R.I.P

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Un renard l'observait. Figé. Là, à quelques mètres. Ses yeux perçants plongés dans les siens. Etrangement, Jo perçut de la compassion dans le regard de cet animal sauvage. La minute d'après, il avait disparu dans le bois. Jo était à nouveau seul. Il était très tôt, 4h ou 5h du matin peut-être, mais l'air tiède caressait sa nuque trempée de sueur et de sang. Il faisait doux. Bientôt, il ferait chaud, bientôt la colline laisserait passer les premiers rayons de ce soleil d'été, presque impatient de venir réchauffer la nature endormie. Dans une inspiration profonde, Joseph tenta de bouger. Il fallait fuir ce si beau spectacle. Vite, très vite. Mais, tous ses muscles se crispèrent, son corps entier hurla de douleur. Combien de fractures ? Combien de plaies béantes ? Combien de temps lui restait-il ? Toutes ces questions restèrent sans réponse. Jo ne pouvait plus se mouvoir, d'aucune manière, il était cloué au sol, paralysé. Une larme roula sur sa pommette boursoufflée. Il se mit à chercher du regard un échappatoire : mais, comment échapper à cet instant aussi poétique que magnétique, à cet événement quotidien, symbole même de la vie sur Terre, comment échapper au lever du soleil ?

 Les jours s'égrenèrent, après l'humiliation du bar, comme si cela n'avait jamais eu lieu. Doucement, Joseph reprit ses activités habituelles. Au bout de quelques temps, il ne pensa plus à regarder par la fenêtre, à chacun de ses déplacements, afin de vérifier qu'aucun intrus ne s'était aventuré sur sa propriété. Il recommença à boire son café en toute sérénité, face à son écran d'ordinateur, face à cette page blanche qui, finalement, ne l'était plus. Le conflit survenu au bar, deux semaines plus tôt, lui avait fait comme un électrochoc. L'inspiration s'était à nouveau invitée dans sa vie. Toute cette violence l'avait bousculé si fort, qu'étrangement, il s'était senti obligé d'évacuer sa peur et son angoisse sur le papier. Cette thérapie par l'écrit, efficace automédication, lui permit d'avancer dans son sixième roman, de façon inattendue ! Il retrouva le sourire et l'envie d'échanger avec sa famille. Il appela à nouveau ses parents un soir sur deux. Ces derniers ne surent jamais rien de l'altercation de leur fils et de ce groupuscule aux idées imprégnées d'une autre époque. Jo retourna faire ses courses dans le centre ville. Et même s'il ressentait le besoin de garder sa casquette bien enfoncée et sa capuche telle une carapace, la nuit, il parvenait à dépasser ses appréhensions. Il recevait des sourires des commerçants habitués à ses achats de fin de journée. Et il ne recroisa jamais le chemin de ceux qu'il redoutait... La vie reprit son cours.

 C'était un de ces soirs d'été, où l'on est habité par un mauvais présentiment. Jo était parti faire un tour dans la forêt, histoire de se changer les idées, de vagabonder à l'air libre. En fait, Jo faisait cette promenade nocturne depuis déjà plusieurs jours, maintenant. Il écrivait quelques chapitres, donnait quelques nouvelles à son éditeur et il sortait s'aérer. Il refusait de retourner boire un verre en ville. Ça, ça n'arriverait plus jamais. Il se l'était juré. Et ce mauvais présentiment, qui l'avait saisi en passant le seuil de sa porte, il le chassa rapidement, en prenant une longue inspiration. Il sourit.

Cette nuit-là, il était à mille lieux d'imaginer ce qui allait se passer. Au petit matin, il assista au plus merveilleux des spectacles et en fermant les yeux pour la dernière fois, Jo songea à cette phrase de Michel Ange : "Le soleil est l'ombre de Dieu".

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