La bête aux poils rougeoyants continuait de hurler et se remuait frénétiquement en mugissant:
- "Jamais je ne serai ton esclave ! Jamais ! Jamais ! Jamais !"
Des chaînes enserraient chacun de ses membres et étaient attachés à des troncs d'arbre. La force stupéfiante de la créature effrayait tellement que même blessée et acculée, personne n'osait encore crier victoire.
Les coups de fouets pleuvaient, mais son corps robuste résistait encore et toujours. La créature se débattait en vain dans ses chaînes d'acier et tentait de briser les anneaux avec ses dents. Cependant résonnaient les coups de marteau du forgeron et les psalmodies d'un prêtre.
- "Ô Methrovirsk, dieu de l'humanité, toi qui règne sur la terre comme au ciel, accorde nous la grâce de ton incommensurable puissance. Que ta volonté gagne le fer puis celui qui le portera, que ta bénédiction éteigne la flamme bestiale et impose ta divine volonté au corps et à l'esprit. Accorde nous ta puissance et impose ta volonté au corps et à l'esprit !
Accorde nous ta puissance et impose ta volonté au corps et à l'esprit !
Accorde nous ta puissance et impose ta volonté au corps et à l'esprit !"
Onmal et Oniress contemplaient cette créature avec presque ce qui ressemblait à de la pitié. Oniress murmura quelque chose à l'oreille d'Onmal qui hocha la tête puis s'approcha de la créature avec prudence, faisant signe à ses licteurs de ne pas intervenir.
- "Comment t'appelles tu, chancre abject ?" Demanda-t-il.
La bête s'apprêtait à révéler son nom, puis se ravisa et lui cracha:
- "Je suis le rouge ! Je suis l'élu des dieux ! Je suis le fléau des humains ! Je suis la ruine de votre pitoyable civilisation !"
Onmal eut un sourire cruel.
- "Triste sort pour un élu que d'être défait aussi tôt, au commencement de sa quête.
- La ruine est temporaire, mais la flamme est éternelle ! Vous ne me réduirez jamais en esclavage."
L'humain sourit.
- "Je te laisse une chance, bête."
Il dégaina un stylet et le planta dans l'œil gauche de la créature qui poussa un mugissement effrayant. Onmal se recula et contempla l'œil crevé de son adversaire.
- "J'ai besoin d'un ennemi sur le long terme. Je te prends ton œil, mais toi, je te laisse ta liberté."
Sous le regard médusé de ses licteurs, Onmal détacha les chaînes de la bête et lui fit signe de s'en aller dans la forêt. La créature sembla un instant ébahie, puis resta dans l'indécision. Les licteurs étaient juste à côté, la main sur la crosse de leurs pistolets. Mourir maintenant, même après avoir tué cet humain arrogant ne servirait pas sa cause. Après avoir lancé une imprécation, le monstre rouge s'en fut dans les bois.
Les licteurs n'en croyaient pas leurs yeux. Ils commencèrent à faire des messes basses entre eux. Tandis qu'Onmal levait une main dans le geste rituel de l'affranchissement.
- "Mais que fait le consul ?
- C'est évident non. Il affranchit le rubicond."
Onmal et Ankassen avaient compris que l'existence d'un adversaire aussi redoutable assurerait leur légitimité une fois qu'ils seraient au pouvoir. Il faudrait peut-être des siècles avant que n'apparaisse un seigneur des hardes aussi puissant.
Les autres bêtes se firent passer un collier autour du cou, tuant brutalement toute volonté de résistance de leur part. Finalement, en dépit du commandement inflexible de la bête rouge, c'était bien leur manque de discipline et foi qui avait signé leur perte. Une longue file d'esclaves avançait avec l'armée humaine tandis qu'ils rentraient à Vinrek, les cadavres de leurs camarades tombés entassés sur des chariots de fortune. Le consul était pressé de rentrer à Vinrek avant les élections.