Chapitre 8 - Ma nuit en boite de cristal
Je regardais le combiné du téléphone à chaque seconde, assis sur le canapé en cuir abîmé. Je détestais pourtant répondre au téléphone. Phobie rare de notre époque d'ultra communication : téléphoner ou recevoir un coup de fil me coupait la respiration. Je n'aimais pas les gens et encore moins leurs voix. Improviser une conversation sans aucune préparation préalable restait du domaine de l'absurde. Un vrai cauchemar. Mais je n'avais pas le choix puisqu'un éditeur allait forcement m'appeler pour que je file signer les contrats.
Inutile de s'attarder sur mes désillusions. Les surprises sont rarissimes chez les vaniteux. Je suis tombé de haut. Mon univers s'écroulait à mesure que les lettres de refus s'empilaient.
Que faire donc ? Reprendre mon poste de professeur des écoles dans les banlieues parisiennes ? Impossible, ce métier et sa hiérarchie m'apportaient des bouffés d'angoisse insoutenables. J'étais devenu un soldat de la guerre du Viet Nam de retour au pays après avoir survécu l'enfer quotidien. Je me foutais des « Tu ne peux pas comparer la guerre au métier de prof car tu fais un boulot facile qui ne demande qu'un peu de volonté et d'organisation. Minable lâche pourri gâté. » imaginaires. Je n'y retournerai pas. Je suis bien trop heureux ici.
Que faire alors ? Chercher du travail ailleurs ? Impossible, le processus de démission prenait au minimum 3 mois et avec ma disponibilité de fonctionnaire grassouillet, pôle emploi me virerait à coup de pied aux fesses sans sommations.
Alors que faire de ma vie immédiate ? Insister encore ? Écrire ? Encore écrire ? Les refus incessants érodent la persévérance des plus braves. Et des plus lâches. Mon monde s'était écroulé. Ce monde que je haïssais, avec ma grosse Américaine, mon job auprès des enfants, mon petit chez moi loin du grand chez mes parents, ma dépression, cette amie si rassurante.
Pour écrire et réaliser mon rêve, il aurait fallu que je puisse acheter du talent en barre. Mais j'étais à sec. Seule la carte de crédit de mon père me nourrissait maintenant.
Que faire bon sang ? Et ton imagination ? Imagine donc quelque chose, bordel ! Cette vie ne peut pas se résumer à une immense prison ! Libère-toi, fous le camp comme tous les autres. Tu deviendras grand. Tu deviendras quelqu'un de différent au risque de ne devenir personne. Oui ! Comme dans tous les bons romans, le héros malheureux quitterait son cocon de coton pour changer le monde.
Idée séduisante.
Malheureusement, je ne suis pas assez malheureux.
Je suis un imposteur malgré moi. Toute ma vie, j'ai confondu dépression avec lâcheté. Rarement, ce que je prenais pour de l'audace n'était que du désespoir. Le désespoir est une maladie incurable. Dans mon bonheur futile, ce n'est pas celle-ci qui me terrasserait.
J'abandonnais.
Il fallait tout reprendre à zéro.
Comment font-ils, eux, les vrais romanciers ? Avaient-ils connus ces moments de doutes effroyables ? Qu'auraient-ils fait à ma place ?
Je suis si proche du but ! Je le sens !
Non ! Je ne renoncerai jamais, quitte à en crever ! Je les massacrerai avec mes livres ! Je les noierai sous des tonnes de pages infectes ! Je brûlerai leurs yeux d'experts ! Je les prendrai en otage ! Je les torturerai avec mes mots ! Je veux commettre un roman d'artiste comme on commet un meurtre de psychopathe : je veux y prendre du plaisir. Je veux devenir cynique, obscène, mythomane, frimeur et narcissique. Je veux me complaire dans la suffisance. Je veux mépriser ces amateurs débutants qui se prennent pour la réincarnation de Shakespeare, Proust ou Colette ! Ces mythomanes puants qui espèrent m'arriver à la cheville ! Fantastique ! Mon roman est fantastique ! Je veux la reconnaissance. Je dois devenir cynique, obscène, mythomane, frimeur et narcissique. Je dois me prostituer ! Je dois devenir un écrivain, je dois devenir un Artiste.
Ma quête me mènera finalement au-delà des frontières de mes frustrations. Vers ce lieu nocturne. Ce château sinistre et fascinant.
Oui, je me souviens. Tous, ils ont commencé par ce lieu initiatique. Un lieu magique qui fascine l'humanité occidentale. Tous le fréquentent ou l'ont fréquenté, pour se relever ou pour couler, pour sauver leur monde ou le détruire. Inconnus comme Divinités. Ce lieu est le seul à réunir tous les ingrédients du succès qui me fuit. Le Graal dans une seule boite. Sexe, drogue, alcool et musique de merde.
Je sais pourquoi j'ai échoué. C'est à cause de mon modèle ! Oui ! Harry Potter a été écrit par une banale inconnue bien trop lisse ! J'ai besoin d'un maître qui soit à mon niveau, j'ai besoin d'un romancier qui me comprenne. Mort si possible. J'ai besoin d'une légende. J'ai besoin de l'inspiration d'un homme qui a connu les horreurs de la guerre, tout comme moi. Un homme désabusé par la vie. Un homme sauvé par son œuvre. Un vieil homme et amer.
Ainsi il me guidera. Et je pénétrerai dans ce temple des incompris. Tu as raison. Un homme intelligent est parfois obligé d'être soul pour passer du temps avec les imbéciles. Un homme intelligent va assassiner sa conscience en aspirant la débauche. Hemingway, toi le pilier des bars de Montparnasse, laisse-moi sucer ton talent.
Depuis la mort de Lassie et de mes autres chiennes, depuis la mort de mes vertèbres, depuis la mort de mon enfance, depuis la mort de mes illusions, depuis la mort de mon mariage, depuis la mort de mon ego, je comprends pourquoi les êtres humains cherchent à oublier leurs peines. C'est un fait culturel universel. Je comprends ce besoin d'oublier ses souffrances. Mais le comprendre n'était pas le partager. Jusqu'à présent, j'avais toujours noyé mes douleurs dans le refoulement. C'était plus économique.
Ce soir, j'allais pénétrer dans un lieu unique où les souffrances des uns se mélangeaient aux bonheurs des autres. Bonheur ou malheur, les causes sont les mêmes et les conséquences également. On se retrouve tous dans une boite de nuit, un night club, une maison close, une discothèque, un club de strip-tease, des backrooms, un cabaret, un club privé, un appartement insalubre, un manoir de riche ou un casino… Qu'importe le flacon du moment qu'on a l'ivresse.
Mon flacon à moi, c'était une boite de campagne dans les champs de tournesol, le long d'une nationale. Oh, je n'étais pas complètement étranger à ces lieux de débauche. À neuf ans, le C.E. de mon père avait organisé une soirée dans un club très tendance de la banlieue Bordelaise. Une soirée de Noël pour les enfants. C'est là-bas que j'ai dansé avec une fille pour la première fois grâce à la Lambada. Ma deuxième expérience fut courte mais intense. C'était lors d'un voyage en Grèce, pendant un échange entre lycéens. Bon sang, ce peuple savait s'amuser avant de disparaître ! La jeune fille chez qui je couchais (pas dans son lit évidemment) m'emmena dans une boite de nuit bondée où les camés locaux sniffaient des lignes de poudre en nous saluant. L'hospitalité des Grecques a bien changé. Nous ne sommes restés que quelques minutes. La musique me faisait mal aux oreilles.
Cette nuit, les lumières de l'établissement dansent déjà dans le ciel nuageux. Je suis stressé, anxieux comme avant de rentrer à l'école. Ce n'est pas mon monde. Mais je dois le faire. Je me relèverai ou je coulerai. J'anéantirai tout espoir ou je deviendrai une bonne fois pour toutes un type normal avec une vie pathétique.
Ma chemise noire Tex, les chaussures Barclay recyclés de mon mariage, ma barbe naissante, le gel dans les cheveux et un sourire superficiel me permettent de passer. J'y suis. J'entends déjà les basses de la sono faire s'écrouler mon cœur. Du David Guetta… ou un truc dans le genre. J'avais lâché la musique électronique depuis Daft Punk et "Discovery". Je m'assois au bar comme dans les films. Le serveur ressemble à un sicilien gominé. Malgré cette atmosphère hostile, je ne dois pas oublier ma mission. Je commande le premier cocktail de la liste devant moi, n'y comprenant absolument rien. Comme je parle trop vite et que je bégaye comme une chèvre, on me demande de répéter. Je rougis déjà. Peut-être qu'il sait que je suis un espion. Ne pas me faire repérer. Observer ce monde en mouvement. Observer comme un ethnologue, scientifiquement, et prudemment.
Il y a beaucoup de filles dans la salle allongée jusqu'à la piste de danse. Je ne vois qu'elles. Malgré la pénombre et les flashs, j'entreprends de les compter minutieusement. 48. Alors c'est donc ça des Françaises en chaleur ? Jamais autant ne m'avaient entouré dans un même endroit. Je finis mon verre goulûment. Les effets de l'alcool devraient lever mes inhibitions et me permettre d'approcher les fauves. Ces créatures ne ressemblent pas à ma grosse Américaine immobile devant son écran. Elles sont souriantes, minces, maquillées. Elles bougent. Elles gloussent comme des poules de concours. Elles s'amusent vraiment. Mon regard se porte en particulier sur un groupe de trois Françaises assis dans un coin plus sombre. Je prends ce repère en mémoire pour le reste de la nuit. L'une d'elle ressemble à Camille. Après mon deuxième verre, elle croise succinctement mon regard hypnotisé. Je le détourne immédiatement sur mon cocktail. Une Française… une créature dont je ne connais ni le langage, ni les coutumes, ni les rites d'accouplement. Mais cette nuit, il fallait que j'en fasse l'expérience comme tous les autres. Le bonheur était à ce prix. Elle prend un joint dans son sac, l'allume avec plaisir, le fume et le tend à sa voisine. Je suis tremblant, livide. Cette fille réunit tous les critères de débauche potentiels. Elle me sourit, chuchote un mot dans le creux de l'oreille de son amie puis se lève. Dans ma direction. Mon palpitant toussote ; j'ai du mal à réfléchir. Je fais mine de ne pas la voir s'approcher. Trop tard. Elle me fusille sur place. Il fallait que je communique avec une Française.
— Hey, salut ! me lance-t-elle avec une confiance inébranlable en ses charmes.
Ses boucles et ses seins rebondissent agréablement.
— Salut ! répondis-je dans un sourire forcé.
— T'es tout seul ?
— Heu… Ouais, je suis tout seul.
— On est seules aussi avec mes copines, tu veux nous rejoindre ?
— D'accord…
C'était si facile. C'en était édifiant. Pas de torture mentale quelconque, pas de poèmes de Toulet à réciter, pas de C.V. à faxer, aucunes innombrables tentatives à avorter… Les Françaises ne perdent pas de temps avec ces conneries.
Je la suis comme un esclave. J'allais pénétrer le cercle des initiés, j'allais faire comme tout le monde. Parler en rigolant bêtement, tenter de placer quelques jeux d'esprit, critiquer des lieux communs, le temps, le boulot, les amis, les connards, Sarkozy (veuillez insérer n'importe quel nom de président ici), la police, l'odeur de gerbe dans les chiottes… Une soirée banale.
— Je te présente Vanessa et Sophie. Moi c'est Marine. Alors, t'es qui monsieur le solitaire du bar ? s'amuse mon ingénue aux yeux noirs.
Soudain, j'entendais Vladimir Nabokov parler à travers elle. Cette Lolita aux seins joufflus venait de me pécher comme on pèche du cabillaud au large de Fukuoka. En un clin d'œil, avec le bon matériel. Si innocente, si jeune, ses lèvres humides avaient sans doute vécues des aventures plus intenses que l'ensemble des parties de mon corps. Elle attendait ma réponse comme on attend un cadeau à Noël. Les effets de son amie Marie Jeanne étaient surprenants et très tentants.
— Je suis Vincent. Je suis écrivain.
— Oh ! Wahou ! Génial ! Et tu écris quoi ?
Voilà. Une nouvelle fois je venais d'user de mon influence en déballant ma véritable identité. Techniquement, ce n'était pas un mensonge, alors pourquoi s'en priver ? Ça marche à tous les coups, non ? Leurs regards brillant en attendaient plus. Marine reprend son joint et en aspire sa magie en fermant les yeux.
— J'écris des romans fantastiques.
— Super ! On a de la chance, les filles ! Un écrivain rien que pour nous !
Mais la dénommée Sophie venait d'apercevoir un homme plus loin. Elle nous quitte définitivement. Je me hasarde alors à une question constructive et banale :
— Vous venez souvent ici ?
— Ouais, de temps en temps, le week-end quand on a fini notre boulot de merde.
— Ah, tu fais quoi ?
Marine reprend une bonne bouffée d'herbe, me souffle au visage et tend la barrette blanche à Vanessa. Cette dernière venait visiblement de boire comme un trou. Elle s'avachit sur le siège comme une otarie sur la grève.
— Je bosse au Leclerc de Marennes. Rien de bien passionnant comparé à toi.
Je sentais une pointe de jalousie dans sa voix intoxiquée.
— Tu sais je ne…, bredouillais-je.
— T'aimes quoi comme musique ? m'interrompt-elle.
Je n'allais pas leur dire que mes références musicales se cantonnaient aux compositeurs japonais contemporains comme Joe Hisaishi, Yoko Kanno, Ryuichi Sakamoto ou Yasunori Mitsuda. Le caméléon ne révèle jamais ses vraies couleurs à sa victime. Faire comme tout le monde pour que tout le monde m'aime et en particulier cette Française jeune et appétissante. Un nom. Il me fallait le pléonasme d'une chanteuse débile qui plaisait aux masses prostrées devant la télévision.
— Lady Gaga.
— Cool, moi aussi. On a plein de points communs ! On a commencé à partager un joint, t'en veux ?
Pour passer mon examen, une seule réponse était acceptable. J'allais enfin oublier mon échec de jeunesse.
— Heu, ouais, d'accord.
Tant pis. Je ne trouverais pas mieux. La cocaïne ne court pas les champs. Il fallait paraître blasé comme tous les jeunes. Elles ne savaient rien de moi pourtant. Elles ne savaient pas que j'étais divorcé d'une Américaine toxico aux cookies et au sexe. Moi, j'aurais tant voulu participer à ces fêtes à Malibu, comme toute cette jeunesse dorée dans Below zero de Bret Easton Ellis. N'avoir rien pour me rendre heureux que la coke et MTV. Mais la campagne charentaise n'est pas L.A. Tant pis. J'allais jouer un rôle à ma mesure. J'en étais capable, je m'étais entraîné 5 ans avec une prof américaine. Elle a consolidé la puissance de mon imagination. Marine me tend la clef qui me mènera à la gloire et j'ouvre la porte avec maladresse.
Après… je ne me souviens plus vraiment. Nous avons parlé. Un peu. Nous avons fumé. Beaucoup. Nous avons rigolé. Passionnément. Nous nous sommes effleurés. À la folie. Nous avons baisé.
Pendant qu'elle s'appliquait à aller et venir avec sa bouche dans la voiture, je repensais à mon road movie sur les routes d'Oregon. Nous venions de passer quelques temps dans un motel minable d'Astoria, sous le grand pont Astoria Bridge qui cisaillait la Columbia River vers Washington. Je conduisais le Ford Expédition à 30000 dollars de sa grand-mère. Poste de conduite très haut, très gros, un vrai monstre. J'ai toujours pensé que les Américains avaient quelque chose à compenser en voyant leurs voitures. Le paysage sauvage imprègne toujours ma mémoire ; nous longions la rivière Columbia, The rainforest sur notre droite. La radio jouait "Still the same" de Bob Seger, la climatisation me glaçait la peau mais la route était dégagée. Elle s'ennuyait. Comme d'habitude. Elle venait de finir un reste d'enchilladas de la veille mais elle avait encore faim. Puis la radio lui procura un plaisir inespéré. Sa chanson préférée : "Into the mystic" de Van Morrison. Dieu que je n'oublierai jamais cette chanson. Elle s'était faite tatouer le titre sur son dos en dessous d'un galion du 17éme siècle. C'était son identité me disait-elle sans arrêt. Elle en était si fière. Moi je trouvais ça étrange. Je lui avais interdit de faire d'autres tatouages. Elle avait l'âme gitane, libre et éphémère. J'avais peur des manouches.
Cette chanson avait le don d'émoustiller ses sens. Elle posa sa main sur mon jean et me demanda de ne pas quitter la route des yeux. Ses talents buccaux étaient insurpassables. Pour elle, les fellations étaient le meilleur moyen d'exprimer ses convictions féministes. Moi j'aimais beaucoup « ces ultimes résidus consternant de la chute du féminisme[1] ». Je lâchais les chevaux de la Ford. Il est difficile de se concentrer sur une limite de vitesse précise dans ces conditions. C'était ma première fellation à 80 miles à l'heure (je retournais vers le futur). C'était bon. Mais le policier qui nous coursait s'en foutait complètement. Les sirènes rouges et bleues, comme dans les films d'Hollywood… « Putain, les flics ! » lui tapotais-je sur ses cheveux assidus. Je repense encore à sa réaction en relevant la tête, mélange de frustration et d'amusement. Moi je tremblais de peur. Elle se marrait en essuyant ses lèvres. Quelle classe pourtant. Arrêté par la police américaine comme un vulgaire trafiquant avec sa pute la bouche pleine entre les cuisses. Nous étions quittes pour une amende. Ce sont des souvenirs honteux. Ce sont mes meilleurs souvenirs.
Mes clefs tombèrent sur le sol. Pas de musique de Van Morrison. Pas de tatouage. Pas de course-poursuite avec un sergent de la police américaine. Peu de liberté de mouvement. Les Françaises n'étaient finalement pas des créatures si différentes. Passé 18 ans, la plupart connaissaient déjà tous les trucs, comme les autres. Puis des pensées banales arrivèrent dans ma tête. Je croyais qu'elle était tombée amoureuse de moi. Elle croyait que les écrivains avaient plus d'audace. Elle était déjà ma nouvelle femme. Je n'étais déjà plus qu'un mauvais coup. Quand elle envoya un SMS à son mec, je compris que rien n'avait changé.
À l'arrière de ma voiture, elle avait la tête appuyée contre la vitre. Bizarrement, les histoires gays de dandys bourrés me manquaient. L'amour sans imagination, l'amour à la française, brute, classique, n'avait pas la même saveur. J'avais la nausée. Elle aussi. Elle remit en vitesse sa culotte brodée, tituba sur le parking humide jusqu'aux poubelles de la boite puis gerba sur ses bottines à lacet Lola Ramona. Dans un geste compatissant, je fis de même à ses côtés avant de tomber près d'une benne noire.
J'avais atteint le raffinement que j'étais venu chercher. J'avais réussi. J'avais oublié ma lâcheté pour quelques heures. Mais je n'avais pas oublié mon passé. Pourtant… pourtant je crevais de l'oublier. Il me collait à la peau comme la sueur de Marine. Rien n’imprime si vivement quelque chose à notre souvenance que le désir de l’oublier disait Montaigne.
Ce brave Montaigne.
Elle retourna sans doute dans la caverne des audacieux. Elle m'avait déjà oublié.
Au matin, je n'avais pas rejoint le royaume des romanciers défoncés. Même pour se détruire, ils avaient beaucoup plus de classe et de talent que moi.
[1] Mots empruntés à Michel Houellebecq dans Extension du domaine de la lutte.
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