qui fut envoyé à Sussmar, ainsi qu’au duc de Cracvonia…

Me voilà donc à attendre le roi Nikolaj III et plus encore la fin de cette guerre pour enfin me consacrer au loisir de mes futures années, à savoir m’occuper de mon fils et du duc !

Volodia

Malgré l’hiver chaque vampire s’entrainait dur. Nous joutions, combattions au sol ou à cheval et ce sans relâche. La haine qui nous habitait était un puit sans fond de hargne et de motivation. Nous progressions à vue d’œil, tant individuellement qu’en groupe. Nos formations de cavalerie étaient plus compactes, les changements de directions plus vifs et la discipline plus stricte. Jamais plus nous ne serions pris en défaut à cause de notre impétuosité déraisonnée.

Les vampires d’Ishka eux-mêmes, loin d’être réputés pour être les meilleurs chevaliers du monde, en profitèrent pour parfaire leurs compétences martiales. Ils voulaient ainsi laver l’opprobre qui avait entaché le blason de leur royaume depuis la mort de Miroslaw en participant à la destruction des hommes et de la compagnie des semblables.

Même la petite armée d’hommes, avec l’accord de Piotr IV pour ses propres soldats, fut soumise à un entrainement des plus stricts. Le fils du duc de Sartov qui avait relevé son duché tant bien que mal vint avec les restes de l’armée de son père afin de former ce vaste rassemblement de larves. Les progrès étaient lents et leur motivation reposait davantage sur la peur que sur une réelle envie de se battre, malgré tout ils savaient que ceux qu’ils auraient en face d’eux n’hésiteraient pas à les tuer. Si par malheur un humain se plaignait il était exécuté d’une façon dépendant de l’humeur du vampire qui avait entendu sa plainte.

A force d’agir ainsi notre armée parut petit à petit un tantinet plus disciplinée et efficace qu’auparavant. Pourtant, si la qualité s’améliorait, ce fut surtout la quantité qui changea du tout au tout.

Nous voyions ainsi l’armée grandir jusqu’à devenir pléthorique. Ce fut d’abord les isgariens qui arrivèrent, puis les oraniens et enfin les aartoviens. Demain le traité de paix sera signé, certes nous perdrons du territoire mais l’annihilation de la révolte des hommes est une priorité ! Tous les seigneurs étaient attristés de la défaite de notre nation mais tous comprenaient la nécessité d’un tel sacrifice ! Ainsi demain sera proclamée la paix et l’alliance des quatre rois dans le même temps !

Irina

1er février de l’an 5007 après la guerre des sangs.

Nous avons rallié Vanov après avoir laissé dix mille hommes et trois-cents chevaliers à Ortov pour des raisons logistiques. Le froid et la neige faisaient souffrir les hommes, sans que cela ne dérange les vampires… J’enrageais de voir ainsi transis tous ces pauvres êtres mais les aider aurait compromis ma couverture… Au fond la compagnie des semblables n’avait sans doute pas tort, plus j’y pense et plus il me paraît évident qu’hommes et vampires sont faits pour s’aimer, nous nous ressemblons tant. Je suis persuadée que si nous n’élevions pas les jeunes vampires à haïr les hommes il n’y aurait nulle inimité entre nos races… Ce n’est pas une espèce qu’il faut détruire mais cette haine réciproque… Valass et Himka n’avaient pu s’aimer en tant que dieu, il est de notre devoir qu’ils puissent le faire en tant que race. La victoire de Renaud sera le premier pas vers cette union que je souhaite éternelle !

Toujours est-il qu’une fois arrivés dans la ville les humains trouvèrent un camp des plus vastes et bien organisé, ce qui permit d’enfin diminuer leurs souffrances. En ce qui concernait les autres royaumes la reine d’Isgar et bien sûr le roi d’Ishka nous attendaient. Il nous fallut encore attendre une semaine que le roi d’Aartov et ses troupes se joignent aux nôtres. Même le cercle de la guerre de Valassmar faisait pâle figure face au camp qui s’étalait désormais en dessous des murailles de la ville. Il me paraissait presque plus vaste que la ville elle-même !

Mais j’étais bien la seule à m’émouvoir de la sorte pour un simple amas de tentes un peu plus grand que d’habitude. En effet l’attraction du jour était davantage la signature du traité de paix entre les quatre puissances et la proclamation de l’alliance qui devait en découler. Il faut bien admettre que le spectacle fut des plus grandioses. Tout commença lorsque la nuit se mit à tomber. En premier lieu la reine Vassilissa, qui était fort bien maquillée, s’avança vers Nikolaj III, puis un de ses gardes lui tendit Buve-sang en lui conseillant d’éviter de la manier car quiconque essayait de l’utiliser voyait son sang aspiré… Un immense coffre rempli de pièces fut également apporté. Suite à cela Vassilissa s’excusa publiquement au nom de son royaume du tort qui avait été causé au plus grand guerrier d’Orania, le détenteur de Buve-sang et duc de Cracvonia !

Nikolaj accepta les excuses puis ordonna à ses gardes de mettre Buve-sang sous bonne garde en attendant qu’elle accepte un digne successeur au duc. Il rendit ensuite à la reine la couronne de diamants qui avaient été prise lors de la bataille de Rutor. Vassilissa s'empressa alors de la ceindre ce qui renforça encore sa majesté. Une fois ceci fait, les quatre souverains se dirigèrent vers la grande place où une table ainsi que quatre fauteuils étaient disposés. Sur ce bureau se trouvait l’accord de paix. Il avait été négocié en amont mais le principal demeurait l’entérinement des changements de frontière et l’alliance contre les hommes. La mise en scène fut assez travaillée : chacun des souverains arriva par une des quatre grandes allées donnant sur la place, tandis que leurs chevaliers respectifs les suivaient mais s’arrêtèrent à la limite du cercle que formait le lieu de la rencontre. L’ordre de préséance était respecté, ainsi les seigneurs les plus importants étaient au premier rang tandis que les sans titres ne pouvaient qu’imaginer le déroulement de la scène. Etant toujours prise pour la maîtresse du roi je pus assister à ce moment en première loge, entourée par les comtes de Similinmar et de Gamar.

Ce dernier me décrit à distance les grands seigneurs des autres royaumes. Il y avait donc du côté de la reine au premier rang le duc de Kulmar, le comte d’Or, ainsi que le désormais roi consort Branislav. Du côté d’Aartov on pouvait voir l’immense famille du roi, il y avait ainsi les princes Nikita et Igor, ainsi que les deux frères ainés du mari de la reine d’Isgar, Javor et Jan. Enfin du côté d’Ishka l’on pouvait voir le duc de Lopioumar, le général de leurs armées, celui de Potoshk ainsi que la maîtresse de Piotr IV, la ravissante Leonia.

Toutefois le spectacle n’était pas sur les périphéries mais bien au centre. Dans un silence des plus solennels chacun des souverains s’avança sur la place enneigée, puis ils s’assirent sur leur fauteuil respectif et, après avoir échangé des mots dont eux seuls connaissent la teneur, ils signèrent tour à tour le protocole de paix, puis ils se levèrent et annoncèrent d’une seule voix :

« Maintenant que la paix est faite, nous proclamons fièrement l’alliance des quatre royaumes afin de lutter contre la menace humaine et rendre justice au roi Miroslaw qui fut lâchement assassiné ! Pour Valass, que vivent et règnent les vampires ! »

« Pour Valass, que vivent et règnent les vampires ! » répéta en cœur l’assemblée, puis un tonnerre d’applaudissements se fit entendre ! Cette cérémonie fut suivie comme bien souvent par un banquet présidé par les quatre rois. Pour ma part je fus placée à côté de Leonia. Je dois bien avouer que si sa beauté est sans égale, sa conversation n’est pas au niveau de son apparence. Nous passâmes ainsi la soirée à parler de choses inintéressantes au possible comme des dernières robes à la mode… Malgré tout je voyais bien que je faisais figure mate à côté de cette dame. Après tout, lorsque l’on a pareil physique, on n’a nul besoin de conversation. Au fond cette courtisane était comme cette alliance : fort jolie au premier abord mais sans substance. Le banquet et la cérémonie étaient là pour faire oublier qu’elle se fissurerait à la première défaite !

Godefroy

En l’absence de Renaud j’ai été chargé de la formation des troupes. L’entraînement de dizaines de millier de novices par grand froid ne fut pas chose aisée, bien que cela eut le mérite d’endurcir leur corps et leur cœur plus sûrement que n’importe quel exercice. Les vétérans se mêlaient aux novices et plus le temps passait, plus les troupes se déplaçaient vite et bien. Lorsque Renaud revint à Arnov, il apporta dans son sillage la fameuse troupe de mercenaires dirigée par des vampires, ainsi qu’un millier d’autres volontaires qui s’étaient précipités à sa rencontre lors de son voyage. L’idée de collaborer avec des vampires me dégoutait au plus haut point mais si ces imbéciles veulent trahir leur race pour aider la nôtre, grand bien leur fasse, ils gagneront le droit d’être les derniers à mourir !

Renaud reprit rapidement les entraînements et les manœuvres en main ; Dès lors, comme si savoir que leur roi les regardait leur donnait de la force, les hommes se mirent à ne plus craindre ni le froid ni la fatigue. Malgré la neige qui tombait, malgré la nuit sombre, malgré la morsure du froid, les hommes voulaient s’entrainer à chaque instant.

Les jours et les semaines passant, les températures remontèrent. L‘on vit alors le vrai visage de notre armée : une troupe disciplinée, motivée, formée de huit mille vétérans, vingt-deux mille soldats entrainés et trois-milles mercenaires aguerris s’étant parfaitement adaptés au reste des forces. A tout cela s’ajoutait encore deux mille cavaliers mais dont seul mille deux-cents étaient véritablement aptes à combattre.

Comme l’année précédente, l’hiver et la saison de préparation s’achevèrent sur des manœuvres géantes regroupant l’ensemble de l’armée qui elles-mêmes furent suivies par une cérémonie de remise des étendards à tous les nouveaux bataillons et escadrons constitués. Un nouvel échelon fut encore créé : Le corps d’infanterie, formé de trois bataillons soit trois mille hommes en tout. Je pris donc le contrôle du deuxième corps et reçus le grade de général. Le but d’une telle division était de faciliter le commandement des grosses unités sur lesquels Renaud ne pouvait avoir qu’une prise partielle en plein affrontement. Je recevais donc des objectifs à atteindre et c’était à moi de décider comment les accomplir… Enfin si les batailles à venir ressemblent aux précédentes, l’ordre que je risque d’entendre sera sans doute « tiens la position ! ».

Certes, de nombreux bataillons n’avaient reçu qu’une à deux saisons de formation mais la motivation était palpable sans compter que tous les officiers qui les dirigeaient étaient de solides vétérans déjà maintes fois éprouvés dans des batailles ou des sièges.

Une fois les célébrations accomplies notre armée partit donc à la rencontre de l’ennemi, tambour battant, Renaud à sa tête et la victoire comme ultime objectif. J’avais désormais un cheval et chevaucher à côté d’une telle masse d’hommes, bien armés, motivés avec la musique martiale dans les oreilles fut sans doute la plus belle expérience de ma vie. Je ressentais l’ivresse de la bataille avant même d’y être. Moi, le général Godefroy, je me sentais invincible et prêt à mener mes troupes jusqu’à Valassmar s’il le fallait !

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