Immersion culinaire
Le petit déjeuner est une immersion dans un monde de voyageurs européens, plutôt plus jeunes qu’elles, réunis autour de tables salies par les précédentes collations matinales. Elles doivent se frayer un chemin dans cette pièce étroite et encombrée. Ne pas stationner trop longtemps devant la gigantesque et insolite machine à pancake, ni en face du distributeur de jus de fruits et encore moins poireauter au pied du stand de boissons chaudes, au risque de se faire bousculer, marcher sur les pieds ou de se faire renverser leurs thés. Penser à prendre leur compte de portions individuelles de beurre et de confiture, car une fois assises, il ne leur sera pas aisé de se relever et il leur faudra enjamber le voisin, assis sur la banquette occupant tout l’espace dont elles auraient besoin, et refaire tout le parcours d’obstacles cité précédemment. Résultat, le petit déjeuner est englouti bien vite, en stress.
Toute cette gymnastique matinale les met en jambe pour arpenter les rues de Galway et pour swinguer au rythme des différents airs de musique entendus deçà delà. En effet, tous les cinquante mètres, il y a des musiciens. Une effervescence d’instruments de sons. De la uillean pipe ou cornemuse irlandaise, au bodhran (prononcez [bo-rône]) qui est un tambour en peau de chèvre, en passant par le fiddle qui n’est autre qu’un violon, mais avec lequel on joue différemment, sans oublier la tin whistle ou flûte irlandaise ainsi que l’accordéon diatonique. De l’énergie, du peps à tout bout de rue.
Les quatre déesses aux corps sculpturaux décident de faire une incartade dans leur régime alimentaire de coutume très sain et de se lâcher sur un fish & chips bien typique. Il sera avalé goulûment à même le gazon. Puis la détente à même le sol sous le soleil les transporte sur une plage à Ibiza, avec un palmier non loin, les pieds en éventail.
Trois heures de sieste plus tard, la faim se fait de nouveau sentir. Le hasard des rues les invite à un dîner mexicain. Caramba. Sont commandées sans trop le savoir des entrées saugrenues. Il s’agit d’olives trempées dans de l’huile. On est déjà bien gras là, mais tant pis. La décence est reportée à beaucoup plus tard donc. Pourquoi avoir commander cette entrée sans queue ni tête ? Et surtout pourquoi l’ingurgiter avec autant de dévouement, comme si elles étaient subjuguées par le spectre rondouillard d’un moulinier oléiculteur tout puissant ? C’est à n’y rien comprendre, il n’y avait pourtant aucun roux dans ce restaurant. Le mystère reste entier. Ce qui les régale c’est que les Irlandais ont l’air d’associer le Mexique aux pays méditerranéens. Ce raccourci magique leur fait vivre une expérience hors du commun et elles ne remangeront pas d’olives de si tôt. À choix hasardeux, situation aventureuse.
L’appel du Pub typique avec de la musique live les fait ensuite errer dans les rues du centre-ville à la poursuite du son de notes puissantes et viriles. À cette heure, elles ne résonnent nulle part bizarrement et la fraîcheur du soir les fait se presser vers n'importe quel lieu chaleureux. Grâce à l’intuition féline de Clémentine qui sent l’ambiance festive de très loin, elle mène ce petit peloton dans une superbe salle cosy et glamour à l’étage d’un pub où elles vont s’installer confortablement sur une banquette en skaï rouge. Elles vont y faire une bien belle tapisserie pendant plusieurs heures. Un bar lumineux dans les tons orangés leur fait face. Pas de roux à l’horizon. Des prétendants à lunettes, par contre, bruns ou chauves. Aucun n’ose s’approcher. La tapisserie est farouche. Elles n’attendent que le temps fort de la soirée : le DJ. Longtemps espéré, il arrive enfin. Est-ce vraiment lui ou l’ingénieur du son ? Ah, c’est bien lui. Hélas, le son de ses platines n’est pas à la hauteur de leurs espérances. Aucun déhanchement sauvage ce soir. La tapisserie est remballée. Leur destin bifurque à ce moment-là vers leurs petits lits superposés.
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