1. Une première approche
Ma journée n’avait pas forcément bien commencée : déjà, mon réveil n’avait pas sonné, ce qui me fit arriver en retard, et j’ai failli me faire renverser par une voiture d’une espèce de fils à papa plein aux as. Le regard qu’il m’a lancé m’a pourtant glacé le sang, mais, avec tout le courage que j’avais, je lui fis un magnifique doigt d’honneur, avant de me barrer en courant en le voyant descendre de sa voiture. Courageux, mais pas téméraire, je me voyais mal me battre avec ce type alors que je n’avais même pas encore pris mon café.
En cours c’est la cata tout autant, je pique du nez alors que Madame Pratrokvi parle des droits fondamentaux… des animaux. Cette femme a pourtant une voix entraînante, une grande brune, des lunettes rondes sur le bout du nez, un chignon serré sur le dessus de la tête et toujours une jupe crayon. Elle est le cliché parfait des profs dans les pornos et je vois le premier rang, entièrement constitué de mecs, baver sur elle. Elle a un sacré accent russe et, si on ne suit pas son cours totalement, il est facile de perdre le fil.
Ma meilleure amie, assise à côté de moi, me donne un violent coup dans les côtes, me faisant lâcher un étrange gémissement qui fait se retourner le rang devant nous. Je lui lance un regard noir, elle me fait un sourire sadique.
— Tu t’endors, je n’entendais plus rien avec tes ronflements.
— Va te faire voir, ma belle ! Tu ronfles plus fort que moi et j’ai des preuves.
Aria, elle est magnifique, de longs cheveux roux lui tombent sur les épaules et le dos, elle possède un regard d’un bleu presque vert. Son visage est très fin et sa bouche s’étire constamment en un petit sourire. Elle est plutôt petite et j’adore la taquiner avec ça, tout comme lui dire qu’elle risque de s’envoler au premier coup de vent, vu comment elle est fine. Si je n’étais pas gay nous sortirions sûrement ensemble. Justement, elle est la seule à lsavoir que je suis gay.
— Je n’ai pas envie de te refiler mes notes à chaque fois que tu t’endors en cours. Quand tu arrives en retard, OK… mais là, tu es là, je n’ai pas envie de faire ton boulot.
— Raaah, c’est bon… je te paierai un moka glacé avec de la chantilly au caramel beurre salé.
Je vois ses yeux s’ouvrir avec gourmandise, elle se lèche les lèvres de façon sensuelle et se mordille la lèvre inférieure, imitant un orgasme. Ce n’est pas moi que cela fit de l’effet, mais au mec derrière nous qui lorgne sur elle comme un chien devant un morceau de viande. Je crois bien qu’elle l’a fait exprès, cette bourrique, j’entends le mec se dandiner sur sa chaise, soudainement mal à l’aise. C’est gros comme une maison que son caleçon est devenu trop petit. Je soupire, exaspéré, et elle ricane, contente d’elle.
À la fin de la journée, je ne traîne pas trop en classe, je dois filer à mon petit boulot. J’ai dû en trouver un pour payer mes études et mon appartement. Disons que, lorsqu’on est orphelin, c’est difficile d’avoir papa et maman pour nous aider, et, pire, si on est majeur, l’état ne fait rien pour nous. J’avais encore des aides jusqu’à mes vingt-cinq ans, mais là, plus rien. Bref… Je déboule à mon taf, à la limite d’être en retard. Ma chef me regarde, amusée, moi je buffle comme une vache à l’agonie pour avoir couru tout ce que je pouvais. Une fois changé et mon uniforme de serveur enfilé, je prends enfin mon service.
Voilà quatre heures que je sers des clients, tous plus pénibles les uns que les autres. Aria est venue réclamer son moka glacé, un peu de réconfort à la voir. Jusqu’à ce qu’un client, habillé d’un smoking qui vaut plus cher que mon loyer, entre. Merde… c’est le fils à papa qui a failli m’écraser ce matin. Je me tasse et m’approche de lui, une fois installé pour prendre sa commande. Il me dévisage, relève un sourcil puis me sourit sadiquement. Étrangement, ce sourire me trouble, sur son visage cela a quelque chose de séducteur. Ce mec est vraiment canon à vrai dire, des cheveux d’un noir ébène avec une coupe en brosse, des yeux d’un bleu sombre, une légère barbe de trois jours sur une peau légèrement hâlée. Sa mâchoire saillante et carrée donne envie qu’on la mordille, comme le fait qu’on devine une carrure musclée sous son smoking parfaitement ajusté.
— Vous désirez quoi, monsieur ?
— Votre numéro.
J’écarquille les yeux, tellement étonné par sa répartie. Il n’y va pas par quatre chemins. Enfin… il ne me drague quand même pas ? C’est pas écrit gay sur mon front. Il me dévisage sans aucune gêne avant de ricaner.
— Bon, un café noir sans sucre, alors. Vous êtes arrivé à l’heure ce matin ?
Je déglutis, puis soupire, lui faisant un sourire poli. Ici, il est le client, je ne peux pas l’envoyer chier comme ce matin et me barrer en courant.
— Oui… mais de peu.
Je tourne les talons, je n’ai pas l’intention de lui faire la conversation plus que ça et ma patronne risque de me le reprocher. Quand je lui rapporte son café il m’attrape le poignet, ce qui me fait grimacer. Je le regarde avec rage, mais lui avec une drôle d’expression.
— Je suis sérieux, pour le numéro.
— Vous me draguez ?
— Cela vous déplaît ? J’ai failli vous écraser ce matin, j’aimerais me faire pardonner avec un verre.
— Je vous ai insulté ce matin, et je me suis barré en courant.
— Excusez-vous en acceptant le verre.
Il me parle comme si je n’ai pas le choix, ce ne sont pas des questions qu’il me pose, mais plus comme des ordres. Je suis troublé, personne ne m’avait fait du rentre-dedans comme ça. Je finis par fuir son regard, reprenant mon poignet.
— Je finis mon service à vingt-trois heures…
Puis je tourne les talons pour m’éloigner de lui rapidement. Ce mec a une étrange aura, quelque chose qui m’attire et m’effraie en même temps. Il y a quelque chose d’assez attirant dans son regard, mais il est comparable au serpent, charmeur et dangereux. Lorsque mon service prend fin, je retire l’uniforme de serveur qui ne me met absolument pas en valeur. Je me pose même la question de ce qu’il a pu me trouver là-dedans.
Je renfile mon t-shirt noir tout simple et ma veste en simili cuir, mon slim noir troué au genou gauche et mes docs noirs. J’essaie de discipliner mes cheveux bruns, les ramenant en arrière légèrement sur le côté pour dégager mon sidecut sur le côté droit de mon crâne. Je me fixe dans le miroir, des yeux d’un noir profond, une bouche très fine et un visage encore adolescent, sans barbe et aucun piercing. J’ai une carrure assez fine, mais des muscles qui sont assez dessinés. J’ai vraiment tout du mec banal, celui qui passe inaperçu dans le fond de la classe.
Je sors du café et le vois sur le trottoir d’en face, appuyé sur sa berline noire, celle qui a failli m’écraser ce matin. Il relève les yeux de son téléphone pour les poser sur moi, me regardant de haut en bas avant de me sourire de cette façon sadique qui m’avait troublé. Je m’approche de lui, fourrant mes mains dans mes poches. Je le fixe quelques instants, mais je ne sais pas pourquoi je finis par baisser les yeux, et je l’entends ricaner. Il vient m’ouvrir la porte côté passager, j’hésite à monter, mais vu le regard qu’il me lance je finis par prendre place sur le siège en cuir. Cette bagnole pue le fric, c’en est presque gerbant. Il s’assit à côté de moi, toujours avec ce sourire sur les lèvres.
Au bout de dix minutes dans un silence de plomb, il se gare devant un bar. Celui-ci a une devanture entièrement noire, des gars sont à l’extérieur à fumer. On ne voit absolument pas ce qui se passe à l’intérieur, mais vu qu’il y a des mecs plus ou moins efféminés je devine que c’est un bar gay. Un détail me choque, ils sont tous en costards et il y a un vigile aussi baraqué que le mec dans la ligne verte. Je suis celui qui me doit un verre. Tiens, mais c’est quoi son prénom ? C’est une fois à l’intérieur que je suis… véritablement choqué… Non, fasciné.
L’ambiance est très cocooning, pas de musique trop forte, des tons dans les bordeaux et le noir, beaucoup de cuir, et des mecs en harnais la bite à l’air qui se baladent entre les clients. Un bar gay bdsm… Il n’y avait aucun doute là-dessus. Le mec a quand même les couilles de m’amener dans un bar comme ça pour un premier rencard. Je sens son souffle dans ma nuque et je me crispe. Il me chuchote un truc.
— Tu vas partir en courant comme ce matin ?
— Non…
Je lui lance un regard plein de défi, cet endroit ne me fait pas peur, au contraire il me fascine, mais je me dis que ce type est un pervers pour m’amener ici. Je le suis jusqu’à une banquette, où un des mecs à moitié à poil prend notre commande. Il fait un sourire angélique au fils à papa et me dévisage étrangement. Lui a commandé un verre de whisky et moi du cognac. J’observe tout ce qui se passe dans le bar : il y a un mec avec une muselière qui se fait balader en laisse par un mec en costard, un autre sert de tabouret. Mais le meilleur : il y en a un qui se déhanche sur une barre de pôle dance, avec un masque en cuir et un anneau dans la bouche, complètement a poil, et surtout, en érection. Tout dans ce bar est clairement un appel à la débauche, au libertinage et aux pratiques douteuses. Je remarque que tous ceux en costume sont ceux qui ont des airs hautains, un comportement de dominant. Attends… moi je ne suis pas en costard, mais l’autre si. Je tourne la tête vers lui, il me fixe intensément de ses yeux bleus, comme s’il jaugeait mes réactions. Je soutiens son regard quelques instants, puis préfère regarder ailleurs. Je l’entends ricaner, comme s’il avait eu ce qu’il voulait. Il croise ses jambes et attrape son verre de whisky, que le serveur vient d’apporter.
— Pourquoi il a fallu que tu me paies un verre ici ?
— Ça te dérange ? Tu peux toujours partir d’ici, je ne te retiens pas, on ne fait que boire un verre.
— Non… mais je ne suis peut-être pas gay.
— Tu n’aurais jamais accepté mon invitation et tu serais déjà bien loin d’ici.
Il n’a pas tort, j’ai dû lui envoyer des signaux qui ont fait qu’il a deviné mes penchants homosexuels. Mais qu’il m’amène directement ici… je lui envoie quoi comme signaux ?
— Tu as un contrat ?
— Un contrat ? De quoi ?
— Avec un dominant ?
Ah putain, voilà… je me comporte comme un soumis pour qu’il me demande ça ?
— Je suis puceau.
— Nan ? Pardon ??
Il se redresse d’un coup, ouvrant grand les yeux. J’ai sorti ça tellement naturellement en plus, comme si le fait qu’à vingt-six ans être puceau n’était pas gênant.
— Pourtant tu…
— Je quoi ? J’ai une tête à me balader comme les serveurs ?
— Oui.
— Pardon ??
— Disons que tu envoies des signaux d’un soumis, tu te comportes comme tel. Je pensais que tu avais de l’expérience dans le domaine.
— Tu cherches un soumis et tu t’es dit que le mec que tu as failli écraser ce matin était un potentiel candidat ?
— C’est plus quand je t’ai revu à ton boulot, quand je t’ai vu évoluer, j’ai cru que tu avais de l’expérience. Et en entrant ici tu n’as pas fuie en courant.
— Cet endroit me fascine et m’intrigue… je suis curieux, c’est tout.
Je le vois afficher un sourire étrange, il se rassied dans son fauteuil et semble réfléchir avant de se lever d’un coup.
— Suis-moi.
Je reste perplexe, puis finalement je me lève, mon verre à la main. Je le suis jusqu’à l’arrière du bar où il m’entraîne dans un couloir caché par un rideau en velours pourpre. Il y a des portes à n’en plus finir, il s’arrête devant l’une d’elles, l’ouvre et m’indique de venir avec lui. Il fait assez sombre, il allume toutes les lumières et ce que je découvre me fait hoqueter. C’est une chambre avec un grand lit au milieu avec une parure en satin bleu, mais ce n’est pas ce lit qui attire le plus mon regard… c’est tout ce qui se trouve autour. Une tonne d’équipements bdsm, un chevalet recouvert de cuir, une croix de Saint-André, des liens de suspension, une balancelle, une machine de sexe… bref la totale, sans oublier la petite étagère remplie d’équipements en cuir et de jouets en tout genre.
Je suis comme attiré par tout ça, curieux comme pas possible. Je m’approche des équipements, les regarde, les frôle de mes doigts. J’adore l’odeur que dégage le cuir, la sensation sous mes doigts et surtout l’ambiance de cette pièce. Je me tourne vers le dominant, il me fixe encore, il observe mon comportement… Cela doit lui plaire, car je ne fuis pas, malgré mon inexpérience totale dans tout domaine sexuel.
— Et c’est quoi, un contrat ? Ça consiste en quoi ?
Il ouvre grand les yeux et ses lèvres s’étirent en un sourire pervers.
— Et bien… tu y stipules ce que tu aimes faire, ce que tu ne veux absolument pas faire, ton safeword, tes conditions, la fréquence, etc.
— C’est quoi, un safeword ?
— Un mot d’alerte. Genre si tu arrives à ta limite et que tu veux arrêter.
— Genre… café ?
— Oui, seulement un mot.
Il s’approche de moi, lentement, très lentement, me fixant de ses yeux bleus. Je sens mon cœur avoir un raté, que pourrait-il me faire si je me laissais dominer ? Mon esprit s’embrume légèrement, il est tout proche de moi. Il prend mon verre des mains alors que je suis totalement hypnotisé par ses yeux.
— Tu serais prêt à passer un contrat ?
— Je… je ne m’y connais pas dans les pratiques de ce genre…
— Tu peux toujours revoir les termes de ton contrat en expérimentant petit à petit. Ton safeword est là pour ça.
— C’est verbal complètement ou écrit ?
— Par écrit. Je peux t’envoyer un modèle par mail, avec les termes de mon contrat et mes exigences. Cela te convient ?
— Je peux toujours refuser ?
— Oui, bien sûr. Tu veux… un avant-goût ?
J’ai un raté dans ma respiration, ma bouche s’entrouvre et je sens que sa main se place au niveau de ma gorge. Il est plus grand que moi et, rien que là, il me domine totalement. Je sens la chaleur m’envahir alors qu’il me fixe droit dans les yeux avec un sourire sensuel. Je sens sa main libre se placer sur mes hanches, il me colle brusquement à lui et là… je peux sentir son érection, c’est moi qui le mets dans cet état-là ?
— Tiens.
Il sort de sa poche une petite carte de visite et la glisse dans l’une des miennes. Juste après ça, il colle ses lèvres contre les miennes et engouffre sa langue dans ma bouche. Il a le goût de whisky et sa langue fait danser la mienne habilement. Je crois que j’en oublie de respirer et mon slim est beaucoup trop serré. Il s’écarte d’un coup, remettant une distance de un mètre entre nous, me laissant chancelant, rouge et complètement à l’ouest.
— Bien, envoie-moi ton mail par SMS. Bon, je dois rentrer, bonne soirée.
Il quitte alors la pièce comme ça, me laissant sur place avec une érection douloureuse. Non… Ce connard vient de me faire voir des papillons et il me laisse comme con avec ma frustration… Je sens la colère monter en moi, j’attrape la carte qu’il a laissée dans ma poche. Vayen Montargus, avocat diplômée d’état. Putain… un avocat, comme ce que je suis voué à devenir après mes études. Ce n’est pas un fils à papa, alors ? Enfin peut-être. Je regarde le numéro, sors mon téléphone et envoie seulement mon mail, rien de plus. J’aurais pu l’envoyer chier pour ce qu’il vient de faire, mais ma curiosité est tellement poussée à bout. Je veux savoir ce qu’il est réellement capable de me faire.
Le lendemain matin, j’ai dans ma boîte mail le fameux contrat, le sien et celui que je dois remplir et signer. Je suis en cours avec mon ordi au fond de l’amphithéâtre, Aria à côté de moi suit distraitement le cours. Personne ici ne suit vraiment, le prof parle d’une voix tellement lente et monocorde, on dirait qu’il a fumé un joint.
— Tu regardes quoi, Karl ?
— Un contrat.
— De quoi ?
Elle se penche sur mon épaule et lit ce qu’il y a d’écrit.
— C’est quoi, l’uro ?
— Je ne sais pas.
Un mec se retourne et nous regarde étrangement. C’est le mec qui avait lorgné sur mon amie la dernière fois, je le vois secouer la tête à moitié choqué. Je glousse, lui à l’air de savoir ce que c’est. J’ouvre une page internet et tape le mot dans la barre de recherche. Lorsque les images apparaissent, Aria pousse un couinement qui fait même arrêter le prof de parler.
— Mademoiselle Alister, vous avez quelque chose à dire ?
— Non, non, pardon, je me suis cogné le genou dans la table.
Elle est toute rouge, et moi je pouffe de rire derrière mon ordi. Je la regarde avec un sourire taquin. Elle fronce les sourcils et me toise avant de me pincer le gras de mes côtés, ce qui me fait gémir bizarrement. Le mec se retournet encore en fronçant des sourcils.
— Dis-moi, Karl, pourquoi tu as un contrat avec ce genre de trucs dessus… Attends, y a marqué quoi, là ? Scato ?
— Tu veux que je regarde sur Google ?
— Nan, c’est bon, j’ai une idée de quel genre de truc dégueulasse c’est. Ne me dis pas que tu as ce genre de penchant.
— Non, justement, c’est pour éviter de faire ce genre de trucs dégueulasse.
— Mais tu t’es embarqué dans quoi, toi ?
— Je ne sais pas trop. Mais je n’ai rien signé, je suis seulement curieux pour le moment.
Le mec en face se dandine, mal à l’aise à cause de notre conversation.
— Hey, mec, tu t’assois toujours à côté de nous et tu es toujours mal à l’aise de nos sujets de conversation, l’amphi est grand, tu peux t’asseoir ailleurs !
Il se retourne vers moi, avec un sourire en coin.
— Je m’ennuie quand je ne vous écoute pas.
Aria se met à ricaner, c’est vrai qu’on a jamais de conversation normale tous les deux, portée sur le cul à quatre-vingt-dix pour cent. Elle me raconte toujours ses plans cul, mais cette fois peut-être que moi je vais avoir quelque chose à raconter. Justement la demoiselle se tourne vers moi et me montre le contrat que je suis en train de faire défiler sous mes yeux, cochant quelque cases.
— Ce que tu coches, c’est ce que tu aimes ?
— Non c’est l’inverse.
— Tu as coché que scato et uro…
— Bah… le reste je ne sais pas, je n’ai jamais essayé.
— Mais y’a que des mots chelous, bondage, suspension, fist… c’est quoi tout ça ?
— Je te dirais quand j’aurai tout essayé.
Le mec à un raté et manque de s’étouffer, on va finir par le faire clamser avec nos histoires. La jeune femme se penche un peu plus pour regarder qui m’a envoyé le mail. Elle me fait un sourire qui en dit long.
— Et du coup, tu vas être le soumis ou le dominant ?
— Le… soumis…
— Ooooh ! Tu m’enverras des photos de toi en tenue de cuir et tout ça ?
— Ça va mouiller ta petite culotte ma belle, je n’ai pas envie que tu inondes la ville.
Elle se met à ricaner et m’embrasse sur la joue, ce qui me fit grimacer de dégoût. À la fin des cours, je file à mon boulot, et, à la même heure que la dernière fois… je vois débarquer le beau dominant. Il me toise, s’assoit et, quand je viens prendre sa commande, il m’attrape le poignet.
— Tu as regardé le contrat ?
— Oui… Je réfléchis et me renseigne encore.
— Tu peux me poser des questions, tu sais.
— Pas ici.
— Je te paie encore un verre ?
— Pour que tu me replantes comme hier ? Non… je t’enverrai un mail avec toutes mes questions.
Je n’ai pas l’intention de lui rendre la tâche facile après ce qu’il a fait. Son regard se soulève, son sourire est amusé, je crois qu’il a compris le message. Le soir, chez moi, je regarde mieux le contrat, regarde le sien et pose mes questions dans le mail que je lui renvoie.
— Qu’est-ce que le bondage ? Le fist se fait comment ? Y a-t-il plusieurs intensités de douleur avec la cravache et le paddle…
Je lui fais une liste de six pieds de long et c’est vingt minutes plus tard qu’il me renvoie des réponses à absolument toutes mes questions. J’imprime le contrat et c’est après plusieurs longues minutes que je finis par le signer. Je déglutis, voilà que je remets ma soumission à ce mec, un type que j’ai rencontré totalement par hasard… C’est clairement malsain ce que je fais. Il est certes beau comme un dieu, mais je ne le connais pas et ce type me propose de devenir son soumis. C’est proche du plan cul qu’on trouve en boîte un soir et qu’on largue le lendemain. Je n’assume pas mon homosexualité, mais là je suis tellement poussée par la curiosité, et le regard qu’il pose sur moi pourrait me faire perdre la tête.
Après une nuit agitée, j’enchaîne ma journée. On est vendredi, demain je ne bosse pas, j’ai gardé mes week-ends une fois sur deux. Et sans grand étonnement, il est encore là ce soir. Il me dévisage, je prends sa commande, il ne dit rien… Quand je lui apporte son café, je lui dépose une enveloppe kraft avec le contrat dedans. Je le vois entrouvrir la bouche, se tourner vers moi.
— Tu finis à vingt-trois heures, c’est ça ?
— Oui.
— Je passe te chercher ?
— OK !
Je le vois me sourire juste avant que je ne tourne les talons. Je suis troublé, je sais que ce soir je vais perdre ma virginité et je vais le faire d’une façon peu conventionnelle, avec un type que je ne connais que depuis une semaine.
Je suis taré !
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