Renouveau divin

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La Triac avait créée de manière brutale de nouvelles frontières et sur son territoire vivaient en grande majorité des gueux. Nombre de nobles ne savent se montrer digne du pouvoir que les dieux ont mis entre leurs mains. Les gens du bas peuple ont souvent entre eux ce point commun, que leur servilité ait été obtenue à force de souffrances et d’humiliations. Ils étaient maintenant les sujets d’un souverain qui les faisaient soldats, leur accordant la solde et les avantages de la fonction. Il faut le dire et le contraire eut été étonnant, ils se firent très vite à leur nouvelle vassalité et oublièrent l’ancienne avec la promptitude d’un mercenaire qui trouve plus offrant.

Les années passèrent sur le nouveau comté qui se dota d'institutions et s'ancra sur le Thésan. Pourtant l'euphorie des premiers temps laissa place à un sentiment bien désagréable. Cette population était étranglée entre deux colosses qui ne rêvaient que de guerre et elle s'y préparait constamment sans qu'elle ne vienne. Chaque jour, la destinée de ce peuple dépendait bien moins de ses décisions propres que de celles de ses voisins. Ils devinrent fatalistes et n’ayant aucune prise sur les évènements, ils se tournèrent vers les dieux. Bon nombre de temples furent construits et la Triac devint une terre de grande piété.

Gaïl le Vénérable, Mémoires du Monde d'Omne

***

Il régnait dans la salle du conseil un climat de prélude à la guerre. Autour de la grande table ovale se tenaient les plus importantes personnalités du royaume. Tous les conseillers du roi, avaient été convoqués : Burgolin le régisseur de Sargonne, Sire Marovos le chancelier royal, Gondelis le maître des officiants, Sire Wilfrid le grand chambrier, Sire Walderion le maître des épieurs et Sire Raghemid le stratège royal. Étaient également présents les sept comtes du royaume de Sargonne : Darkolès d’Armadoc commodore du Thésan, Madalbon de Béause, Harguelos d’Hérence, Gaulikès d’Agresoix, Dagonis de Mysergne, Marolon de la Marche des Trois Frontières et Aymerid de Sangterre grande milite du Thésan, statut dont il avait hérité après que la perte de son bras ne l’écarte des fonctions de commodore. Ils étaient tous venus à la demande du roi et attendaient debout son arrivée. 

— Le temps est-il venu de massacrer la mérdaille du Grandval ? demanda Madalbon à l’assistance.

— Si c’est le cas, je n’en ai pas été informé, répondit Burgolin qui s’était senti visé par la question. 

Tous les autres haussèrent les épaules. 

— Voyons, reprit Madalbon, vous voulez me faire croire que le régisseur en personne ne sait pas ce qui se trame ! 

Le seigneur de Béause était à la tête du comté centre-nord, dont la terre noire et grasse nourrissait à elle seule tout le royaume. C’était un homme tout en gras et en muscles, une brute qui, ne manquant pas de moyens, adorait s’adonner à la guerre et n’avait que mépris pour la noblesse de robe. 

— À quoi bon se poser des questions ? L’interrompit Darkolès, nous serons bientôt fixés ! 

Bien droit, mains derrière le dos, tête haute, la carrure du commodore était impressionnante, mais son faciès était aussi sec et buriné que les terres d’Armadoc. Son pays, bordant la frontière exinienne, était le plus pauvre du royaume, le plus aride aussi, mais son seigneur était respecté, car il était craint.

 — Ho ! Vous savez, si je dis cela c’est pour occuper le temps, répondit Madalbon en dévisageant le commodore.

Darkolès ne répondit pas, il se contenta de le toiser du regard. L’aspect du seigneur d’Armadoc mettait mal à l’aise. Il avait un crâne aux arrêtes saillantes. Des pommettes proéminentes et un menton large que jointaient des joues creuses, mais fermes. Le front haut, jouxté par des tempes gonflées, était zébré par une imposante veine qui semblait sur le point d’éclater. Son visage sombre, emmanché sur un cou de taureau, présentait un cuir coriace hérissé d’une barbe noire comme le charbon. De grands yeux gris et un nez crochu ajoutaient à cet amas de rudesse un aspect cruel, inquiétant. Cet homme était la parfaite représentation de son peuple, prompt à l’emportement, teigneux et increvable. Il était de ces êtres dont les plus avisés évitaient la colère. 

— Sire Madalbon, surenchérit Aymerid pour désamorcer la situation. Ne montrez point un tel empressement à partir en guerre, on jurerait que vous tenez les tribus du Grandval pour de la menuaille ! Mon pays borde le leur et je les observe depuis longtemps. Ce Sauromas, bien que primitif, a fait preuve d’un grand talent pour la tactique. Pour le moment il ne s’en est jamais pris au comté de Sangterre, mais j’ai tout de même cru bon d’augmenter le contingent de mes gardes sur ma frontière est.

Il fixait le seigneur de Béause qui ne répondit pas. On ne contredisait pas le comte de Sangterre, sa longue expérience et un esprit instruit, lui assurait une argumentation sans faille dans le domaine militaire. De plus, il était une légende vivante. C’est à ce moment que le roi entra. Les comtes se raidirent et le poing sur le cœur lancèrent d’une seule voix "Sargonne commande ou éteint !" Caribéris se dirigea en bout de table, puis s’assit. Ses subordonnés l’imitèrent. Il posa son regard sur tous les conviés et prit la parole :

— Comme je vous l’ai demandé, personne ne s’est fait représenter. Dans les temps qui viennent, nous serons amenés à multiplier nos rencontres et ceci sera la règle. L’époque est devenue périlleuse et je ne tolérerais la moindre absence que si l’un d’entre vous est mourant. Auquel cas, il aura effectivement intérêt à mourir. 

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de l'assistance. 

— Je vous ai fait venir pour vous faire part d’une décision qui sort de l’ordinaire.

Le roi marqua une pause pour s’assurer qu’il avait l’attention de tous et reprit :

— Je dois unifier le royaume, j’ai besoin de le stabiliser. Or, au-delà des querelles seigneuriales, fleurissent les conflits religieux. La persécution systématique des autres croyances sème le trouble dans le royaume. Sire Marovos, vous rédigerez un acte stipulant que toute entrave à la liberté de culte sera sévèrement punie : la mort pour la populace et une amende de cent dopa pour les nobles. Les comtes seront chargés de faire respecter ces lois !

La somme était importante et les personnes autour de la table s’étaient redressées. Ils écoutaient maintenant tous le souverain avec la plus grande des concentrations.

— Certains d’entre vous n’ont peut-être jamais entendu parler des kaolites, reprit-il. Leurs systèmes de pratiques et de croyances m’intéressent au plus haut point. À ce jour, les exactions à leurs encontre sont nombreuses. Je n’ai cure de ce qui s’est exactement passé, mais cette époque est révolue ! Le kaolisme deviendra dès aujourd’hui une religion tolérée au même titre et même davantage que n’importe quelle autre.

— Vous ne pouvez pas, s’insurgea Gondelis, les cinq… 

— Il peut ! L’interrompit Darkolès sans même le regarder, il est le roi !

— Mais les cinq sont des dieux, se défendit le maître des officiants, il ne faut pas provoquer leur colère ! 

— Vous a-t-il échapper ? dit Aymerid en indiquant son moignon, que nous avons occis le dernier d’entre eux. 

Caribéris plongea son regard dans celui de l’ecclésiaste et lui expliqua froidement :

— Les cinq ont toujours été source de division de leur vivant. Maintenant qu’ils sont morts, cela n’a guère changé, chacun se dévouant à la figure la plus proche de ses intérêts. Mais ne vous inquiétez pas, Maître Gondelis, il n’est pas question de supprimer la dévotion aux cinq pour autant, vous continuerez à gérer les affaires de vos croyants. 

Le Monarque releva la tête et fit un signe à l’un des gardes. Bravonarol fut introduit dans la salle. Il était métamorphosé. Les cheveux taillés en écuelle, le visage rasé de prêt, son nez étaient encore enflés, mais avait pris la voie de la guérison. On l’avait paré de vêtements à la fois austères et élégants, censés représenter l’humilité de la fonction et l’importance de la position. Une chasuble et une cape en soie d’Argène, couleur lapi lazuli, sur lesquels étaient cousus des motifs en fil d’or. Sur sa tête, une mitre ovale en antracier, symbole que la fonction du premier haut représentant de Kao serait tournée vers la conquête. Malgré la dure épreuve dont il sortait, l’ancien prisonnier marchait d’un pas assuré. Il émanait de lui un sentiment de puissance animée par le feu de sa dévotion et l’intime conviction que ses croyances assureront le succès de ses projets. Après tout, il servait la représentation matérielle de Kao en ce monde. 

— Messire, je vous présente Bravonarol, annonça le roi, il prend dès aujourd’hui le titre de Pèmes et sera la plus haute autorité chargée du culte de Kao. 

— Mais c’est la canaille de l’autre jour, s’étrangla Gondelis, vous ne pouvez pas nommer pareil vermine à de telles fonctions, et surtout… 

— Reprenez-vous Gondelis ! gronda Caribéris. Cette vermine, comme vous l’appelez, a passé trois jours dans les plus profondes geôles de Cubéria et en est ressortie avec une foi parfaitement intacte. Oubliez une seule fois encore de m’appeler Sire et nous éprouverons la vôtre, cela pourrait être riche en enseignements ! 

— Je vous demande de bien vouloir me pardonner Sire, s’excusa le maître des officiants. Puis voyant le seigneur Darkolès le fixer avec un méchant sourire, il baissa les yeux et ne prononça plus un mot. 

— Bonjour Pèmes Bravonarol, intervint Aymerid en se retournant. Je connais bien les samaliens et leurs doctrines, sont-ils des sortes de cousins à vous ? 

Il n’était jamais aisé d’avoir l’attention du grand milite fixé sur soi. Son visage était le reflet d’une vie à guerroyer, sévère et austère. Sa bouche, fine et pâle se courbait à ses extrémités vers le bas. L’arête nasale, aplatie, mais extrêmement pointue, semblait pouvoir couper. Au-dessus, de petits yeux noirs et perçants analysaient continuellement celui vers qui se tournait son regard. Comme à la recherche d’une faille, d’une erreur dans laquelle il pourrait s’enfoncer. Mais l’ecclésiaste n’était pas un être impressionnable et il répondit impassiblement :

— En quelque sorte, Sire. Mais pour reprendre votre comparaison, ils seraient des cousins très éloignés, les rebuts de la famille. Il s’agit là d’une hérésie qui est née d’une erreur de compréhension de l’enseignement de Kao. Je ne leur en veux pas pour cela, mais ils s’obstinent est ça c’est beaucoup plus grave. 

Les sept comtes se regardèrent silencieusement. 

— Et bien, Sire Aymerid, demanda le monarque, qu’avez-vous en tête ? 

— Votre Majesté n’est pas sans savoir que dans le comté de Sangterre, la religion des cinq n’a jamais vraiment prospéré. Mon peuple est toujours resté attaché à ses anciennes croyances et notamment à Samal. 

— Cela risque-t-il de poser des problèmes ? 

— Il y en aura Sire, c’est certain. Mais rien que je ne puisse surmonter. Néanmoins, si le pèmes Bravonarol pouvait commencer ses prêches en Sangterre, je lui en saurais gré. 

Caribéris, j’étais un œil vers le prêcheur. 

— J’accorderais une attention toute particulière à votre comté Sire Aymerid, promit Bravonarol.

Le souverain porta son regard vers les autres seigneurs.

— J’aimerais l’avis des autres comtes, dit-il.

— Vous ordonnez, Sire, et j’exécute, affirma Darkolès. Il n’y aura pas de problème en Armadoc.

Dagonis, comte de Mysergne, prit la parole :

— Les Mysergnates ont toujours été plus tournées vers les mythes et les légendes de leur pays que vers les cinq. Ce Kao ne devrait pas y changer grand-chose. 

— Pour ma part, réagit Marolon, la Marche des trois frontières a déjà de nombreuses croyances. Certains sont tournés vers Samal, d’autres vers la Thaha venue de la Kadama. Les kaolites sont déjà présents et cette nouvelle devrait les ravir. Pour ce qui est des cinq, notre position géographique nous les a fait côtoyer d’un peu trop prêt et rares sont ceux qui ont choisi de se tourner vers eux. Je ne partage pas les réticences du Maître des officiants, j’accueille cette nouvelle avec enthousiasme. 

— Si vous me permettez Messires, intervint Gaulikès perplexe, le culte des cinq est encore bien enraciné en Agresoix. L’Exinie a été dévouée pendant des siècles au seigneur Morshaka. La peur qu’il suscitait en a incité plus d’un à se convertir au cas où il traverserait un jour la frontière. J’ai entendu parler de ces kaolites et j’aime autant vous dire que chez moi, les persécutions à leur égard sont légion. J’imagine que si l’on se contente d’accorder le droit de culte sans leur donner avantages, cela pourrait peut-être bien se passer. Mais n’oubliez pas la crise profonde à laquelle j’ai dû faire face lorsque Sa Majesté a envoyé tuer Malvrick. J’obéirais bien sûr, car telle est votre volonté. Je ne vous demande que du temps et de me laisser faire les choses à ma manière. Si le Pèmes veut agir dans mon comté, il devra avant tout passer par moi.

— Il me semble que le seigneur Darkolès est dans la même situation géographique que vous ! Pourtant il ne m’a pas donné l’impression d’avoir les mêmes contraintes.

— Il a bien les mêmes, Sire, mais je n’ai pas la même aura que lui. Je ne peux faire miennes ses méthodes, mes gens travaillent dans des domaines plus qualifiés qu’en Armadoc et leur fendre le crâne ralentirait considérablement mes productions.

Caribéris avait écouté en remuant affirmativement la tête et confirma :

— Vos arguments sont pertinents, je vous accorde ce que vous demandez. Et vous seigneur Harguelos ? 

— Et bien Sire, répondit le vieux comte en se grattant la tête, le peuple d’Hérence vénère toujours les cinq, mais ils ne sont qu’une adaptation d’une croyance plus ancienne venue de Systagène. Ce Kao trouvera peut-être lui aussi sa place dans un panthéon qui ne compte pas moins de douze divinités. Cela ne devrait pas poser de problèmes si on laisse faire les choses à leur manière. 

Le monarque hocha la tête et tourna son regard vers Madalbon. 

— Sire, commença le comte de Béause, cette situation est problématique pour moi. Votre Majesté n’est pas sans savoir que mon peuple voue un culte important aux cinq et plus particulièrement à Karistoplatès ainsi qu’à Malvrick. Je n’ai d’ailleurs jamais révélé que nos gens furent à l’origine de la mort du forgeron. Mais le plus important, c’est que les offrandes sont nombreuses. Elles servent en grande partie à améliorer notre agriculture et à entretenir l’armée régulière que je mets périodiquement à votre disposition. Si le nombre de dévots diminue, je devrais prélever un nouvel impôt et le risque de troubles ne serait pas négligeable. 

— Et il serait dommage que le grenier de Sargonne soit en proie à l’insurrection, dit le roi en joignant ses mains devant son visage. Peut-être que les kaolites sauront se montrer également généreux, mais si ce n’est pas le cas, je comblerais vos pertes, je veux que cette nouvelle ère s’installe dans le calme. 

— La clairvoyance de Sa Majesté ne lui fait jamais défaut, le remercia Madalbon satisfait. 

— Je pense que nous avons fait le tour, reprit Caribéris, quelque chose a ajouté Maître Gondelis ? 

L’ecclésiaste fit signe que non de la tête. 

— Messires, la séance est levée, annonça le monarque en se levant. Je compte sur vous pour que tout ceci se passe le plus pacifiquement possible. Mais soyez intransigeants en ce qui concerne les persécutions ! Je vous souhaite bon retour dans vos pays.

Alors qu’il s’en allait, Darkolès se rapprocha d’Aymerid. Avec leurs allures terribles et martiales, ils étaient semblables à deux démons échangeant posément.

— Penses-tu que tout ceci puisse réellement unifier le royaume ? demanda le comte d’Armadoc.

— Il y aura peut-être quelques accros, mais je pense que la stratégie est bonne. L’unité est importante, mais le roi n’est pas un imbécile. Tout ceci arrive à point nommé. Une partie importante des tribus du Grandval montrent un esprit belliqueux. Ils sont là bas majoritairement samaliens. En plus d’une guerre défensive, Caribéris pourra également se prévaloir d’une guerre sainte. J’ai intérêt à mettre tout ça en ordre en Sangterre, si conflit il y a, il ne faudrait pas qu’une partie de ma population prenne fait et cause pour leurs frères de culte.

À l’autre bout de la salle, Gaulikès interpella Burgolin.

— Sire régisseur, vous me voyez perplexe. Le roi proposant au seigneur Madalbon de couvrir ses pertes, voilà qui est plutôt inattendue. Je ne vois pas de comte moins bien placé pour prétendre à une aide royale !

— Sire Gaulikès, n’en prenez pas ombrage, notre souverain cherche juste à apaiser les esprits. Il veut assurer une certaine stabilité face au bouleversement qu’il s’apprête à lancer.

Les plis autour des yeux du comte d’Agresoix renforçaient l’espièglerie dans son regard, mais indiquaient également qu’il avait vu passer bon nombre de printemps. Le temps de la naïveté était déjà loin. Non sans une pointe d’ironie il répondit :

— Oui je crois avoir bien compris ses motivations, mais nul doute que le seigneur de Béause se déclarera nécessiteux.

Burgolin, le visage incrédule, tenta de le rassurer :

— Notre roi lui a promis de couvrir ses pertes. Si le sire Madalbon est un homme avisé, et je n’ai nul doute que dans le domaine pécuniaire il le soit, il aura compris que finances royales rime avec grand chambrier. S’il abuse des largesses de notre souverain, ses comptes pourraient être épluchés par un expert en la matière. Croyez-moi, je ne pense pas qu’il y ait plus d’avantages que d’inconvénients à nous jouer cette chanson.

Le seigneur d’Agresoix eut un sourire en coin.

— Enfin tout de même, ce pauvre Madalbon était venu pour une annonce guerrière et il se voit attribuer une mission ésotérique. Quelle déception cela doit-être pour lui !

Burgolin sourit à son tour.

— Pourquoi opposer le combat armé à la religion ? Il y est toujours question de conflit. Je suis persuadé que les évènements à venir devraient fournir au comte de Béause de quoi assouvir sa soif de sang.

Non loin de la grande porte, Gondelis avançait à pas de loup. Il rejoignit Bravonarol qui s’apprêtait à quitter la salle et l’invectiva à voix basse :

— Ne croyez pas que je sois aveugle, vos manigances ne m’ont pas échappé. Vous voulez effacer le règne des cinq, les faire disparaître pour supplanter leur culte. Vous n’être qu’un manipulateur avide de pouvoir et je n’aurais aucun mal à révéler au roi votre vraie nature.

La franchise du Maître des officiants ne troubla pas le Pèmes. Au contraire, il tourna vers lui un regard sévère et méprisant. 

— Je ne manigance pas, je ne manœuvre pas et je ne suis à l’origine d’aucune intrigue. Pourquoi agirais-je de la sorte ? Vos dieux disparaîtront naturellement, car ils n’ont en rien la stature que requiert le divin. Votre prédécesseur a trépassé en s’empiffrant et votre ventre indique que le même sort vous guette. Les cinq sont à l’image de leurs représentants, excessifs et pathétiques ! Mais n’ayez aucune inquiétude, les changements mettent du temps, alors surtout ne faites pas de vague et vous devriez pouvoir encore profiter de votre statut jusqu’à votre mort.

Bravonarol s’inclina respectueusement et quitta son interlocuteur resté muet.

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