Chapitre 3 : Le cœur tombe à pique

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  J'appréciais les yeux de Lord Brien plongés dans les miens et ses mains qui me tenaient chaud. Je ne m’étais jamais senti aussi bien. Et alors que je me suis mise à lui rendre son sourire, Lord Brien commença à me dire quelques mots.

  • Vous savez Férréolle, quand je vous ai vu la première fois, j'ai été déçu de moi-même. M'annonça -t-il.
  • Comment cela ? Demandais-je sans aucune hésitation.
  • Eh bien, je m'en suis voulu d'avoir aidé Gregor à vous trouver un cavalier pour le bal d'amitié gallo-germanique. Si je ne l'avais pas fait, je reste persuadé qu'il n'aurait trouvé personne par lui-même, et qu'il m'aurait demandé en dernier recours, pour que vous ne vous retrouviez pas seule.

 J'étais très surprise de cet aveu. Et je ne pus m'empêcher d'imaginer le déroulement de cette soirée, si effectivement, Lord Brien avait été mon cavalier. Je ne pouvais pas résister à lui sourire à nouveau. Je crois même que j'étais devenue toute rouge, en tout cas j'avais les joues bouillantes et un élan de chaleur m'envahissait tout le corps.

  • Vous me faîtes déjà un grand honneur d'être mon cavalier ce soir, Lord Brien. Lui ai-je répondu.
  • Je vous en prie appelez-moi Petyr.
  • Comme vous le voudrez. Il fait très chaud ici, vous ne trouvez pas Petyr ?

 A mes mots, Petyr décida de m'accompagner dehors. J'avais une telle énergie en sa présence, que même dans le froid mordant de l'hiver mon corps ne se rafraîchissait pas. On s'est alors promené dans le parc près des arbustes et de la fontaine. Mais Petyr n'arrangeait rien, il ne faisait que de s'avancer près de moi. Et je crus faire une attaque cardiaque quand il se pencha vers mon oreille et me demanda tout doucement si j'étais assez folle pour accepter de l'épouser. Je n'en revenais pas, nous nous étions arrêtés et nous n’entendions plus le crissement de la neige froide sous nos pas. Le silence régnait. Bien sûr que je le voulais, cela tombait même à pic vu que je devais trouver quelqu'un dans les deux semaines qui suivaient. Mais, je trouvais que cela allait un tout petit peu trop vite. Je me suis alors rapprochée de lui de la même manière qu'il l'avait fait, comme pour lui donner une réponse affirmative. Mais au lieu de cela, je lui ai enfaîte demandé si lui, était assez fou pour se baigner dans la fontaine.

  • Quoi ? M'a-t-il demandé d'un air perdu.

 J'ai répété tranquillement ma proposition, puis j'ai enlevé ma robe de bal et je suis entrée dans la fontaine. L'eau était froide et je sentais des milliers de pièces sous mes pieds.

  • Êtes-vous folle ? Interrogea Petyr. Vous allez tomber malade.

 Je lui ai demandé quel mal il y avait à être fou. Il a réfléchi un temps, puis il a enlevé son costume et m'a suivie. En tant qu'homme du nord, Petyr n'était pas frileux. Il avait comme moi l'habitude des basses températures. Il était cependant surpris que cela soit mon cas. Je lui ai donc expliqué la vie dans les montagnes du Jura, la quantité importante de neige et les températures souvent négatives que nous avons en hiver. Je lui ai conté mes aventures sur le lac gelé qui devient une piste de patinage, et sur les skis de fonds que mon père m'avait fait fabriquer et toutes nos longues balades au milieu des épicéas. Petyr avait l'air d'admirer mes récits. Il m'a souri et j'ai ris. Nos regards se sont enfin croisés, il m'a enlacée et j'ai fini par l'embrasser.  

A cet instant-là, je ne ressentais plus du tout le froid. J'ai même eu chaud pendant quelques secondes. Puis, j'ai eu des frissons quand l'un des cuisiniers qui attendait l'autorisation de Petyr pour servir les plats, est arrivé et avait l'air choqué de nous voir tous les deux dénudés, nous baignant dans la fontaine. Nous sommes donc sortis de là, puis nous sommes rentrés dans le château en passant par une autre entrée.

 Nous sommes allés dans une salle de bain pour nous sécher et remettre nos vêtements. Petyr a demandé aux serveurs d'attendre quelques minutes, et au cuisinier qui nous avait surpris de ne rien répéter. C'est à ce moment-là que je lui ai dit oui. Ne comprenant pas de quoi je parlais, il m'a fait répéter. Je lui ai dit « Oui, pour le mariage ». Petyr s'est soudain mis à sauter partout dans la pièce, il était en cette soirée l'homme le plus heureux du monde.  

 Durant toute cette belle soirée de veille de Noël, Petyr m'a lancé mille regards et mille sourires. J'étais tellement excitée par la nouvelle que je n'ai pas pu m'empêcher de prendre Angelika à part pour lui annoncer. Elle a d'abord cru à une blague. Puis, quand je lui ai affirmé que j'étais sérieuse, elle a eu un air surpris. Ce qui l'embêtait était bien sûr notre différence d’âge. Je lui ai pendant longtemps expliqué que c'était le meilleur mari auquel j'avais pu rêver. Elle ne comprenait toujours pas, mais m'a avoué qu'elle avait senti que Petyr essayait depuis le début de me courtiser. De là à vouloir m'épouser ? De plus, Lord Brien était réputé pour être un homme solitaire. Mais cela ne me dérangeait pas le moins du monde, j'ai moi-même toujours aimé avoir des moments de solitude.    

 Après un long débat, Angie remarqua qu'il était effectivement préférable que je me marie avec lui plutôt qu'avec un inconnu choisi par mes parents. Et puis, puisque notre amour était réciproque, je ne voyais pas quel problème cela aurait pu engendrer. J'aimais cet homme qui m'avait une bonne fois pour toute ouvert les yeux sur la politique menée dans nos royaumes. J'aimais ce grand homme qui était beau et intelligent. J'aimais la façon qu'il avait de se mettre à la même hauteur que n'importe quel autre homme ou femme, même les plus pauvres. Je fus tout le reste de la soirée sur mon petit nuage, pour la première fois je comprenais ce qu'était l'amour et je pu enfin profiter du buffet.  

 Le lendemain, avant-midi, je me suis vu offrir une cagette de bouteille de vin à celui qui était depuis la veille mon futur mari. Il avait l'air très content, lui qui avait adoré le vin du Jura que j'avais ramené l'été précédent. Puis, Petyr nous a amené, Angie, Nicodème et moi, pour une balade en forêt. Il avait pour objectif de plaire à ma meilleure amie. Angie, elle aussi avait envie de mieux le connaître, elle avait enfin digéré la nouvelle. J'allais épouser Lord Brien.

  Petyr se mit à nous raconter son histoire, ce n'était pas très différent de ce que j'avais pu entendre auparavant. Il passa en revue sa vie heureuse avec sa mère en Irlande, la mort tragique de cette dernière qui l'avait beaucoup affecté, ses études, son engagement au sein du gouvernement et même le drame qui avait détruit son peuple.  

 Angie écoutait attentivement ce récit. Elle lui posa peu après des milliers de questions sur le gouvernement Breton puisqu'il avait fonctionné exactement comme le nôtre fonctionnait. Angelika avait toujours estimé plus d'intérêts que moi pour la politique, elle connaissait beaucoup de mouvements politiques différents.

 Sans que l'on s'y attende, elle a demandé à Petyr ce qu'il pensait de l'anarchie. Angie détestait la monarchie puisque comme moi, elle voyait très bien les problèmes d'inégalités que cela engendrait. Petyr avait été très surpris de cette question. Il connaissait lui aussi les principes plus ou moins bien éclairés qui constituaient l'Anarchie, puisqu'une grande majorité des rebelles de son ancien pays étaient justement anarchistes, tandis que l'autre partie voulait seulement plus de droits. Petyr ne savait pas vraiment quoi lui répondre, mais il avait l'air de porter un grand intérêt à la question d'Angelika. Il disait trouver ce mouvement fascinant bien que problématique sur certains points d'organisation.  

 Une fois à l'écart des garçons, dans une vaste clairière, Angelika a pu me dire ce qu'elle pensait réellement de Petyr. Elle m'a dit, en toute honnêteté, je le crois, qu'elle le trouvait assez étrange et en même temps captivant. Alors que nous continuâmes à marcher, nous avons fini par trouver des plumes d'oiseaux de différentes couleurs. Angie s'est arrêtée pour en confectionner une couronne et la posa sur ma tête, fêtant ainsi mon union avec Petyr. J'étais contente. Que dis-je ? J'étais à cet instant précis la personne la plus heureuse du monde. Mais à aucun moment je ne pouvais imaginer dans quoi je me lançais réellement.  

 J'étais rentrée en Franche-Comté, dans le domaine de mes parents, en compagnie de Petyr. Il fallait maintenant que mon père nous donne sa bénédiction pour notre union. Bien sûr, épouser Petyr voulait dire vivre avec lui dans sa demeure en Germanie et quitter ma famille. J'étais la première à quitter le foyer. Mes soeurs et mes organisatrices allaient me manquer.

 J'appelais les sœurs Lamy « organisatrices » depuis que je savais parler, car pour moi le terme « servante » me rappelait à quel point elles étaient oppressées par mes parents. Et « organisatrices » c'est ce qu'elles étaient, ce sont elles qui organisaient mes cours avec mes professeurs, elles qui organisaient ma chambre, elles qui organisaient mes tenues, mes heures de repas, mes sorties, mes voyages et bien d'autres choses encore.

 Je devais à partir de ce moment pouvoir vivre sans elles. Peu après qu'Angelika et Nicodeème nous aient quittés pour rejoindre la Bourgogne, je retrouvai ma famille. Ils avaient passé un excellent Noël avec tous les orphelins de la région. Ma mère adorait les voir sourire une fois dans l'an. Je dirai que pour ses enfants cela était un peu près pareil, ou alors c'est juste qu'elle ne savait pas comment faire pour que cela puisse arriver plus souvent.

 Les retrouvailles furent fort sympathiques. Puis, vinrent les présentations. Au tout début j'ai juste annoncé Lord Brien comme l'honnête homme qui m'avait envoyé l'invitation qu'ils avaient pu lire. Mes parents avaient l'air déconcertés, ils s'attendaient sûrement à un jeune homme. Il faut dire que Petyr était à peine plus jeune qu'eux. Puis sans hésiter une seconde, Petyr demanda à mon père la permission de lui parler.  

 J'ai trouvé cela, comme d'habitude, un peu trop rapide, mais Petyr était vraiment décidé. Ils sont allés dans cette belle forêt du Risoux, car tout comme Petyr, mon père adorait le calme des forêts. Je suis donc rentrée avec ma mère à l'intérieur en essayant de ne pas penser à la réaction de mon père. Mon amie et organisatrice Aline, était vraiment heureuse de savoir que j'avais fait bon voyage. Mais quand elle a su que j'étais revenue avec un homme, elle a fait une moue dont je n'ai pas compris le sens. C'était une belle blonde un peu plus âgée que moi qui s'occupait de moi et de ma chambre depuis ses treize ans. Elle était un peu comme une sœur, quoi que, plus proche encore.

 Je n'ai jamais su ce que Petyr et mon père s'était dit ce jour-là, mais mon père est devenu plus heureux que jamais. Il m'a demandé si j'étais sûr d'aimer Petyr et après m'avoir écouté, il nous a donné tous ses meilleurs vœux. A peine deux semaines plus tard, après avoir choisir la plus belle robe avec ma mère, je suis reparti à Stuttgart seule avec Petyr. Une créatrice comtoise m'avait confectionné une longue robe blanche avec des roses rouges cousus au bas de la robe et une couronne de roses blanches ornait mon voile. J'avais également demandé à Aline et Angelika de se présenter en tant que dames d'honneur. Nous avions décidé Petyr et moi-même, que nous allions nous marier une fois que Petyr m'ait appris le Germain. Et qu'Aline viendrait avec mes parents, deux semaines avant la date fixée, pour organiser les préparatifs. Il était également précisé qu'Aline allait s'occuper de me coiffer et de me maquiller pour la cérémonie.

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