Matin, sonnerie du petit réveil, petit étirements, petit lever, petit café, pas de pisse d'âne comme d'habitude.

Radio.

Ciel bleu.

Grand soleil.

Petit bisou aux deux petites filles identiques et bien coiffées, radieuses, et à petite femme bien lunée aujourd'hui.

Dans ta tête : petit mardi bien parti.

Un mardi comme les autres.

Petite clef dans le contact.

Petite voiture en forme, vrombissements du moteur.

Petit trajet vers les jumelles, immenses, tellement belles, étincelantes par les rayons du soleil.

Dernières marches de ces escaliers étroits et interminables. Pas d'ascenseur, pour toi encore vigoureux.

Début de matinée, café entre collègues. Un peu de travail sur ton ordinateur.

Et puis vision de tes petites filles sur deux grandes balançoires, côtes à côtes. Incessants grincements agaçants, et puis d'un seul coup, écrasement de l'une par terre. Larmes, sanglots. De la bouche de l'autre les rires insouciants et la continuité des balancements.

Reconversion d'un instant. Toi, maintenant plongeur de tes pensées,

dans tes oreilles un énorme bruit sourd, effrayant.

Bond vers l'immense vitre.

Depuis ta fenêtre, sauts en costume - cravate des gens, de tes collègues, tes amis, ici, le parrain des jumelles.

Vérification de tes paupières ouvertes. Promptes et effrayantes pensées envers ton réveil de ce matin.

Imagination des morsures des flammes, de la consomption de ton corps encore si jeune, si vigoureux. De ton asphyxie lente. Vision de la fumée sous la porte.

Dérapage de ton esprit. Suicide ou euthanasie?

Et puis la chute. Interminable d'ailleurs.

La chute de ta vie?

De ta mort plutôt.

Tombée à son tour, ton autre petite fille de la balançoire.

De sa bouche un dernier cri :

Fin de la partie.