Liberté
l me pèse d'avoir à raconter les choses bonnes ou mauvaise du règne d'Yvanion, le roi abusivement surnommer "le fourbe".
C'est en l'an huit cent neuf que l'auguste Chlodowid, roi de Sarogonne, se départit de ce monde. Yvanion lui succéda, mais âgé de sept ans seulement ça n'est que douze années plus tard qu'il compris que, si les hommes-dieux étaient légitimes à régner sur le spirituel, c'était au roi lui-même qu'incombait la tâche de gérer le temporel. Le monarque savait que cette erreur, dans laquelle le divin s'était fourvoyé, avait réunis dans la haine nombre de ses sujets.
La trêve du subtil Mudry Volga avait perdurée toutes ses années, car cinq siècles de terreurs étaient restés dans les mémoires. Xamarcas et Endéval s'entravaient l'une et l'autre, ainsi la paix sur le Monde d'Omne se maintenait. Mais en ce temps, les armées s'étaient reconstituées, les personnes qui avaient vu de leurs yeux la puissance des hommes-dieux n'étaient plus de ce monde et Yvanion, ne craignait pas autant qu'il l'aurait dû ces redoutables seigneurs.
Il eut plu à ce grand roi sargonnais de ne point éprouver ses forces face à de semblables adversaires, pourtant, ses frontières jouxtaient celles de l'Exinie et l'Ugreterre qui un siècle plus tôt avaient reçu les dégâts les plus effrayants. Il conçu tout naturellement de grandes inquiétudes quant à l'entremêlement de leurs destinées. Il lui parut alors évident qu'il fallait ne former plus qu'un seul grand pays, fort et indépendant, pouvant tenir tête aux dieux eux-mêmes.
Gaïl le Vénérable, Mémoires du Monde d'Omne
***
En réalité, les huit jours conseillés par Jien Sohei n'étaient pas sans risques. Loin d'être la résolution de ses problèmes, le départ de Ménéryl n'en était que le début. Les bases de navigation dispensées par l'ezen étaient trop rudimentaires pour surmonter une mer qui à ces latitudes était souvent grosse. L'ivresse de la délivrance laissa vite place à la frustration de constater qu'il n'était pas plus avancé que dans sa caverne, son espace vital étant maintenant limité aux dimensions du bateau. Et justement, il n'était pas bien grand ce bateau.
D'une longueur de vingt pieds et large de sept, l'embarcation avait une coque profonde. Un abri construit à l'arrière permettait de se protéger tout en manœuvrant le gouvernail. On y entrait par une ouverture large qui pouvait se calfeutrer à l'aide d'une volumineuse peau de bête. Au centre de l'esquif se dressait un mât unique, muni d'une voile triangulaire, qui séparait le pont de manière quasiment symétrique.
La liberté nouvellement acquise rendait paradoxalement le jeune homme moins maître de ses mouvements et davantage à la merci du froid. Les deux premiers jours, il ne put faire autrement que de rester prostré dans l'abri, emmitouflé dans d'épaisses fourrures. Il avait bloqué la barre afin de maintenir le cap et se faisait violence pour vérifier par moments qu'il n'y avait pas de danger à l'extérieur. Enfermé dans cet espace confiné, à l'abri des couches protectrices qui le maintenaient en vie, il ne put voir à quel point son embarcation était frêle face aux vagues effrayantes et aux blocs de glace monstrueux qui dérivaient. Ce début de voyage, il le passa surtout à grelotter, ne pouvant même pas se nourrir tant la houle le rendait malade. Il se contentait de lécher longuement l'eau qui avait gelé dans les cruches, la plupart du temps à plat ventre pour ne pas perdre l'équilibre. Toujours dans un état second situé entre le rêve et la réalité, le jeune homme se réveillait par moments sans savoir quelle fut la durée son absence. Les ténèbres de son habitat et le ciel perpétuellement noir ne lui permettaient pas de se situer dans le temps.
Le simple fait d'ouvrir les yeux l'étonnait à chaque fois, il n'avait pas gelé, il était toujours en vie. Mais le mal-être, le froid et l'ennui profond commençaient à le faire douter de la réussite de son entreprise. Jien Sohei avait dû avoir un voyage légèrement plus confortable, car dans un coin de l'abri se trouvait un poêle à bois, mais malheureusement, rien pour l'alimenter. Malgré tout, il eut de la chance dans son malheur. Un vent continu poussant le bateau toujours dans la même direction avait contribué à lui faire parcourir une très longue distance. Il n'avait pas chaviré, n'était pas entré en collision avec une masse flottante et n'avait pas dû dépenser d'énergie outre mesure. De plus, chaque fois que le soleil s'était brièvement manifesté, il avait été conscient et l'avait vu à deux reprises. À sa neuvième apparition seulement, il pourrait débarquer sur la première terre qu'il trouverait. Malheureusement, il n'avait aucune certitude et l'astre du jour était devenu une obsession, car le manquer pouvait devenir fatal.
Au troisième jour, soit parce que la mer était plus calme, soit parce que son corps s'était habitué à la houle, il put se nourrir. Il récupéra l'un des trois poissons qu'il avait emportés, le plaça sous les fourrures au plus proche de son corps et dut attendre qu'il dégèle.
Tout en croquant dans la chair encore froide et dure de ce repas qui ne le réchauffait pas, Ménéryl repensait à tout le confort que lui procurait sa caverne. Des lieux dédiés en fonction de leur utilité, des repas cuits, un espace chauffé dans lequel il pouvait évoluer et s'occuper. Dans la situation où il se trouvait, cela lui apparut soudain comme un luxe démesuré et tapageur. Sa faim n'était pas grande et il devait se forcer pour chaque bouchée. Malgré les haut-le-cœur que lui procurait la mastication d'une bouillasse froide faite de grumeaux, de chair saumâtre et d'écailles, il n'en perdit pas une miette afin de reprendre des forces.
À présent, le jeune homme grelottait moins. Une fois fini la débauche d'activité que lui avait fourni son repas et bercé par les craquements du bateau, il sombra à nouveau dans la platitude d'une journée à regarder les murs dans la pénombre. Occupé à ruminer et à maudire le sommeil qui ne venait pas l'extraire à la réalité, il remarqua entre deux balancements de sa porte en peau de bête, que pointaient les premières lueurs de l'aube. Depuis son départ, les journées avaient commencé à s'allonger. Un soleil qui se maintenait chaque jour un peu plus longtemps dans le ciel avait procuré à Ménéryl ses premières sources de fascination. Il se redressa avec fébrilité, ses membres ankylosés par une position depuis trop longtemps statique, et écartant la fourrure, il contempla avec une admiration béate la boule orangée qui attaquait le début de sa course. Cette lumière, qui chaque fois faisait reculer un peu plus longtemps les ténèbres, était l'exact reflet de son existence. Sa vie éteinte au milieu d'un monde sombre et désolé s'éloignait, il se rapprochait de la clarté dans laquelle il allait pouvoir renaître. À l'instar de l'astre du jour vainqueur des abîmes, il triomphait de la mort à chaque parcelle de terrain parcourue. Perdu dans les divagations de son esprit, il fut tiré de sa rêverie lorsqu'il distingua au loin sa première île. Une fabuleuse euphorie s'empara de lui et il traîna péniblement sa carcasse sur le pont. Bien sûr, il ne pouvait pas débarquer, mais la promesse d'un peu de distraction le mit en joie. Constatant que le froid était devenu moins mordant, il tenta d'apercevoir ces choses mauvaises contre lesquelles Jien Sohei l'avait mis en garde. Mais il ne vit que des reliefs recouverts d'un manteau neigeux immaculé. Le redoux de l'atmosphère atténua quelque peu sa déception. Les couches de fourrures lui étaient toujours nécessaires, mais il pouvait maintenant fréquenter le pont et s'essaya à la pêche avec une ligne qu'il avait trouvée sur l'embarcation. Les poissons qu'il avait emportés ne dureraient pas bien longtemps, il devait refaire des provisions. Il ne rencontra malheureusement dans ses tentatives aucun succès, mais son espace vital venait de considérablement s'agrandir, ce qui était mieux que rien.
Les jours se suivirent monotones et insipides. Même si elle était rendue plus supportable par le climat qui s'adoucissait, la faim s'accentuait quotidiennement. Les îles qu'il croisait étaient toutes désespérément désertes, toutefois, l'apparition de premières couches sans neige puis la présence de premières végétations égayèrent un peu ses journées. A part cela, aucun fait, aucun évènement, le calme plat.
Il se déroula pourtant au commencement du sixième jour un événement étrange, de ceux qui vous marquent pour longtemps. Le bateau arriva au large d'une nouvelle île. Comme à son habitude, et c'était bien là une habitude qu'il ne risquait pas de perdre, le jeune homme s'approcha du rivage afin d'y détecter une présence et de jeter sa ligne. Il n'y avait plus de traces de neige. La végétation faite de pins, de mélèzes, de saules et de bouleaux y était même abondante et entourait une montagne solitaire au sommet sinistre. Toujours à bonne distance, Ménéryl scrutait sans trop y croire le mur végétal à la recherche de quelque chose d'inhabituel. Bercé par le clapotis des vagues sur la coque et le claquement erratique de la voile, il s'était appuyé au bastingage pour observer calmement. Pas d'âme qui vive, pas même le vol d'un oiseau au-dessus des arbres, tout était figé, immobile, laissant présager le prolongement d'une routine assommante. Il commençait à se faire à cette idée et relâchait son attention lorsqu'un amas de sorbiers se mit soudainement à remuer. Ménéryl se raidit ! L'adrénaline montait en lui, sa respiration se fit plus profonde et silencieuse comme s'il cherchait à ne pas être repéré. Tel un animal à l'affût il se figea. Il oublia la faim, oublia tout ce qui l'entourait. Toute son attention était fixée sur ces buissons qui ne cessaient de s'agiter. Il tendit l'oreille, mais il était trop loin. Comme si sa vue pouvait le transpercer, il se mit à examiner avec minutie le mur végétal, espérant que quelque chose en sorte.
Une créature tout à fait déconcertante émergea timidement des fourrés. C'était un être humain, semblait-il, mais en plus grand avec des proportions déséquilibrées. Sa tête volumineuse et chauve était emmanchée sur un torse à la musculature rustique. L'homme-animal se déplaçait à quatre pattes. Ses membres inférieurs, trapus, mais anormalement courts, ne lui permettaient pas de conserver longuement une station debout. Il fit quelques pas vifs, creusa un trou de ses mains puissantes et y attrapa une chose indistincte qu'il porta à sa bouche. Il se redressa sur ses jambes et tout en mâchant jetait de petits coups d'œil inquiets autour de lui. Puis il se remit à quatre pattes et recommença son manège. Arrivé en face d'un arbuste, il entreprit de fouiller à nouveau la terre.
Brusquement, les branches se couchèrent ! violemment plaquées au sol par une force irrésistible. La créature, d'un bond, tenta de fuir. Mais elle fut stoppée net par deux imposantes mâchoires qui se refermèrent sur elle et l'attrapèrent au vol. L'homme-animal, transpercé par une rangée anarchique de dents acérées, se débattait encore dans une gueule crocodilienne gigantesque. Il luttait avec l'énergie du désespoir, poussant une longue plainte. Elle était presque humaine, entrecoupée de sanglots et avait le timbre épouvanté de la fin approchant. Le saurien bascula sa tête en arrière pour faire glisser sa proie entière vers sa gorge. Le pauvre être criait encore en s'y enfonçant et sa voix s'atténua au fur et à mesure jusqu'à disparaître.
L'animal avança. Sa face, son dos couvert d'écailles et sa queue étaient reptiliens, mais le reste de son corps était léonin. Ses cuisses musculeuses se contractaient de manière atroce à chacun de ses pas, reposant sur le sol des pattes armées de griffes longues comme des poignards. À la vue de cette émanation tout droit sortie d'un bestiaire infernal, le jeune homme se sentit soulagé d'être en sécurité sur son bateau.
La mer était d'huile, la nature silencieuse, comme si le temps s'était arrêté. Les doigts crispés contre la bordure du bateau, Ménéryl, focalisé sur ce qui se déroulait sous ses yeux, sursauta à la vue d'une présence non loin de la chimère. Il en était sûr, elle n'était pas là l'instant d'avant. La silhouette était lugubre et ses contours embrumés s'amenuisaient par moment. Le jeune homme se frotta les yeux mais sans résultat. L'image que renvoyait l'apparition était chancelante, le lien qui l'unissait à la réalité semblait instable. Jamais Ménéryl n'avait ouïe parlé d'un phénomène aussi terrifiant, sûrement était-il trop affaibli, sûrement que ses sens le trahissait. Inexplicablement, une panique démesurée l'envahie et sentant qu'il allait perdre le contrôle, il mordit sa langue jusqu'au sang pour se ressaisir. Regardant à nouveau vers l'île, les contours de l'apparition étaient maintenant bien déterminés et constant. C'était donc ça ! son corps était faible et il devait maintenant se méfier de lui-même.
L'être avait une posture humaine, mais une apparence effroyable. Sa morphologie confuse et chaotique paraissait résulter d'une esquisse ratée sur l'anatomie des premiers hommes. Il était anormalement grand et maigre. Dix pieds de haut environ et des membres extrêmement filiformes qui paraissaient incapables de le porter. Cette maigreur était rendue plus spectaculaire encore, par une hypertrophie, sans ordre ni symétrie, de son thorax et de ses épaules. Une lourde peau de bête lui descendait de la nuque jusqu'au bas du dos et un crâne de cerf aux longs bois était posé sur sa tête en guise de couvre-chef. À la manière d'un malade, sa démarche était peu vivace et précautionneuse, comme si ses os risquaient de se briser à chacun de ses pas.
La créature crocodicéphale remarqua sa présence et commença à s'approcher de lui. La différence de gabarit était démesurée, un simple souffle du colosse semblait pouvoir fracasser l'intrus. Celui-ci pourtant ne cherchait pas à fuir, ses pas désordonnés le menaient droit vers le danger. L'écart se réduisit. La bête bondit, la gueule grande ouverte. En un instant, l'être tendit un bras démesurément long et stoppa violemment l'incoercible assaut. Sa main agrippée au museau du monstre, il l'écrasa contre le sol avec une brutalité phénoménale. Le choc avait retenti jusqu'au bateau. Ménéryl voulait détourner le regard, il préférait ne pas savoir, mais les terribles forces qui se déployaient devant ses yeux le gardèrent paralysé.
La chimère s'agitait frénétiquement sans pouvoir se libérer de la toute-puissante étreinte de son agresseur. Elle était comme possédée, poussait des rugissements terribles et désespérés qui se perdirent dans cette espace isolé du monde.
L'être ne bougeait pas et regardait calmement. Partant de sa main, une matière gris-jaune et poisseuse commença à se propager sur la tête saurienne. La chair se liquéfiait. Elle se mit à tomber en petits morceaux d'abord, puis par plaques entières mettant lentement l'os à nu.
L'animal était moins agité, ses forces semblaient l'abandonner, il se savait condamnée et attendait que passe ce mauvais moment. Il s'allongea sur ses pattes et cessa de bouger, regardant horrifié une flaque de matière flasque s'agrandir sur le sol, alimentée par son propre corps.
Le jeune homme était pris au tripes par les gémissements lugubres qui lui parvenaient et par la réalité de ce qui se passait sous ses yeux : la bête était en train de se gangrener. Lorsque la progression putride s'arrêta aux épaules, le crâne s'était complètement vidé de sa chair. Le sombre individu avait relâché sa prise. Lentement il se redressa et dirigea une main vers les cuissots de la dépouille. Ses doigts s'y enfoncèrent aussi aisément que s'il eût affaire à une simple motte de beurre. Il en arracha une pleine poignée de viande, soutirant une ultime convulsion au colosse terrassé. Puis, se tournant tranquillement vers la mer, il s'arrêta net lorsque son regard croisa l'embarcation de Ménéryl.
Son allure était tragique ! L'éloignement empêcha le jeune homme de discerner tous les détails, mais malgré la distance, il vit très bien ses yeux. Deux yeux énormes et globuleux, d'un noir de jais, que la pâleur sépulcrale de sa peau faisait ressortir. La vue d'ensemble était disproportionnée et la maigreur générale était aussi terrifiante que l'impressionnant méandre des bois qui lui couvrait la tête. L'être ne portait plus attention à sa proie et continuait à fixer obstinément ses grands yeux ronds sur Ménéryl. Il semblait ne pas avoir de bouche, pourtant, il porta le morceau de viande à son visage. Un trou béant s'y ouvrit dans lequel il engloutit son butin.
Le jeune homme sentit son esprit qui approchait dans l'air. Un esprit sinistre, dans lequel se mêlaient la désolation, la souffrance et la mort. Il enveloppa Ménéryl d'un manteau glacial et ses pensées s'emplirent de mélancolie et d'effroi. Tout son corps lui sembla soudain terriblement lourd, sa vie insignifiante, mais son instinct lui hurlait de fuir. Alors qu'il essayait de recouvrer la volonté nécessaire pour sortir de sa léthargie, une sueur froide lui parcourut l'échine. Dans sa tête une voix se mit à lui marteler :
- Viens !
Ses forces lui firent défaut. Il ressentit un besoin impérieux de tout abandonner, de se laisser dériver jusqu'à la côte et d'en finir une bonne fois pour toutes avec cette existence grotesque. Il se passa alors quelque chose d'inexplicable. Dans un réflexe de survie, il s'était jeté sur le gouvernail et le manœuvrait afin de s'éloigner le plus vite possible de l'île. Son corps avait fait abstraction de sa volonté. Il avait agi de manière autonome, comme animé par ses propres intentions. L'être cligna des yeux et se mit à avancer. Sa démarche lente et assurée persuada Ménéryl qu'il allait le rejoindre en marchant sur l'eau. Il sentit monter en lui une angoisse incontrôlable, mais la silhouette s'arrêta au bord du rivage.
***
Le soleil avait pratiquement achevé sa course dorée et des reflets rouges avaient recouvert la mer lorsque l'île ne fut plus qu'un point au loin. Ménéryl, qui sortait peu à peu son état de sidération ressentait toujours une vive tension. Peut-être le regardait-il encore si ses yeux pouvaient porter aussi loin. Ça n'est qu'à ce moment que le jeune homme osa se retourner pour la première fois. Il constata avec soulagement qu'il n'était pas suivi. Affaibli comme il l'était, il n'y aurait pas survécu s'il avait seulement aperçu une embarcation qui s'était rapprochée. Intérieurement, il enrageait. Sa vie avait toujours été régie par la haine. C'était une mécanique aisée et naturelle, les gens le détestaient et il les détestait en retour, rien de plus simple. Elle pouvait même donner un but à sa vie : l'éradication de cette espèce cupide, égocentrique et remplie de vices.
Inquiétude, abattement, il fût surpris de se rendre compte qu'il pouvait éprouver ces émotions ; c'était fâcheux ! Qu'avait-il vu, était-ce réel ? Était-ce la vision d'événements lointains qui ont déjà eu lieu ? Des êtres étranges aux dimensions hors-norme, à la puissance titanesque et de la magie en plus ! Ridicule ! La faim lui aurait donné des hallucinations ou alors il avait dormi, ces choses-là n'existent pas. Et de la peur en plus de ça ! Il devait se ressaisir, ses sens lui jouaient des tours et il ne pouvait plus s'y fier. Il allait devoir trouver un endroit où accoster et vite !
***
Le huitième jour arriva, puis le neuvième, il ne rencontra plus d'îles. À la faim s'était ajoutée la soif. Le sentiment que cet océan allait peut-être avoir sa peau vint s'additionner aux nombreuses idées noires qui tourmentaient déjà le jeune homme. Devenu incapable de faire le moindre effort, il restait allongé. Les images de ce qu'il avait vu et l'absurdité d'une mort qui lui semblait de plus en plus évidente tournaient en boucle dans sa tête.
Le dixième jour était bien entamé et le soleil commençait à de coucher. Ménéryl, dont le corps oscillait entre faiblesse musculaire et crampes fit un effort pour relever la tête. Son visage était pâle, sa bouche sèche, ses lèvres gercées, ses yeux creux et cernés, mais face à lui se trouvait une nouvelle terre. Il n'y croyait plus et n'eut pas la force d'exulter. Elle était bien plus grande que celles qu'il avait croisées jusqu'à présent et il n'en distingua pas clairement les détails. Un grand voilier faisait route vers elle, se dirigeant en direction de ce qui semblait être un port... Elle était habitée et il y serait la nuit tombée, mais n'ayant plus à redouter la nature et les éléments, n'avait-il pas bien plus à craindre de l'homme ?
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