4. L'Apple d'Eden

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Nous montions depuis cinq bonnes minutes déjà. Je commençai à trouver le temps long quand l’ascenseur nous délivra enfin. Mes pas s’enfoncèrent dans une sorte de neige cotonneuse. Une douce brise soufflait et des nuées se baladaient dans tout les sens.

Jimmy avança, prit une grand inspiration et s’écria :

— June ! Vous avez de la visite !

Un nuage réagit à l’appel tonitruant. Il se mit à gigoter et s’envola en zigzaguant jusqu’à nous. La masse molletonnée se posa et une jeune femme brune vêtue d’un tailleur noir en sortit :

— Bonjour Jimmy, comment vas-tu en cette belle journée ?

— Parfaitement bien, je te remercie. Je te présente Marc Beauregard, notre nouveau protégé. Je lui ai dis que tu prendrais soin de lui, je compte sur toi pour lui apporter tout ton soutien.

Elle me souhaita la bienvenue en ne cachant pas sa joie de voir un nouveau visage.

— Sur ce Marc, je vous souhaite bon courage. Je vous laisse entre les mains expertes de June, elle fait de vrais miracles, dit-il avant de reprendre sa route au travers des couches duveteuses.

June était folle de joie, elle sautillait sur place comme une puce.

— Très bien, laisse moi deux minutes pour nous aménager un petit coin tranquille, dit-elle en observant les masses.

Elle en choisi quelques unes et les modela jusqu’à obtenir un magnifique plan de travail en bois verni accompagné de chaises hautes à dossiers rembourrés. Elle s’assit en m’invitant à faire de même et me proposa un café, que j’acceptai volontiers. Une petite portion nuageuse se transforma aussitôt en mini-usine à boisson et me servit le tout en un claquement de doigt. Elle était à portée de main et intelligemment imbriquée en bout de table.

— C’est très pratique ça, disai-je en désignant la machine.

— Oh, tu sais avec le temps et les moyens que j’ai ici, j’ai inventé toute sortes de choses. D’ailleurs je suis étonné que sur Terre vous n’en utilisiez pas plus, dit-elle en me fixant d’un regard désapprobateur.

— Et bien je vous confirme que j’adorerais en avoir une !

— Tu peux me tutoyer, on est au Paradis non ? me corrigea-t-elle en ricanant.

Elle se concentra un instant et un ordinateur surgit de nulle part.

— Ça sera moins compliqué que de tout faire de tête, alors qu’est-ce qu’on a là ? lança-t-elle en se plongeant dans son écran.

Elle émit quelques clics et une boîte noire apparue sur la table. Petit à petit, elle s’affina jusqu’à former un morceau aplati et fumant. June balaya les restes de la main et prit ce qui ressemblait à un téléphone portable. Elle le manipula un instant et me le tendit.

— Tiens, c’est le dernier modèle de chez Eden, un vrai bijou.

Je la remerciai et saisis l’appareil. Je l’examinai une seconde : dimensions ; poids ; texture ; absolument parfait ! Le dos était frappé d’une pomme, la référence à une marque connue me parue évidente mais June en avait visiblement une autre plus biblique.

— Il m’a l’air très bien mais qu’est-ce qu’il a de plus que mon portable ? demandai-je timidement.

— Je me suis basé sur ton profil pour créer un appareil qui te corresponde à cent pour-cent. Grâce à ce téléphone, tu as accès au Cloud à tout instant. En plus de ça, la batterie ne sera jamais à court d’autonomie, ajouta-t-elle toute fière. Si toutefois tu venais à l'égarer, tu n’as qu’à l’appeler par son nom, Edenphone, et il reviendra.

Elle me tendit ensuite un petite boite transparente remplie de pilules.

— Celles-ci, c’est en cas de pépins ou d’urgence, insista-t-elle. Tu croques et elles te ramènent illico à l’Everest Building.

— Et concrètement, qu’est-ce que je suis censé faire de tout ça ? Jimmy ne m’a décrit que les grandes lignes.

— C’est tout lui, il ne s’embarrasse pas du superflu, confirma-t-elle.

— J’ai cru comprendre, d’où mes questions.

— Ecoute Marc, tout cela est nouveau pour toi, c’est compréhensible. Prend un peu de temps pour te familiariser avec, commence par de petites actions et ensuite tu verras. Ne te met pas de pression inutile en voulant accomplir des miracles dès le premier jour.

— Très bien, répondis-je. Et donc, de quoi est capable ce téléphone ?

— Je l’ai doté d’une interface de création que j’utilise moi même. Tu peux fabriquer, modifier et faire disparaître n’importe quoi. Par exemple, tu peux réparer une voiture en panne, libérer une place de parking, créer de la nourriture pour un sans-abri ou que sais-je encore.

— On ne risque pas de me repérer si je fais des modifications en public ? demandai-je.

— Aucun risque ! Vous, les humains, êtes constamment collés à votre portable. Qui va te soupçonner ? Tu as le droit d’envoyer un texto, dit-elle en me jetant un clin d'oeil malicieux.

June continua de me faire l’article, son smartphone pouvait réaliser mes idées les plus folles. Avec un appareil de ce genre, l’argent ne serait plus un problème. Je pourrais surmonter tous les obstacles qui se présenteraient à moi.

Elle me parlait comme à un vieil ami, partageant ses inventions les plus farfelues ainsi que leurs secrets de conception. Avant de la quitter, elle m'enlaça, m’invitant à lui rendre visite aussi souvent que possible.

— Une dernière chose, ajouta-t-elle. Il faut que tu connaisses les limites à ne pas franchir, à savoir : ne jamais révéler notre existence et, surtout, interdiction de modifier les êtres vivants, quel qu’il soit, insista-t-elle fermement.

— Très bien, j’y veillerais, confirmai-je en souriant.

— Pas de Paradis, pas d’êtres vivants, sinon tu auras affaire à pire que moi, dit-elle en me menaçant de son index.

De retour dans l'ascenseur, j’appuyai sur le bouton et descendis de nouveau durant de longues minutes. L'occasion de faire connaissance avec mon nouvel ami tout neuf. Je le mis en route, un jingle de trois notes carillonna et l’écran s’anima. Je retrouvai tout de mon ancien téléphone : mes contacts, mon agenda, les photos, les jeux, mon fond d’écran et quelques nouveautés.

L’application du Cloud était représentée par un nuage, quelle originalité... Je l’ouvris et eus accès à un répertoire de ce qui existait sur Terre. Je m’arrêtai sur le mot « glace » et cliquai. On me proposait divers choix et je choisis l’option « modifier ». J’arrêtai mon second choix sur « boeuf bourguignon » et validai. En un fragment de seconde, une glace avec une purée à l’italienne surmontée de morceaux de boeuf, de carottes et d’une sauce dégoulinante se forma sous mes yeux. Je m’en saisi et l’observai, l’air curieux. Après un moment d’hésitation, je sautai la pas et mordis d'un coup sec. Curieusement, le format ne s’y prêtait pas mais le résultat fut succulent !

L’ascenseur s'arrêta et s’ouvrit sur le hall d’entrée, je sortis de l’immeuble en fixant la réceptionniste, toujours figé sur son ordinateur.

De retour parmi les mortels et leur brouhaha, j’avais perdu la notion du temps. En vérifiant mon téléphone, je vis qu’il était tout juste quatorze heure une.

Je n’ai passé qu’une minute dans l’immeuble ? pensai-je interloqué.

Il semblerait que le temps ne compte pas au Paradis. Je hélai un taxi et rentrai chez moi. J’avais tout mon après-midi pour me familiariser avec mon nouveau boulot.

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