Les paroles s'envolent...
Un coup de tonnerre fit trembler les murs de la vieille batisse. Le déluge s'était abattu sans prévenir. Johanna frissonne, un éclair l'éblouit un court instant. Elle resserre son long gilet en laine autour d'elle. Cette maison est vraiment trop froide, trop humide. Les flammes des bougies dénichées dans un tiroir de la cuisine se balancent au rythme des courants d'air. Quelle idée d'être venue ici, seule. Pas de réseau, pas de voisins. Juste le bruit de l'orage qui couvre la nuit.
Mais cette solitude lui fait du bien. Elle avait besoin de partir. De souffler.
Des évènements se sont précipités un petit peu trop vite dans sa vie ces derniers jours. Blottie dans le vieux fauteuil de velours rouge, les jambes repliées sous elle, un verre de vin rouge à la main, son esprit s'apaise. Une cigarette serait bienvenue mais comme presque tout le monde aujourd'hui, elle a arrêté de fumer. C'est bien dommage, murmura-t-elle amusée. La dernière fois qu'elle est venue dans cette maison, elle emplissait l'intérieur de ses effluves de tabac au grand dam de sa Grand-mère. Là, juste une odeur de renfermé, de vieux bois. La poussière s'est accumulée partout. Depuis combien de temps plus aucun membre de sa famille ne vient ici ? Et d'ailleurs pour quelle raison ? D'accord, sa Grand-mère est décédée dix ans auparavant mais son père qui a hérité de cette belle petite demeure bretonne, dans laquelle il a grandit, n'y a jamais remis les pieds depuis. Pas étonnant que Johanna a été prise d'éternuements lors de son arrivée. Cette maison est fermée depuis bien trop longtemps. Tout ici est resté suspendu. Le temps s'est arrêté. Les étagères remplies à craquer de livres que Mimoune affectionnait couvrent tous les murs du petit salon. Deux bouquins sont encore disposés sur la table basse avec un marque-page. Un musée. Vide de sa propriétaire.
La pluie tambourine contre les volets. Pensive, Johanna retrace ses dernières heures. La dispute. Son départ précipité de son appartement bordelais. La longue route qui l'a menée jusqu'ici. La honte. Surtout la honte.
La jeune femme se sert un énième verre. Le goût âpre du vin racle sa gorge. Un brouillard se dessine devant elle. Sa tête tourne. Elle se lève prestement, attrape la bouteille vide et se dirige vers la cuisine. Un rire. A-t-elle bien entendue ? Stupéfaite, son corps s'immobilise d'un coup. La voix de sa Grand-mère résonne entre les murs, se répercute contre tous les objets laissés à l'abandon. Un courant d'air traverse la pièce enveloppe Johanna puis disparait.
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